Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Des députés en perte de repères

par Kharroubi Habib

Jeudi, l'APN a offert le spectacle lamentable de son hémicycle quasi vide alors que la plénière du jour était consacrée à l'adoption de plusieurs projets de loi dont celui très controversé concernant les militaires que l'exécutif a manifestement cherché à faire passer au plus vite. Au constat de l'absence massive de députés, le président de la première chambre a dû, faute de quorum de présence requis, prononcé le report de la plénière à lundi prochain. L'on sait nos parlementaires adeptes de l'absentéisme notamment durant le mois de Ramadan. Le sachant, l'exécutif aurait dû s'abstenir de programmer durant cette période les projets en question ou du moins sensibiliser sa majorité parlementaire sur l'importance qu'il attache à leur adoption en urgence.

Il nous semble que la désertion de jeudi de l'hémicycle qui est le fait des élus de la majorité présidentielle a une autre cause que celle invoquée par Ould Khelifa qui a prétendu quelle est due au fait que les «députés se trouvant à l'intérieur du pays, nous avons voulu leur éviter le déplacement à Alger la veille du week-end». Il paraît plus probant que les absents ont tenté de ne pas s'impliquer sur le projet de loi controversé concernant les militaires. Ce n'est pas le caractère liberticide du projet de loi qui les a fait s'abonner aux abonnés absents, mais que celui-ci concerne les généraux et officiers supérieurs à la retraite dont par précaution se voulant préventive ils ne veulent pas s'en attirer le ressentiment.

Opportunistes, impénitents et toujours à guetter d'où peut provenir le vent qui mettrait fin aux rapports de force du moment à l'intérieur du régime, les députés de la majorité ont certainement subodoré que la levée de boucliers provoquée par le projet de loi dans le cercle des dignitaires à la retraite de l'ANP peut engendrer un bras de fer entre celui-ci et le clan présidentiel qui leur impose la plus grande prudence dont celle de ne pas s'afficher lors de sa discussion et adoption par l'institution dans laquelle ils siègent.

De fait, le projet de loi soulève une contestation au sein de la caste des officiers supérieurs à la retraite qui préfigure ce bras de fer sur lequel nos opportunistes parlementaires ne tiennent pas à dévoiler leur sentiment. L'on comprend qu'ils se sentent mal à l'aise, bousculés par un exécutif qui veut leur faire adopter à la «hussarde» le projet et les appels à ne pas se rendre complices de «la démarche anticonstitutionnelle et antidémocratique» que le pouvoir veut imposer que leur ont adressé certains des concernés dont l'ancien ministre de la Défense et homme fort de l'ANP, le général à la retraite Khaled Nezzar. Lequel s'est fendu d'une déclaration contre ce projet de loi qui va donner des raisons à certains d'entre eux à se réfugier dans l'absentéisme.

Le projet de loi en cause est révélateur que la guerre des clans qui a fait rage au sein des tenants du régime se poursuit toujours et à laquelle les députés de la majorité répugnent à être mêlés. Non pas parce qu'elle met en péril la stabilité du pays mais parce que n'ayant pas la vision de qui en sont les protagonistes et leurs clans respectifs et de ce fait sont dans l'impossibilité d'en prévoir avec certitude l'issue. Alors l'on comprend que ces députés se débinent si «courageusement» en s'absentant sous prétexte de la léthargie ramadanesque. Leur rappel à l'ordre va certainement résonner de façon à ne plus leur laisser l'échappatoire minable de l'absentéisme.