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Energie: Cepsa veut se désengager de Medgaz

par Yazid Alilat



Les bruits deviennent insistants ces dernières semaines quant à un éventuel désengagement du numéro 1 espagnol des hydrocarbures, le groupe Cepsa, du consortium gérant le gazoduc Medgaz, à un moment où le gaz naturel algérien domine dans la structure des approvisionnements de la péninsule Ibérique. L'information est rapportée par l'agence espagnole «EFE», relayée par des médias espagnols, quant à ce désir de Cepsa de sortir du capital de Medgaz, qui relie via la Méditerranée l'Algérie à l'Espagne à partir de la wilaya d'Aïn Témouchent. En fait, pour le moment, il s'agirait de discussions entre les parties prenantes de Medgaz pour l'examen de la sortie de son capital d'un de ses actionnaires, le groupe Cepsa. L'ambassadrice d'Algérie à Madrid, Taous Ferroukhi, a indiqué qu'un changement de structure de l'actionnariat du gazoduc Medgaz devrait se faire dans le cadre «d'un dialogue bénéfique pour toutes les parties concernées». Citée par l'agence de presse espagnole «EFE», elle a ajouté que le retrait de l'actionnariat de Medgaz ou la vente de participations passent par la «voie de la consultation et du dialogue». Elle a expliqué, lors d'un déjeuner organisé par l'autre actionnaire de Medgaz, l'espagnol Gas Natural Fenosa, que «les accords énergétiques sont des contrats à long terme, et non pas des contrats qui peuvent être modifiés si facilement». Et «tout changement doit être inévitablement bénéfique pour toutes les parties», a-t-elle laissé entendre. La réaction de la diplomate algérienne, qui s'occupait dans les années 1990 du dossier de l'accession de l'Algérie au régime commercial du GATT (General Agreement on Tarifs and Trade, ancêtre de l'OMC), intervient par rapport à des informations faisant état de la vente éventuelle des parts de Cepsa dans le gazoduc Medgaz.

Les Emiratis veulent vendre Cepsa

Le groupe algérien des hydrocarbures Sonatrach est majoritaire dans le capital de Medgaz avec 43,9%, Cepsa avec 42% et Gas Natural Fenosa avec 14,9%. Le groupe Cepsa, contrôlé par un fonds d'investissement émirati d'Abu Dhabi, aurait émis le souhait de vendre ses participations dans le capital de Medgaz, avec comme explications des difficultés financières induites par une forte baisse des prix de l'or noir. Cepsa est en fait contrôlée à 96% par un fonds d'investissement émirati, qui a racheté 48,8% des actions du Français Total dans le capital du groupe espagnol pour 3,7 milliards d'euros. International Petroleum Investment, qui détenait avant l'OPA sur Total 47% des actions de Cepsa, était entré dans le capital du groupe espagnol en 1998, puis avait racheté les parts du groupe Santander (32,5%) et d'Union Fenosa (5%), en investissant au total 3,3 mds d'euros. Le propriétaire émirati de Cepsa a déjà engagé la banque espagnole Banco Santander pour rabattre d'éventuels acheteurs de ses parts dans Medgaz, alors que déjà plusieurs grands fonds d'investissements ont montré leur intérêt pour le rachat des actions de Cepsa. L'ambassadrice d'Algérie en Espagne reste cependant confiante dans les bonnes relations entre les deux pays, même en dépit de cette opération. Selon des milieux spécialisés cités par la presse espagnole, Cepsa devrait empocher un pactole de 350 à 500 millions d'euros en vendant ses 42% dans le capital de Medgaz. Le consortium Medgaz a enregistré un bénéfice de 71,98 millions d'euros en 2015, en hausse de 17% par rapport aux 61,3 millions d'euros réalisés en 2015. Le consortium Medgaz, qui facture 216 millions d'euros par an pour le transport du gaz et qui a commencé à fonctionner en avril 2011, fournit des services à des clients tiers. Ce gazoduc est vital pour l'approvisionnement énergétique de l'Espagne, puisque plus de 55% du gaz consommé provient d'Algérie. En fait, la part de l'Algérie dans la fourniture de gaz naturel à l'Espagne est devenue majoritaire, avec un «pic» de 67% au mois d'août dernier, soit une moyenne annuelle de 59,5% des approvisionnements de la péninsule Ibérique durant cette période, indique le dernier bulletin de la Corporation espagnole des réserves stratégiques des produits pétroliers (Cores). Selon «Cores», il s'agit du niveau moyen mensuel le plus élevé depuis juin 2014 lorsque les expéditions de gaz naturel algérien par pipes avaient atteint un plus fort de 68,6%. La part des approvisionnements espagnols en gaz algérien devrait atteindre 50% en 2016, indique de son côté l'agence espagnole «EFE». A titre de comparaison, la part du Nigeria, autre fournisseur de gaz à l'Espagne avec également la Norvège et le Qatar par méthaniers, n'est que de 14% au mois d'août 2016, après avoir été de seulement 1 à 2% entre 2010 et 2014.

Leader sur le marché gazier ibérique

L'Espagne, pour équilibrer sa demande, impose des restrictions à l'achat de gaz, en limitant à 50% ses approvisionnements auprès d'un seul pays fournisseur, pour éviter autant une trop forte dépendance énergétique qu'une situation de monopole d'un seul pays. Mais le gouvernement a laissé la porte ouverte à «des exceptions». Selon «Cores», ces «limites» imposées par la législation espagnole ont été dépassées en 2013 et 2014, avec 51,4%, alors que l'année dernière a clôturé à 53,9%. En fait, deux années après l'entrée en fonction du gazoduc algéro-espagnol Medgaz (2011), les expéditions algériennes de gaz vers l'Espagne avaient explosé, dépassant le seuil légal de 50% de fourniture de gaz imposé par le gouvernement espagnol. Durant le premier semestre de l'année 2014, le royaume espagnol dépendait à 57,9% du gaz algérien, avec 129.786 gigawatts/heures (GWh) achetés. Ses achats gaziers en provenance de l'Algérie étaient estimés à 32% en 2010 avant l'entrée en fonction du Medgaz. Ils sont passés à 51% en 2013, puis à 58% vers la mi-2014, et ont poursuivi leur croissance pour s'établir à 53,9% en 2015, dont un «pic» à 62,5% au début de la même année de 2015. A fin août dernier, selon Cores, les exportations espagnoles de gaz naturel ont baissé de 27,4% accompagnées d'une hausse de 11,2% des importations. En outre, 71,6% du gaz naturel importé à fin août dernier avaient été acheminés par pipelines, et seulement 28,4% ont été acheminés par méthaniers sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL). Si les importations de GNL ont baissé de 9,2% à fin août 2016, les exportations l'ont été davantage avec une chute de 86,4% par rapport à 2015. L'Algérie approvisionne l'Espagne en gaz via les gazoducs Medgaz et GME (gazoduc Maghreb-Europe).