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Le jeu trouble des islamistes

par Moncef Wafi

A quoi joue Djaballah ? En lançant son appel à unifier les rangs des islamistes, même s'il prend les précautions d'usage pour se défendre d'une quelconque tentative d'instrumentalisation ou de leadership, Abdellah Djaballah revient de nouveau à la une, après sa menace de se retirer de la Coordination nationale pour les libertés démocratiques et la transition démocratique (CNLTD), en invitant les partis du courant islamiste à se réunir. Si l'initiative est défendue par son concepteur, elle n'en est pas dépourvue d'arrière-pensées politiciennes.

Le timing laisse à désirer au sortir d'une crise interne qui aurait pu imploser la CNLTD et cet appel à l'unification de la mouvance islamiste laisse perplexe une opposition de plus en plus en difficulté pour garder une cohésion de façade. Et c'est le cas de le dire avec une CNLTD qui doit faire face à des initiatives personnelles qui finiront par la miner de l'intérieur. L'appel de Djaballah rejoint par son profil la rencontre entre Makri et Ouyahia, sur demande du président du HMS, qui a failli dissoudre la Coordination. A croire que les islamistes, ne pouvant s'accommoder de la présence des courants démocratiques et républicains, cherchent par tous les moyens à se démarquer de ces partis trop laïques à leur goût. Sinon comment expliquer cette volonté à lancer des initiatives personnelles à contre-courant d'un cahier de charges convergent de l'opposition qu'on veut sauvegarder à tout prix.

Même si l'esprit de la plateforme de Mazafran consacre l'autonomie de pensée de ses adhérents, il est légitime de s'interroger sur la portée de tels projets initiés, pour le moment, par les seules formations islamistes membres de la CNLTD. Si Djaballah estime qu'il est salvateur de réunifier les rangs des islamistes algériens, nostalgique qu'il est du début des années quatre-vingt-dix et de la ligue de la Daoua islamique, et affirme que l'initiative est «inédite». Difficile de le croire d'autant plus que les tentatives d'unification des rangs des «frérots» ont fleuri ces vingt dernières années. Difficile encore de croire en la réussite de l'initiative partisane de Djaballah qui doit faire face à l'ego démesuré des autres leaders islamistes et des réactions hostiles des partis de la CNLTD.

Les interrogations se succéderont certainement pour mieux cerner cet appel et ses dessous et la première victime de ces tirs individuels est certainement la cohésion d'une opposition qui risque d'éclater devant les appétits personnels et les ordres de mission de certains.