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Alger: L'affaire du rachat du journal El Khabar reportée

par M. Aziza

Le procès relatif à la demande d'annulation de la prise de participation du groupe Cevital dans le capital du groupe El Khabar a été reporté, pour la deuxième fois consécutive, par le juge de la deuxième chambre administrative du tribunal de Bir Mourad Raïs à Alger. L'affaire qui devait être jugée hier a été reportée pour mercredi 11 mai.

Le tribunal administratif de Bir Mourad Raïs a jugé utile de renvoyer l'affaire au mercredi 11 mai 2016, pour permettre au collectif des avocats, constitués pour défendre les intérêts du groupe SPA El Khabar de bien préparer leur défense. C'est ce qu'a affirmé l'avocat de la défense du groupe El Khabar (le journal), Chaïb Sadek, à sa sortie du tribunal. Il a précisé que les avocats, chargés de défendre les intérêts du groupe El Khabar, vont mener une bataille juridique pour que cette affaire soit traitée dans un tribunal civil et non pas dans un tribunal administratif. Il a également souligné que les avocats ont été destinataires de deux dossiers de fond qui ont été déposés par l'avocat de la défense du ministère de la Communication, « des dossiers que nous allons consulter soigneusement pour préparer notre défense », a-t-il ajouté.

Faut-t-il le rappeler, le ministère de la Communication avait introduit une action en référé auprès du tribunal de Bir Mourad Raïs pour l'annulation du rachat du groupe de presse El Khabar par le groupe industriel Cevital. L'implication directe du ministre de la Communication dans cette affaire a suscité des réactions de certaines personnalités politiques et des organes de presse.

Ramdane Taazbit du PT, venu soutenir les journalistes et les gérants d'El Khabar, a estimé que le fait qu'un membre du gouvernement s'implique dans une affaire commerciale, « c'est déjà un dérapage grave de notre point de vue ». Et de poursuivre : « Nous considérons que toute atteinte à un journal, surtout un journal de taille, est une atteinte à la démocratie ». Et de souligner qu'on ne peut pas imaginer une démocratie sans la liberté d'expression ou sans la liberté de presse. Il a estimé que le journal El Khabar a été ciblé par rapport à sa ligne éditoriale, par rapport à la liberté d'expression. Pour le PT, le travail que fait le journal El Khabar « est un travail patriotique ». Et d'enchaîner : « Car, se taire devant les dérives, se taire devant des comportements mafieux qui sont devenus légion dans notre pays, c'est être complice ». Il conclut : « Ce n'est pas la liberté de la presse et d'expression qui met en danger l'Etat, mais ces les dérives et les comportements mafieux ».

C'est l'avis de Rahabi Abdelaziz, ancien ministre et membre de l'Instance de coordination et de suivi de l'opposition, qui a affirmé que le ministre de la Communication n'a pas les prérogatives pour introduire une action en référé, dans une affaire commerciale qui lie deux groupes. Il a dénoncé l'instrumentalisation de la justice dans notre pays en évoquant son silence par rapport à Chakib Khelil. Il a également dénoncé la politisation de l'affaire en invitant toutes les parties à laisser la justice trancher dans cette affaire commerciale conformément à la loi. Ce n'est pas l'avis de l'avocat du ministère de la Communication, Amara Mohcen, qui a affirmé devant la presse que le code de l'information, dans son article 25, donne le droit au ministre de la Communication de saisir le tribunal administratif. Et de poursuivre que « la partie concernée, le journal El Khabar et le groupe Cevital, a, elle aussi, le droit de discuter et de débattre de ce dossier, mais devant la justice et non pas dans la presse nationale ou étrangère ». Amara Mohcen a même affirmé qu'il va porter plainte contre Me Bourayou. « Nous allons porter plainte contre Me Bourayou suite à ses déclarations auprès d'une chaîne étrangère où il a insulté un avocat ». Et de poursuivre : « On a porté plainte contre toute personne qui touchera à la crédibilité de la justice algérienne », a-t-il averti en invitant Me Bourayou de bien lire les lois de la République.

Le directeur du journal El Khabar, Arezki Cherif, a affirmé pour sa part que ce n'est pas son journal qui a voulu politiser cette affaire, mais c'est le ministre de la Communication. Il regrette que « Grine ait commencé cette maudite guerre contre certains titres de la presse, il y a de cela deux ans. Il veut nous ramener au parti unique, nous sommes dans un Etat de multipartisme et on ne va pas se taire, on militera pour un Etat civil pour tous les Algériens, et on va poursuivre notre lutte pour la liberté d'expression et l'indépendance de la presse jusqu'au dernier souffle ». Il poursuit en affirmant qu' «ils préparent 2019, mais nous on ne veut pas s'ingérer dans les calculs politiciens, nous voulons être tout simplement libres et indépendants, car la presse est là pour défendre les droits justes ».

Des journalistes, des personnalités politiques, notamment de l'opposition, des syndicalistes se sont rassemblés en face du tribunal administratif en guise de soutien aux journalistes d'El Khabar, et pour défendre la liberté d'expression, scandant : « la presse libre et démocratique ». Certains sont allés plus loin en réclamant le départ du ministre de la Communication qu'ils ont considéré comme « ministre de la Publicité ».

Les membres du Cnapeste se sont déplacés sur les lieux pour exprimer leur solidarité avec le journal El Khabar. Le porte-parole du syndicat, Messaoud Boudiba, a estimé que cette affaire a un lien avec la ligne éditoriale du journal El Khabar, « une ligne éditoriale neutre qui sert les causes justes ». Et d'affirmer que le journal « nous a soutenus à maintes reprises dans notre lutte pour les droits des travailleurs, je dirais que cette ligne éditoriale dérange, et que cette affaire n'est qu'une forme de pression sur la liberté d'expression », a-t-il regretté.