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CONSTAT ACCABLANT

par Moncef Wafi

L'enquête publiée par un confrère sur l'implication des transporteurs de voyageurs et de marchandises dans les accidents mortels sur les routes algériennes, au-delà de sa pertinence, n'est en fait que la confirmation d'une vérité vécue chaque jour par les Algériens. En effet, camions et bus sont fréquemment à l'origine des morts en gros sur le bitume de l'Algérie, montrés d'un doigt menaçant qui dénonce vitesse, irresponsabilité et incivisme. Pourtant, le constat est resté en l'état et aucune mesure radicale n'est venue mettre le holà à ces semeurs de la mort.

La responsabilité de ces véhicules et de leurs chauffeurs est bel et bien engagée dans la longue liste des tués de l'asphalte, de l'aveu de tout le monde, les statistiques en premier. Même si ces dernières ne donnent aux bus qu'un maigre taux de 3,81% dans les accidents survenus l'année dernière, le nombre des morts y afférent est tout bonnement effarant. Ces derniers mois, et sur les réseaux sociaux, des vidéos montrent des transporteurs de voyageurs filant à plus de 140 kilomètres, slalomant sur l'autoroute au mépris du code de la route le plus basique. Ces chauffeurs devraient être arrêtés sur simple visionnage de ces films ou sur dénonciation des automobilistes ou des voyageurs au premier barrage sécuritaire.

Mais avant d'arriver à cette politique de délation citoyenne, l'Algérie a raté un virage, qui n'était pas si serré que cela, n'était-ce l'incapacité des différents ministres des Transports qui auraient dû, en leur âme et conscience, prendre les mesures adéquates pour arrêter cette hémorragie. Alors que la route continue inlassablement son travail de grande faucheuse, le gouvernement n'a pas trouvé mieux comme parade que de reparler derechef de textes de loi, de permis à points ou de ces chronotachygraphes, ces fameux mouchards qui devaient, selon les promesses de deux ministres des Transports, équiper «prochainement» les bus et les camions.

Ainsi, et théoriquement, on évoque une batterie d'actions privilégiant un durcissement de la réglementation. La révision des programmes de formation de la conduite automobile dans les auto-écoles, la limitation de vitesse en milieu urbain et bien sûr ces mouchards qu'on colle sur les transports de passagers et de marchandises sont de nouveau exhibés comme solution miracle. A priori rien d'original dans ce plan de bataille d'une guerre perdue d'avance contre le terrorisme routier. On en est encore à revoir une copie désuète essayant de cautériser une jambe de bois. On l'a déjà écrit sur ces mêmes colonnes que l'Algérie ne s'est jamais offert les moyens de sa politique en ce qui concerne la prévention routière et ce ne sont pas ces spots publicitaires médiocres et d'un autre âge qui y changeront grand-chose.

M. Talaï sera-t-il plus coupable que Ghoul ou Tou, qui n'ont rien fait que promettre, en rendant publiques des initiatives restées lettre morte ? Pourtant le texte de loi existe et stipule que « tout véhicule de transport de marchandises dont le poids total autorisé en charge est supérieur à 3.500 tonnes et de transport de personnes de plus de 15 places doit être équipé d'un dispositif de contrôle et d'enregistrement de la vitesse ». Alors pourquoi ne les a-t-on pas placés ? Tout le monde est coupable parce que le mal est connu, alors à quand les véritables sanctions ?