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Affaire Khalifa Bank : Au tour des témoins

par Tahar Mansour

C'est à un tournant décisif qu'est arrivé hier le procès en appel de Khalifa Bank après la comparution de 71 inculpés qui ont été entendus par le juge Antar Menouar durant 14 jours.

Durant cette période où les Algériens attendaient des révélations sensationnelles, rien n'a été dit de plus qu'en 2007, peut-être beaucoup moins. De fait, le procès est devenu sans intérêt pour l'opinion publique qui s'en détourne, blasée qu'elle est par tout ce qui a été révélé comme scandales financiers sans que les auteurs soient véritablement sanctionnés.

Enfin, et pour ce quatrième jour, le juge a appelé à la barre Jean Bernard Vialar, un Franco-Algérien qui travaillait comme pilote de ligne au sein d'Air Algérie de 1973 à 1999, année au cours de laquelle il quitta cette entreprise pour cause de maladie. Il rappela que c'est lui qui était derrière la création de la société franco-algérienne Antinéa Airlines. Il déclara qu'il a travaillé au sein de cette entreprise quand elle était sous la direction d'Idjerouidène jusqu'à ce qu'elle fasse faillite et que Khalifa Abdelmoumène la rachète. Jean Bernard resta pour y travailler comme employé de Khalifa Airways. Il déclara au juge qu'il a remis la voiture de service qui était en sa possession aux gendarmes mais qu'il a omis de remettre le microordinateur portable car il contenait des dossiers très importants concernant Antinéa et qu'il avait peur de les perdre. Poursuivi pour abus de confiance à l'encontre de Khalifa Bank, il nia ces accusations et réaffirma qu'il n'était pas aussi matérialiste pour garder un microordinateur.

Tout comme ceux qui l'ont précédé, M. Boussehoua Rachid est poursuivi pour abus de confiance à l'encontre de Khalifa Bank. Il aurait, selon l'arrêt de renvoi, bénéficié d'une voiture, une Golf, mais il assure qu'il l'a payée de son propre argent et qu'il ignorait l'existence chez son parent Chachoua Badredine, qui occupait le poste de directeur général chargé du développement et de l'économie au sein de Khalifa Bank, d'une facture concernant sa voiture. Il précisa aussi que tous les documents concernant la voiture étaient à son nom. Il reconnut néanmoins avoir bénéficié d'un billet d'avion de Khalifa Airways pour se rendre à Marseille mais : « j'ai tout payé, ce n'était pas un billet gratuit » affirme-t-il.

Pour sa part, M. Laggoune El Hadi, poursuivi pour recel d'une villa appartenant à Khalifa Bank, déclare qu'effectivement il avait acheté cette villa située au quartier des artistes à Zeralda pour la somme de 700 millions de centimes mais qu'il ignorait totalement qu'elle ne lui appartenait pas. L'accusé déclara qu'au moment de l'achat de la villa, il ignorait qu'il y ait des problèmes la concernant. Il s'est entendu avec le père de Chachoua Abdelhafid qui s'est chargé de toutes les procédures et il précise que l'acquisition a été effectuée de manière légale et qu'un acte de propriété a été établi en son nom chez le notaire. Il reconnaît avoir dépensé la somme de 450 millions de centimes pour retaper la villa.

TOUJOURS LA MEME ACCUSATION D'ABUS DE CONFIANCE

M. Moudjiba Rachid a travaillé, après sa retraite prise après 37 ans en qualité de cadre supérieur auprès du ministère des Télécommunications, au sein du groupe Khalifa en qualité de fonctionnaire chargé de mettre à la disposition des différentes agences du groupe Khalifa les moyens de télécommunications nécessaires à leurs activités. Il reconnut avoir remis 6 téléphones portables à la CNAS sur ordre de la direction générale. Il affirme ne connaître aucune des personnes qui ont bénéficié de ces téléphones, alors que toutes les charges y afférentes étaient au compte de Khalifa Bank. L'inculpé déclara aussi que le microordinateur portable et divers autres matériels électroniques et mobiliers étaient des cadeaux qu'il avait reçus de la compagnie française Sagem chez qui il a été en stage quand il était cadre au ministère des Télécommunications. Il répondit par la négative à la question du procureur général qui lui demandait s'il était intervenu auprès de la coopérative des travailleurs de la poste pour le dépôt de la somme de 52 millions de dinars.

HADDADI SID-AHMED REPOND AU JUGE PAR DES SIGNES

Ancien directeur des finances et de la comptabilité à Antinéa Airlines puis chez Khalifa Airways, M. Haddadi Sid-Ahmed a subi une crise de santé qui lui a fait perdre l'usage de la parole, ce qui a obligé le président du tribunal, M. Antar Menouar, à lire ses déclarations auprès du juge d'instruction et l'inculpé répondait avec des gestes par l'affirmative ou la négative, et écrivait parfois sur un bout de papier quand il fallait donner une autre réponse. Poursuivi pour abus de confiance au détriment de Khalifa Bank, l'accusé nia toutes les accusations retenues contre lui concernant la non-restitution d'un microordinateur. Il expliqua qu'il n'a rendu le microordinateur qu'une année après la dissolution de Khalifa Bank car il contenait des dossiers importants pour son travail et qu'il n'avait nullement l'intention de le garder pour lui.

Mme Ouis Lyndia avait bénéficié d'un prêt d'un montant de 900 millions de centimes auprès de Khalifa Bank. Questionnée par le juge Antar Menouar, elle répond qu'elle a remis la totalité du prêt à une personne désignée par Rafik Khalifa pour récupérer les biens de la banque. Appelé à la barre, Rafik Khalifa dément l'accusée.

C'est aujourd'hui jeudi que le juge entame l'audition des témoins en commençant par les ex- inculpés qui ont purgé leurs peines et qui sont devenus de ce fait des témoins. Leur audition continuera samedi alors que M. Djellab, ex-administrateur de Khalifa Bank en liquidation, sera entendu dimanche puis, lundi, le juge auditionnera le gouverneur de la Banque d'Algérie Mohamed Laksaci.