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Importés frauduleusement : Des médicaments de contrebande dans les pharmacies

par Yazid Alilat

Le marché algérien du médicament pèse 2,8 milliards de dollars, dont 55% assurés par les importations, les 45% restants étant produits, localement, affirme le Dr Lotfi Benbahmed, président de l'Ordre des pharmaciens. Il a expliqué, hier, mercredi, à la radio nationale que 45% de la consommation nationale de médicaments sont produits localement, soit un vaste marché dominé par les producteurs locaux. Les importations de médicaments, à usage humain, (95% de la facture globale des importations des produits pharmaceutiques) se sont établies, à près de 1,87 milliard de dollars, en 2015, contre 2,41 mds de dollars en 2014 (-22,53%), alors que les quantités importées sont passées à 24.560 tonnes contre 29.808 t (-17,61%).

Mais, « on ne peut tout fabriquer en Algérie. On ne peut substituer que partiellement les importations par la production nationale, car un certain nombre de molécules sont produites par des technologies dont ne dispose pas l'Algérie, ce sont les biotechnologies. Certaines molécules sont produites en Algérie, comme les formes sèches, mais pour le reste, ce sera très compliqué », a-t-il affirmé. « Les moyens de dépistage se sont améliorés, il y a des centres anti-cancer, et donc nous devrons prendre en charge nos malades, en Algérie et cela entraînera des dépenses beaucoup plus importantes pour le cancer et les molécules que nous ne produisons pas en Algérie à court et moyen termes. » Selon le président de l'Ordre des pharmaciens, il y a actuellement 73 producteurs de médicaments, et 150 usines, en projet, qui sont inscrites au ministère de la Santé. « C'est déjà beaucoup, nous demandons une meilleure régulation de cette production », a-t-il dit. Pour lui, il faut, surtout, arriver à « une meilleure régulation de la production. » En outre, il y a le problème de la fabrication des mêmes molécules par plusieurs usines, « il faut donc diversifier la production, car il ne faut pas que 10 producteurs produisent la même molécule », relève-t-il, appelant à ce que les fabricants de médicaments soient orientés vers une diversification de la production des molécules, qui ne sont pas produites en Algérie. » En fait, « nous sommes à 45% pour la production de médicaments, en Algérie, mais il y a beaucoup à faire, en termes d'environnement, de technologie, de réglementation », rappelle le Dr Lotfi Benbahmed, pour qui « c'est une affaire de plusieurs ministères, pas seulement celui de la Santé. » « Il faut mettre en place une véritable politique nationale du médicament », a-t-il préconisé. Pour autant, il estime que la facture des médicaments, qui a baissé, en 2015, l'a été de « manière sensible avec une meilleure régulation », mais ne peut baisser pour certains types de médicaments car « il faut prendre en charge les maladies chroniques, les cancers, les maladies de vieillesse... » L'Algérien consomme peu de médicaments par rapport aux normes, relève, par ailleurs, le président de l'Ordre des pharmaciens, selon lequel la consommation est de seulement 65 euros / habitant / an contre 450 euros, par malade, ailleurs, en France, notamment. « Ce ne sont pas des dépenses subies, et il faut développer le tissu industriel du médicament », estime t-il, avant de faire remarquer qu'il existe des mesures de soutien pour aider les producteurs qui le veulent à exporter vers les pays subsahariens, préconisant pour cela « une mise en place d'une véritable politique nationale du développement du médicament. »

En matière d'importation frauduleuse de médicaments par ailleurs, il a indiqué que « c'est un phénomène qui existait d'une manière localisée, il y a une dizaine d'années. Mais, c'est très grave, car ces produits qui sont importés, illégalement, sont vendus, à travers le réseau des pharmaciens. » Pour le président de l'Ordre des pharmaciens, « il faut un durcissement des contrôles et des sanctions qui peuvent aller jusqu'à cinq millions de dinars d'amende et jusqu'à 5 ans de prison. Nous sollicitons les DSP (direction de wilaya de la Santé) pour prendre en charge cette problématique, cela peut être une voie vers la contrefaçon », et « si ces produits ne sont pas contrôlés, il y aura des conséquences sur la santé publique. » Il s'agit, selon lui, de 15 à 20 produits qui n'existent plus en Algérie, appelant, en même temps, « les médecins de ne pas prescrire ces produits, notamment ceux qui orientent leurs malades vers les pharmacies qui vendent ces produits. » Sur le phénomène des herboristes qui ont poussé comme des champignons, un peu partout dans le pays, le Dr Lotfi Benbahmed relève que ces produits sont « dangereux pour la santé publique! Il faut fermer ces officines ». Par ailleurs, pour lui « il n'y a pas de pénurie de médicaments », en Algérie. La production locale et les importations répondent à la demande, a-t-il dit, « mais il peut y avoir, çà et là, des perturbations. L'Algérie fait partie d'un réseau de 26 pays, dans le monde, pour responsabiliser les laboratoires, en cas de pénurie », et localement, « on a fait des propositions pour que la responsabilité pharmaceutique des Laboratoires, en Algérie, soit engagée. »

Le programme d'importation de médicaments, pour 2016, a été signé au mois d'octobre dernier, a-t-il annoncé. « Pour la distribution en officines de certains médicaments, comme les antiépileptiques, dont le Rivotril, vital pour les enfants, il a indiqué que « nous insistons auprès du ministère pour une réglementation sur ces produits. » « C'est l'usage qui en fait une drogue, et des pharmaciens ont été, injustement condamnés. Ils refusent, donc, de distribuer ces produits », explique t-il. En outre, « nous demandons une réglementation plus claire sur ces produits, (car) on a assimilé ces produits à des drogues, alors qu'il y a un arrêté ministériel qui a été promulgué et qui sera mis en place prochainement. » Pour ce type de produits, il a indiqué qu'il y a, seulement, deux pharmaciens agréés par la Pharmacie centrale, qui mettent en vente ces produits ; les DDS vont réglementer la vente libre de ces produits. » Enfin, sur le calendrier des gardes et des permanences de week-end, il a botté en touche et resté évasif sur le désordre qui règne, en matière de permanence de nuit dans les grandes villes du pays.