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L'UNION EUROPENNE ET UNE ISSUE EN TROMPE-L'?IL

par M. Abdou Benabbou

Le compromis trouvé ces dernières heures entre l'Union européenne et le Premier ministre britannique David Cameron est une issue en trompe-l'œil et il n'est pas dit que les arrangements conclus sont définitivement salvateurs pour cette union continentale.

Les Anglais ont eu ce qu'ils demandaient et la trame des décisions arrêtées reste empreinte de demi-mesures conciliatrices trop diplomatiques pour éviter une fracture européenne. Aides sociales, immigration, subventions, places financières ont constitué le lot des ententes auxquelles les négociateurs ont abouti. Les 28 Etats membres ont unanimement murmuré l'aboutissement conclu par un compromis. Aucun n'a parlé d'un accord. A ce niveau la nuance entre les mots a un sens. Leur décryptage dans ce cas précis est un aveu sur la fragilité de l'Union et sur d'inévitables nouvelles secousses qui ne sont pas à écarter.

Avec la montée des nationalismes européens et l'euroscepticisme qui se développe on voit mal en effet comment les populations membres de la communauté accepteraient de continuer à se soumettre aux contraintes et aux règles de l'UE alors que la Grande-Bretagne a réussi à se passer des obligations les plus importantes sur lesquelles repose cet ensemble européen. Le maître mot de la souveraineté a été imposé par David Cameron au bénéfice de son pays membre des 28 sans y être totalement, gardant sa monnaie nationale et restant sur la touche de l'espace Schengen mais s'érigeant comme le noyau central d'une entité qui n'arrive pas à se départir des battements de l'aile.

Les très fortes turbulences sans cesse répétitives du monde agricole français sont de plus en plus porteuses de la volonté d'une importante population décidée à tourner le dos au rêve d'un grand ensemble continental économique et politique dans lequel chacun était censé trouver son compte.

Le maintien de la Grèce au sein de l'UE n'a été garanti que grâce à un subterfuge référendaire qui a floué le peuple grec. L'élargissement de l'Union aux pays de l'Est a été surtout construit sur l'offrande à leurs populations de perspectives nouvelles, celles-là mêmes annihilées avec fermeté et réussite par le Premier ministre britannique. Enfin, le drame des milliers de déportés volontaires chassés par les guerres et qui escaladent les murs des frontières remet sérieusement en cause la libre circulation des personnes censées vivre sous un même étendard en donnant naissance à un nouveau vocabulaire où le maître mot n'est plus que le sauvetage d'une fragile union.

Cet état des lieux est loin d'être désopilant car il ne concourt en aucune manière à la bonne prise en charge des défis du siècle nouveau tant il est vrai que les grandes articulations économiques, sociales et politiques du Vieux Continent demeurent entretenues par l'individualisme des Etats.

Les pays du sud de la Méditerranée seront sans conteste les premiers à en payer les frais.