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Un emprunt et des dessous

par Moncef Wafi

Annoncé le 2 mars dernier par le Premier ministre, l'emprunt obligataire national sera lancé officiellement aujourd'hui mardi. Le ministre des Finances qui devait détailler, hier, l'opération a indiqué que 4.500 points seront dédiés à cet emprunt entre institutions bancaires et bureaux de poste. L'emprunt obligataire reste l'une des réponses du gouvernement à la crise financière induite par la chute des prix du pétrole et est ouvert à tous les Algériens, particuliers et entreprises, pour un taux d'intérêt de 5% qualifié par les experts de très intéressant.

Benkhalfa, soulignant le caractère économique de l'opération, encouragera les Algériens à engager leurs économies dans des projets d'investissement avec comme garant l'Etat. Une explication de texte qui vaut par la méfiance des citoyens en leurs institutions financières, échaudés par l'expérience Khalifa où des économies de toute une vie ont été perdues dans une banque adoubée par l'Etat lui-même. Outre son impact sur la croissance économique, à travers le financement de grands projets bien ciblés, la réussite de cette opération reste hypothétique, grandement tributaire de la réaction des Algériens. Pour mettre toutes les chances de son côté, l'Etat a offert un important taux d'intérêt pour encourager cet appel au patriotisme économique. Une récompense pour une adhésion plus vaste à cet emprunt et une alternative à une confiance perdue entre un pays et son peuple.

En effet, et comme nous le soulignons dans ces mêmes colonnes, la confiance reste un élément hautement subjectif dans le monde financier et les Algériens, devant des lendemains incertains, n'ont pas forcément une confiance aveugle en leurs gouvernants. Ce taux ne devrait pas non plus poser problème à l'Etat puisque le remboursement de l'emprunt obligataire se fait sur le long terme, en tablant sur une reprise des prix du pétrole à l'orée de 2021 où les prédictions de l'Agence internationale de l'énergie les situent autour des 80 dollars.

Pour ses détracteurs, cette opération ouvrira grandes les portes à une autre tentative de blanchiment d'argent de grande envergure après celle de la mise en conformité fiscale volontaire ciblant les opérateurs de l'informel. Des critiques qui s'appuient sur la nature même des titres de créance qui seront anonymes. Une caractéristique qui sous-tend une volonté de drainer l'essentiel de la masse financière circulant dans la sphère informelle entraînant indubitablement une amnistie fiscale, une manière de rassurer les souscripteurs quant à d'éventuelles poursuites ou encore à des contrôles de l'origine des fonds déposés.