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Quand des peuples se jettent dans les bras des justiciers

par Ahmed Farrah

Un nouveau spécimen de leaders dingos est apparu ces dernières années dans des pays où le doute et la peur exacerbent les peuples désespérés et désemparés. Le populisme y trouve sa raison d'être. Les discours virils les rassurent. L'autoritarisme à la limite de la dictature, y est de plus en plus souhaité. Les intimidations et les propos orduriers, contre les étrangers assimilés à des criminels menaçants, réconfortent ces populations frileuses. Aux Etats-Unis, le candidat à la présidence, Donald Trump a le vent en poupe et a de grandes chances de s'installer à la Maison blanche grâce à son discours frisant le racisme. Le candidat de l'extrême droite autrichienne, Norbert Hofer, a échoué de peu pour être élu président de l'Autriche, dans un pays prospère mais troublé par les dizaines de milliers de réfugiés l'ayant traversé. Le Front national des Lepen donne du fil à retordre à l'establishment français et serait probablement en mesure de tirer vers lui la majorité de l'électorat populaire qui ne croit plus aux promesses de ceux qui le gouvernent. Ailleurs, en Asie, dans un autre pays, un « punisher » a accédé à la tête de l'archipel des Philippines et promet à ses concitoyens, le grand nettoyage. Rodrigo Duterte, le nouveau président des Philippines est un personnage charismatique et délirant dont la brutalité ne laisse pas indifférent. Sa réputation est devenue calamiteuse lors de son passage à la tête de la mairie d'une cité corrompue par le crime, la drogue et engluée dans la misère. Il aurait constitué un escadron de la mort pour faire lui-même justice et s'était lancé dans le grand nettoyage en exterminant, sans procès, les crapules et les délinquants de sa ville. Avec son discours anti-délinquant et anti-élite, il a su séduire les Philippins et est devenu le seul politique incarnant le changement après l'échec d'une démocratie vérolée par la corruption et les trafics de tout genre. Le mandat de Rodrigo Duterte prendra effet le 30/06/2016, après 30 ans de pouvoir largement dirigé par des clans familiaux soutenus par de puissants hommes d'affaires. Un système qui a contribué à enraciner les injustices sociales et les écarts de richesse dans un pays qui enregistre 6% de croissance annuelle et où le quart de la population vit dans l'extrême pauvreté. « Avec moi, ça va saigner, les poissons vont bientôt grossir de cadavres jetés à l'eau dans la baie de Manille, oubliez les droits de l'homme », ce sont ces mots qui donnent le sentiment de protection à des peuples qui n'ont pas d'autres choix que de se soumettre à des «justiciers». Les Algériens aussi, à un moment donné de leur récente histoire, ils avaient eu à choisir, mais entre deux faces de la même «pièce» qui paraissaient pile pour les plus naïfs.