Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Après les déclarations de Messahel: Crise diplomatique entre Alger et Rabat

par Yazid Alilat

Le Maroc ne semble pas avoir apprécié l'exaspération d'Alger devant ses tentatives de blanchir l'argent de la drogue sous forme d'investissements et d'aides financières en Afrique. Et, une fois encore, le Maroc a provoqué une nouvelle crise diplomatique dans la région maghrébine, créant une nouvelle tension politique entre les deux pays. Le Maroc a annoncé hier samedi avoir convoqué dans la soirée de vendredi au ministère des Affaires étrangères, implanté au quartier Hassan, sur les hauteurs de Rabat, le chargé d'affaires algérien. L'objet de cette ?'convocation'', selon un communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères, était de signifier au représentant de l'Algérie ?'le caractère irresponsable, voire «enfantin», des déclarations du ministre algérien des Affaires étrangères Abdelkader Messahel, ?'censé exprimer les positions officielles de son pays au niveau international''. Pour le ministère marocain des Affaires étrangères, ?'ces déclarations sans fondement ne sauraient porter atteinte à la crédibilité ni au succès de la coopération du Royaume du Maroc avec les pays africains frères, et qui est largement saluée par les Chefs d'Etat africains et appréciées par les populations et les forces vives du continent.'' S'en prenant directement à l'Algérie, le communiqué marocain ajoute que ?'ces allégations mensongères ne peuvent justifier les échecs ou cacher les véritables problèmes économiques, politiques et sociaux de ce pays (l'Algérie, NDLR), et qui touchent de larges franges de la population algérienne, notamment la jeunesse.'' Jeudi à l'université d'été du FCE, Abdelkader Messahel avait déclaré qu'il ne faut pas comparer l'Algérie, un pays stable, au Maroc. ?'Les banques marocaines, on le sait, c'est le blanchiment d'argent du hachich.

Ça tout le monde sait. Et ce sont les chefs d'Etats africains qui me le disent. Si c'est ça une banque, je ne sais pas !''. Messahel a ajouté en outre que la compagnie aérienne marocaine Royal Air Maroc (RAM) ?'transporte autre chose que des passagers''.

L'Algérie, ajoute-t-il, ?'est le seul pays sûr et stable'' en Afrique du Nord. Suffisant pour provoquer une véritable tempête à Rabat, où on affirme que ?'l'engagement pour l'Afrique ne peut être réduit à une question de ressources financières, sinon l'Algérie avec ses pétrodollars aurait pu réussir.'' Pour le Maroc, ?'les propos tenus par le ministre algérien sur des institutions bancaires et la compagnie aérienne nationale, témoignent d'une ignorance aussi profonde qu'inexcusable des normes élémentaires du fonctionnement du système bancaire et de l'aviation civile, tant à l'échelon national qu'international''.

Le communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères ajoute que le Maroc, ?'en condamnant ces propos affabulatoires (...) relève qu'ils coïncident avec la tournée régionale de l'Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara, ainsi qu'avec les préparatifs du Sommet UE-Afrique, prévu fin novembre 2017 à Abidjan.'' ?'Face à ce développement inacceptable, le Royaume du Maroc a décidé le rappel en consultation de son ambassadeur en Algérie, sans préjudice des actions que les institutions économiques nationales diffamées par le ministre algérien, pourraient prendre''.

A Alger, on reste serein. D'autant que le Maroc est depuis toujours catalogué et classé par les organisations internationales de lutte contre le trafic de stupéfiants, dont l'ONUDC, comme étant la source mondiale de production et de commercialisation du haschich, avant l'Afghanistan. En outre, il a osé dire tout haut ce que beaucoup de dirigeants, y compris ceux de la rive sud de la Méditerranée, inondés de haschich marocain, pensaient tout bas. Dans son rapport 2014, l'Organisation internationale de contrôle des stupéfiants (OICS) relève que 42 % du cannabis dans le monde est produit au Maroc, alors que près de 72 % du haschich saisi en 2013 en Europe provient de ce pays. Le commerce illicite du cannabis rapporte en moyenne 10 milliards d'euros chaque année aux réseaux de trafiquants marocains, et moins de 8.000 dirhams par mois aux cultivateurs, concentrés dans les régions déshéritées et marginalisées du Rif, entre Nador, El Hoceima et Tetouan, ainsi que dans les montagne de l'Atlas, dans les forêts de Chefchaouen et Ouazane. Globalement, il y aurait plus de 800.000 familles qui vivent directement ou indirectement de la culture du cannabis, selon l'ONUDC. L'organisation Onusienne n'avait plus été autorisée depuis 2003 par les autorités marocaines à effectuer ses enquêtes sur site de la culture du cannabis.

Enfin, selon un bilan de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT), plus de 14 tonnes de résine de cannabis ont été saisies en Algérie durant le premier trimestre de 2017, dont 86,75% à l'ouest du pays.