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La défense de Chani Medjdoub reconstituée : Reprise du procès de l'autoroute Est-Ouest

par Z. Mehdaoui

Le procès de l'autoroute Est-Ouest a repris hier au tribunal criminel d'Alger en présence de tous les avocats de la défense, à l'exception des deux avocats luxembourgeois et français de Chani Medjdoub qui étaient absents à l'audience. Chani Mejdoub, titulaire de la double nationalité algérienne et luxembourgeoise était consultant juridique et financier du consortium chinois Citic CRCC, est détenu depuis plus de cinq ans après avoir été arrêté à l'aéroport d'Alger par la DRS. Le premier report du procès, remonte au 25 mars pour cause d'absence des avocats étrangers de Chani Medjdoub avant d'être renvoyé une seconde fois la semaine dernière pour cause de retrait de la défense du même prévenu qui récusait la procédure judiciaire dans l'instruction de l'affaire.

Dans une salle archicomble, le président du tribunal, qui a ouvert l'audience, l'a immédiatement suspendue pour cause d'absence des personnes en détention qui n'étaient pas encore arrivées au tribunal.

Après l'arrivée des inculpés en détention à la prison, le président du tribunal, qui a entamé l'audience par l'appel des accusés, a désigné les deux jurés, fait lecture de l'arrêt de renvoi de cette affaire impliquant 16 accusés dont un est en fuite et quatre sont en détention en plus de sept entreprises étrangères. L'acte d'accusation à l'encontre des personnes (physiques et morales) impliquées dans cette affaire porte, faut-il le rappeler, sur des délits «d'association de malfaiteurs, corruption, blanchiment d'argent, trafic d'influence et dilapidation de deniers publics».

Par ailleurs, sur les 27 témoins portés sur le rôle de cette affaire et appelés par le président du tribunal, 11 sont absents et un est décédé. Le fils d'Aboudjerra Soltani, l'ancien président du MSP, manque à l'appel.

Les avocats de Chani Medjdoub récusent deux membres du jury. Les membres du jury choisis par le président du tribunal prêtent serment sine die puis l'audience fut suspendue avant de reprendre une demi-heure plus tard. Durant des heures entières, le greffier lira l'arrêt de renvoi. Le temps passé à la lecture était tellement long que certains avocats de la défense somnolaient. L'ancien ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, est cité nommément d'avoir touché un pot-de-vin. Selon l'un des accusés, Addou Tadjeddine, l'ancien ministre des Travaux publics et actuel ministre des Transports avait touché son «dû » par le biais de Tayeb Kouidri en fuite actuellement. L'argent dont il est question aurait été versé par le bureau d'étude français EGIS. Il faut savoir que, selon l'arrêt de renvoi, Sid Ahmed Addou affirme qu'il a été l'intermédiaire de l'entreprise française Razel qui a eu le marché du barrage Tabbellout de Jijel pour 160 millions d'euros.

L'accusé soutient en outre, toujours selon l'arrêt de renvoi, que pour décrocher ce marché il avait eu l'accord de Abderrahmane Dahmane, un proche de Abdelmalek Sellal, à l'époque ministre des Ressources en eau, en contrepartie d'une commission de 1%. Une commission qui ne lui a pas été versée en définitive. Plus loin, le greffier, infatigable, évoque le passage où Chani Medjdoub, le principal accusé, a pris attache avec l'ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, à l'occasion d'une rencontre ou il a été question des projets en cours en Algérie et surtout le futur méga-projet de réalisation de l'autoroute Est-Ouest. Selon l'arrêt de renvoi, l'ancien ministre des Finances, a suggéré de contacter un certain Nasreddine Bousaid, alias Sacah, afin de le mettre en relation avec les Chinois de CITIC. L'après-midi d'hier a été consacré à la lecture de l'arrêt de renvoi. Le président du tribunal criminel, après avoir constaté l'absence de l'avocat qui avait insisté sur la lecture du contenu de la totalité de l'ordonnance de l'arrêt de renvoi, s'est quelque peu emporté et a décidé de suspendre la séance pendant quelques minutes. La séance reprendra après 10 minutes environ et le greffier, imperturbable, continua la lecture de l'ordonnance.

A noter que les premiers accusés passeront à la barre aujourd'hui. Le procès risque de durer des semaines mais permettra peut-être de dévoiler les dessous de ce projet en phase d'achèvement qui a coûté jusqu'ici 13 milliards de dollars à l'Algérie.