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Le Maghreb pas totalement décolonisé

par Mahdi Boukhalfa

Il est inutile de tirer des plans sur la comète après l'élection de l'ancien ministre de la Défense sahraoui, Brahim Ghali, à la tête de la RASD. Comme il est inutile également de se poser des questions sur sa stratégie quant à de futures négociations avec le Maroc pour faire avancer le processus de définition de l'avenir du territoire. Brahim Ghali, proche d'entre les proches du président défunt Mohamed Abdelaziz, un des premiers militants sahraouis à avoir privilégié l'option militaire sur le politique pour faire aboutir le droit du « peuple des Nuages » à l'autodétermination, a pratiquement passé sa vie à lutter pour la cause sahraouie. Plus de quarante années à militer sur le front diplomatique pour amener le Maroc sur la voie pacifique de règlement du conflit, les mêmes années également passées à faire la guerre pour contraindre les forces d'occupation marocaines à quitter le Sahara occidental. La RASD et son bras politique, le Polisario, ne devraient donc pas changer grand-chose sur le plan diplomatique, ni politique quant à la seule revendication possible des Sahraouis : l'autodétermination politique. C'est en successeur de Mohamed Abdelaziz qu'il a soutenu et défendu la politique de négociations durant de longues années contre l'option militaire revendiquée par les jeunes militants qui voulaient en découdre par les armes avec le Maroc pour arracher le droit des Sahraouis à l'indépendance, que Brahim Ghali est perçu par les observateurs. Cet adroit négociateur, stratège politique, très dur parfois, tout aussi sensible aux appels au retour à la lutte armée, aura en fait un agenda tout tracé : relancer les négociations avec le Maroc pour rappeler à tous, en particulier aux Nations unies, que le renouvellement du mandat de la Minurso n'est plus une solution viable pour le peuple du Sahara occidental. Il est en fait attendu que le tout nouveau président Sahraoui va très vite entamer les démarches avec l'ONU pour la reprise des discussions sur l'avenir du Sahara occidental. Avec cette donnée fondamentale le retard dans la mise en place d'un référendum d'autodétermination dans ce territoire non autonome ne bénéficie qu'au Maroc qui a usé et abusé de subterfuges depuis le cessez-le-feu en 1991 pour faire perdurer une occupation qui dure depuis 1975, lorsque la première puissance occupante s'était retirée du territoire. La question aujourd'hui est moins ce que va faire le nouveau leader sahraoui que la position que vont adopter les puissances occidentales qui ont toujours fait barrage, en soutenant le Maroc, donc l'occupation du Sahara occidental, à un règlement politique, civilisé, de ce conflit. Un référendum sur l'avenir de ce territoire, libre et démocratique, s'il est bloqué officiellement depuis 40 ans par le Maroc, il n'en demeure pas moins que cela n'a été possible que par rapport à ses soutiens qui ne veulent pas d'un autre Etat au Maghreb. Et, surtout, pour maintenir cette région dans une pesante atmosphère de « ni guerre, ni paix ». Car le Maghreb, avec ses richesses naturelles, sa position géographique et son potentiel humain, reste toujours une région mal décolonisée, pas tout à fait débarrassée des scories du colonialisme. D'hier et d'aujourd'hui.