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Aux urnes citoyens !

par El Yazid Dib

« Nous avons décidé que l'Algérie vivra, soyez-en témoins ! Nos braves formeront les bataillons. Nous lèverons bien haut notre drapeau ! » Extrait hymne national algérien

«Tu votes ou tu ne votes pas c'est aussi mon problème» me disait un ami. «Pas en toute propriété mais en copropriété» m'assurait-il en persévérant à m'assener ; «car nous sommes tous dans une même barque».

Il y a eu toujours dans la liberté d'expression des hauts et des bas. Chacun y va du dos de sa cuillère. Tout dépend de la position à partir de laquelle l'on tend à faire un avis ou son contraire. L'abstentionniste peut avoir toutes ses raisons qu'il ne peut denier au participationniste. Ce ne sera en finalité qu'une question de conviction personnelle. Celui qui va partir ce jour poster son enveloppe ne pense pas le faire à cause du bruit qui s'est fait sournoisement entendre durant la campagne. Il le fera en toute volonté. Il aura légitimement toutes ses raisons. Celui qui préfère rester là, loin d'une urne ou sortir mouvementer ailleurs que dans l'isoloir pratique aussi son droit de mobilité. Enfin chacun prétend avoir raison de sa commission ou de son abstention. Les partis n'étaient pas à la hauteur de l'événement disent certains. Rien n'aurait changé dans le style ou dans la manière de mener une telle action à même de susciter l'arrimage de voix vers soi. La méthodologie du meeting, des bus et du sandwich ne s'est pas trop améliorée pour partir au lieu d'acquérir un cœur nouveau dans un futur militant, elle s'est tout simplement contentée de gagner une présence physique et un applaudissement mécanique, disent les autres.

En fait de programmes tout était presque dit. Rien n'arrive à différencier l'un des autres. De simples mots génériques à lancer à une foule échaudée déjà. Certains disaient qu'ils n'avaient pas besoin de tels programmes et que l'on suffisait seulement à continuer à marcher. Ils clamaient même ne pas se sentir dans le devoir de mener campagne. Alors que le peuple attend un saut qualitatif dans son existence et la vie de tous les jours ; ces partis ne rougissent pas à se confondre à l'Etat au moment où c'est uniquement celui-ci qui semble égayer le paysage politique. Juste à voir le fonctionnement d'une date historique ou une fête nationale, si l'Etat se désengage à arborer un drapeau, aucun parti ne le fera. Ainsi tous les axes d'intervention ou ceux notés sur des dépliants s'articulaient sur des vœux pieux, tellement rabâchés à chaque rendez vous électoral ont commenté largement des observateurs non partisans. Les jeunes, l'emploi, le logement, la hogra ont été mêlés à toutes les sauces écrites ou orales des formations en lice. La société, la révision constitutionnelle, les libertés publiques, l'entreprise nationale sont sur toutes les lèvres des acteurs et provoquent des débats captivants. La terreur et ses packs effrayants sont aussi de la mise. Le peuple est assez mûr pour ne pas attendre ces anciens messie pour qu'ils viennent lui susurrer ce qui bon et mauvais pour lui. L'Algérie avec ou sans eux est toujours dans le cœur de ce vaillant peuple. Il voudrait seulement la voir entre d'autres mains, plus raffinées, plus perceptibles et plus désintéressés de leur ego en étant énormément attentives à son égard. Seul l'Etat demeure le grand parti qui se soucie du citoyen.

Par fondement politique un candidat doit refléter l'ambition citoyenne. Il doit exprimer un besoin réclamé par l'électeur. Ces candidats dans leur majeure partie fustigeaient le pouvoir actuel. Ils sont bavards à s'attarder dans le bien humanitaire de tous les citoyens. Chacun dit pouvoir remodeler le régime, une fois élu. Les plus hardis proposent de revoir le système dans toute son entièreté. Une 2 eme république est annoncée pour naitre dans un climat nécessaire de rupture et redorant le blason vilipendé de l'acte de voter. Le vote actuel est un marquage personnel. La voix est directement affectée à une personne, loin du parti et ce qu'il représente comme courant politique.

Il y a eu des promesses à tout va. Des candidats qui jurent qu'une fois élus, ils effaceront les dettes bancaires des jeunes, donneront une subvention à tous les chômeurs, supprimeront le service national, distribueront gratuitement la semoule aux familles, accroitront l'allocation devises? ne se sont pas arrêtés à ce stade de chimère mais franchissent le cap de braver des tabous et veulent ériger un Etat généreux, miséricordieux; soit une grande maison de charité et d'œuvres sociales. On a besoin d'un Etat fort et juste et non d'un Etat type secours catholique, voire croissant rouge.

L'évolution de la pensée politique humaine, a fait que l'idée de l'accaparement du pouvoir devait à peine d'échec, appartenir non à un individu mais à un groupe d'individus, une organisation voire un parti tel que l'expérience contemporaine le définit. La gestion d'un Etat maintenant n'est plus l'apanage d'un seul leader mais de toute une pléiade de compétences. Si l'on veut pour l'ultime salut national bâtir un Etat, il ne faudrait pas jouer avec les sentiments de ce brave peuple. Il aime son pays. Donnez-lui une équipe politique qui gagne et vous verrez l'élan d'Om-Dormane rejaillir juste après le sifflet final succédant au dépouillement des voix. Rien n'empêcherait le futur député issu de cette angoisse nationale de s'investir davantage dans l'approfondissement des usages démocratiques. Elu, il aurait tout à conquérir s'il venait, une fois pour toute et telle une dernière volonté, mettre sine-die le changement tant souhaité, notamment dans le choix des stratégies, le mode de gestion, la libération des initiatives, l'assemblage des liens sociaux disloqués et la consécration des libertés d'expression en respectant l'avis contraire.

