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Projet de nouvelle Constitution : Le «Oui, mais» de Ksentini

par Yazid Alilat

Le projet de révision de la Constitution ?'va renforcer la démocratie en Algérie, je ne fait qu'applaudir ses dispositions sur les droits de l'homme. Le projet de révision de la Constitution ?'va renforcer la démocratie en Algérie, je ne fait qu'applaudir ses dispositions sur les droits de l'homme. On encourage et on soutient», c'est ce qu'a déclaré, hier mercredi à la radio nationale, Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH).    Pour autant, il est resté sur ses positions concernant la détention préventive, qu'il qualifie d'abusive, et la non prise en compte dans ce projet de texte, de la dépénalisation de l'acte de gestion. Il estime qu'il faut ?'maintenant appliquer ces mesures contenues dans la Constitution, car les choses sont dévoyées malgré les bons textes. Il faut veiller à une application correcte des textes?', ajoute t-il. ?'Souvent, l'application des textes est dévoyée, et cela porte atteinte à la Constitution», explique Me Farouk Ksentini qui a relevé que l'article relatif à la liberté de manifester «est un gage de démocratie. Les manifestations sont nécessaires à la vie politique du pays, mais il faut les encadrer et permettre au peuple de s'exprimer. Je pense que cela va mettre fin à ces interdictions, et les manifestations pacifiques seront permises.?' Sur l'article 41 relatif à la dépénalisation du délit de presse, il estime que ?'cela est substantiel, j'avais dit ici même que la prison n'est pas faite pour le journaliste, et le journaliste n'est pas fait pour la prison. On ouvre la voie à une véritable liberté de la presse, la liberté des lecteurs, qui est fondamentale dans tout système démocratique.?' Il a également qualifié ?'d'avancée l'accès à l'information et aux statistiques, car, selon lui, il y a une rétention des chiffres et cela malmène l'information.         Nous n'avons pas le nombre de prisonniers dans les prisons», a-t-il ajouté, avant de lancer: ?'on demande l'accès aux statistiques.?' Selon le président de la CNCPPDH, il y aurait actuellement près de 55.000 détenus dans les prisons algériennes, un chiffre important, par rapport au nombre de la population, si l'on compare avec la France où il y a environ 65.000 détenus.'' Il ajoute: ?'il y a de quoi être effrayé par le nombre de prisonniers (la France comptant 60 millions d'habitants pour 34 millions en Algérie).'' L'accès aux informations est donc ?'un signe de démocratie évident et capital. Je pense que les choses ont été mises au point'', relève-t-il, avant de souligner, sur les amendements concernant l'indépendance de la justice, qu'il est évident ?' que l'indépendance de la justice et du magistrat est capitale dans toute démocratie et en matière de droit.

Un magistrat ne doit pas écouter sa hiérarchie, mais sa conscience, et appliquer les textes. C'est fondamental.'' Me Ksentini qualifie également d'avancée et de positive'' la possibilité donnée par le nouveau texte de la Constitution aux justiciables de saisir le Conseil Constitutionnel. ?'Il y a des lois qui permettent aux justiciables de contester des lois. C'est important car avec ces dispositions, le législateur va au fond des choses, et c'est une démarche productive, il faut l'appliquer les yeux fermés car elle permet d'aller au fond des choses et de faire appliquer ce qui est admissible.'' Par contre, il a été très critique sur les abus de la détention préventive, qui a été réglementée dans le projet de texte de la nouvelle Constitution. La détention préventive ?' a toujours été réglementée, mais la réglementation jamais observée. La justice est tournée vers la répression, c'est antidémocratique et dangereux. On accueille favorablement les nouvelles dispositions, mais nous attendons de voir la pratique, qui va suivre, car il y a beaucoup de textes dévoyés, surtout pour la détention préventive, qui est abusive dans notre pays.'' ?'Cela ne sert à rien. Cela devient uniquement de la méchanceté, la justice ne doit pas s'accommoder de ce droit. Il faut une formation et des années de formation pour devenir magistrats, ici ce n'est pas respecté.'' Il a également fait la distinction sur l'article 47 sur la détention préventive exceptionnelle, car selon lui, ?'la détention arbitraire n'a rien à voir avec l'arrestation provisoire. Il faut qu'on abandonne la pratique de la détention préventive et appliquer la présomption d'innocence. Cela est excessif, c'est un abus, c'est trop.'' Par ailleurs, il a qualifié ?'d'ouverture importante pour le pays'' la possibilité donnée à l'opposition de saisir le Conseil constitutionnel. ?'La commission indépendante des élections est également une avancée positive, car la démocratie démarre avec des élections sincères et transparentes, et pour cela il faut que ces élections soient surveillées, les élections ont toutes les chances d'être sincères.

C'est la crédibilité de ces élections'', a t-il commenté, estimant que la limitation des mandats ouvre la voie à l'alternance au pouvoir. ?'C'est quelque chose de naturel, le pouvoir use, et lorsqu'on reste trop longtemps au pouvoir, cela use. 10 ans c'est important dans la vie d'un pays'', a t-il souligné, avant de regretter que le projet de nouvelle constitution ne contient aucun article à la dépénalisation de l'acte de gestion. ?'Il faut qu'on dépénalise l'acte de gestion, c'est contre-productif et dangereux.''

Par ailleurs, sur les déclarations de certaines personnalités politiques de ces derniers jours, il a regretté ?'le niveau du discours, qui doit être plus élevé. Quand on est un homme public, on doit s'exprimer avec modération.'' Se déclarant fermement contre la corruption, qui doit être combattue, Me Farouk Ksentini a estimé que l'accès de la jeunesse aux postes de responsabilité ?'est préparé, Il faut y croire.''

Par contre, il a été vague sur le contenu du rapport 2015 de la CNCPPDH sur les droits de l'homme en Algérie, qu'il va remettre prochainement au président de la République. Pour autant, ce rapport va contenir un passage sur Aït Ahmed. Me Ksentini, qui l'a annoncé, n'en a pas révélé le teneur.