C'est face à cette complexité qui pointe à chaque élection que doivent se déterminer les uns et les autres. Doit-on voter ou non ? Pourquoi et pour qui ? Ceux qui disent qu'il le faudrait pour la déférence publique, n'ont qu'à se rendre en cette matinée à l'école d'à coté pour y jeter dans une boite, un bout de papier. Ils ont tout l'intérêt pour le faire. Reste à savoir, quel bout de papier faudrait-il encore prendre, ne pas cocher et le poster là où tous les imprimés s'y jettent ? Tous ces noms de candidats ont certainement un « appétit » du goût vers le mont des extases. Une élection se gagne d'abord par la création d'une conviction utile chez l'électeur. C'est ensuite aux merveilles de sa crédibilité que toute sa splendeur puisse se répandre sur le triomphe du vainqueur. On verra si les salles clairsemées ou empilées à craquer lors des meetings vont s'exprimer dans les urnes ou bien s'estomperont dans l'indifférence de l'isoloir. Il va y avoir certains qui non seulement n'iront pas voter mais essayeront d'empêcher les autres d'y aller. Est-ce là un boycott, ou une abstention ? Ils ont appelé pour que ces élections ne soient pas proposées dans des conditions pareilles. Comme ils conservent légitimement leurs droits de participation ou non. Mais inciter à la limitation de ces mêmes droits ne peut être pris pour une affaire de liberté d'action politique. Je vote ou non, tu votes ou non est une affaire personnelle et non un complot contre l'Etat ou à son profit. Il n'est pas non plus une servilité ou une vile allégeance. Ce libre choix ne doit se subir que par l'intermédiaire d'un vote, d'une urne, d'une expression de choix et de voix. Que ceux qui sont pour un candidat aillent voter. Que ceux qui en sont contre le fassent aussi. Voter, est une implication personnelle et un acquit conscientiel. S'y abstenir l'est tout autrement et demeure néanmoins respectable.

Le boycott, qui dans certaines situations semble avoir une posture d'une décision politique, somme toute normale serait loin en cette phase cruciale de prétendre résoudre quelques choses. Il ne fera qu'accentuer les susceptibilités. Dans la logique de ses appelants, il est le prélude à l'interruption de tout le processus. Quels effets peut-il avoir ce non-vote ? Une décrédibilisation de toute l'opération électorale ? Un faible taux de participation qui tournera mal à l'éventuel récipiendaire ? D'où une position d'avance ramollie, instable et fragilisée. Ainsi seule la mobilisation permanente des forces de soutien ou d'opposition au vote permettra d'amener le parti ou les partis gagnants à agir selon la revendication la plus retentie par leurs opposants. Que celle-ci soit réorganisée, ajustée et frontalisée. Le résultat final reste donc l'exercice d'un droit de citoyenneté. Unique moyen civilisationnel d'expression, le vote est toujours une intermittence que l'on ne peut un jour ou l'autre s'en réduire. Que le parti qui affiche déjà cette assurance virtuelle d'emporter le gros lot, n'empêche pas ses adversaires déclarés ou indécis de pouvoir avec hargne et engouement utiliser le résultat des urnes pourvu qu'il leur garantisse le droit à l'opposition. Avertir leurs troupes, mobiliser leur énergie, serrer leurs rangs et partir à la récolte des bienfaits du trône républicain, devaient être le seul cri sur tous les toits de la campagne écoulée. Voter reste en fait le dernier certificat de vie lorsque l'agonie ronge le corps moribond d'une démocratie en peine de s'affirmer malgré les nouvelles ouvertures constitutionnelles. Il est essentiellement le premier droit d'expression. Il faut l'exercer de plein droit.

Je disais aussi à cet ami : « Il est vrai qu'au regard de ce qui se fait comme acte politique ou de gestion qui ne s'est point immunisé contre toutes les vraies critiques émanant presque de tout le corps social ; aller voter peut renforcer la gabegie de cet acte. Il est vrai que les inégalités sociales sont devenues criardes, comme le sont la marginalisation et le traitement des deux poids deux mesures. Quand quelqu'un ne trouve pas un p'tit logement l'autre démolit une montagne pour y faire de la promotion immobilière en plein centre névralgique d'Alger. La luxure a gagné certains pontifes au moment où ailleurs dans les profondeurs du pays la santé est toujours malade et l'eau une denrée rare. Seuls quelques ministres donnent de leur mieux, les autres en faisant du remplissage gouvernemental ne se rechignent pas à charmer les foules au souffle et aux mots vides et parfois mensongers. Les députés sortants n'étaient que des pensionnaires gratos » sourire en lèvres et poitrine pleine à craquer de soupirs, il me tranquillisait « Ce ne sera pas parce que ceci est vrai que l'on se résigne à ne pas essayer de faire changer les choses et espérer davantage ». Si tu postules que tout est déjà fait, réglé et décidé, qu'il n'est pas utile de s'exprimer , de laisser le temps faire, de rester regardant et muet ; sois-en sur que d'autres malheurs, sans vote ni referendum, sans te consulter arriveront. « Des Champs de bataille monte l'appel de la Patrie, écoutez-le et obtempérez ! Écrivez-le avec le sang des martyrs et enseignez-le aux générations à venir ! Ô Gloire ! vers toi nous tendons la main car nous avons décidé que l'Algérie vivra. Soyez-en témoins ! Soyez-en témoins ! Soyez-en témoins ! ».. m'entonnait patriotiquement. « soti lechta fel vide ! et tu trouveras les bras généreux de ta patrie pour t'accueillir ».hop là !