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Le dollar US et les «Forces historiques inattendues» : Irruption et nécessité du pétrole, un «catalyseur anti-crise»

par Medjdoub Hamed *



Comment les États-Unis, les pays européens et le Japon trouveraient des débouchés s'ils ne monétisaient strictement que ce qu'ils importaient et exportaient entre eux, et dont les monnaies étaient basées sur l'étalon-or. D'autant plus que les stocks d'or (y compris la production d'or dans le monde) étaient limités. Comment l'Europe se serait reconstruite si les Américains n'avaient pas avancé des fonds à l'Europe dans le cadre du plan Marshall pour permettre d'ouvrir des débouchés à l'économie américaine. Et toutes deux, Europe et Amérique, ont gagné dans cette financiarisation par la partie la plus riche, l'une par la consommation et sa reconstruction, l'autre par le maintien de son industrie productrice en activité. Donc un intérêt mutuel.

3. LA NECESSITE DU PETROLE, UN «CATALYSEUR ANTI-CRISE»

Les crises monétaires entre les États-Unis et l'Europe de l'Ouest ont constitué une grande crise occidentale. Et étrangement, c'est l'ancien monde colonisé qui va départager l'Occident. Voire même sauver la mise à l'économie-monde. Précisément, c'est le maillon faible du monde, qui a rayonné un temps sur l'humanité mais a longtemps décliné qu'il s'est retrouvé colonisé ou mis sous protectorat par l'Occident.

La roue a tourné, le monde évolue en boucle. Hier l'Islam, et très récemment l'Occident chrétien qui a eu beaucoup de sa chrétienté, aujourd'hui de nouveau l'Islam occupe le devant de la scène mondiale. Demain qu'en serait-il ? Il n'empêche que c'est dans le monde de l'Islam que le sort du monde va se jouer. Dès les années 1973 à 1979, deux krachs pétroliers éclateront et remettront en cause l'ordre occidental. Désormais une nouvelle monnaie parallèle greffée sur le dollar va naître et s'appellera le «pétro-dollar».

Cette monnaie est une jonction de deux grandes entités de l'humanité, le monde occidental et le monde de l'Islam. Une jonction qui entre dans les lois naturelles de l'évolution de l'humanité où pratiquement toutes les parties de l'humanité y trouveront leurs comptes.

D'abord les États-Unis, qui continueront d'être la locomotive principale du monde, et pourront continuer à répercuter leurs déficits sur le reste du monde sans l'entrave de l'étalon-or auquel ils étaient assujettis depuis 1945. Ensuite les pays du reste du monde via l'augmentation des prix du pétrole qui s'est étendue aux autres matières premières et agricoles. Ce qui en réalité n'est qu'un réajustement des prix dont les pays du tiers monde ont été pendant longtemps spoliés de la vraie valeur de leurs produits (pétrole et matières premières) exportés.

On voit l'intérêt des crises comme des guerres qui viennent dévoiler l'ordre inique dans la distribution des richesses du monde. Un ordre appelé plus juste dont l'apport essentiel est de concourir à lever les freins et obstacles à la croissance économique mondiale. Et c'est là l'étrangeté que l'on constate dans les forces naturelles qui ont amené la crise et d'autres forces naturelles latentes venues en aval pour résoudre la crise.

Il y a sans cesse une « boucle de forces naturelles contradictoires qui, lorsque deux acteurs s'annihilent, un autre facteur vient en aval et, en les départageant, concourt à créer un nouvel équilibre ».

Les pays arabes comme l'Arabie saoudite, le Qatar, et les autres pays du Golfe, savaient-ils qu'ils allaient, via la «hausse exorbitante du pétrole», jouer un rôle considérable dans les affaires mondiales. Un petit pays, le Qatar d'environ 11 000 km2 et de 400 000 de nationaux, le reste, deux millions d'expatriés, aura à jouer un rôle important dans les relations internationales. Comme le témoignent aujourd'hui les événements en Syrie, en Libye, en Palestine, en Irak? Et tout cela a été permis par les forces naturelles qui amènent les crises, et toutes concourent à avancer l'humanité. La Deuxième Guerre mondiale a détruit un ordre colonial, les conflits armés et les crises qui se jouent aujourd'hui peuvent concourir à détruire un ordre impérial. Si nous ne le savons pas encore, les forces naturelles latentes le laissent entrevoir.

Toujours est-il, constate-t-on, que l'irruption des pays du reste du monde aura un effet salvateur sur l'économie mondiale. Devenant lui aussi une locomotive, à l'instar de la puissance américaine, il va fortement influer sur l'« offre mondiale par sa capacité d'absorption ».

« Le problème en fin de compte n'est pas la puissance du dollar, du deutschemark, de la livre sterling ou du franc, mais leur capacité en tant que véhicule de création de richesse. » S'il y a eu un accord entre les États-Unis et l'Arabie saoudite, ce dernier en tant que chef de file du cartel pétrolier, l'OPEP, de libeller le pétrole en dollar, ce qui a permis de corriger les prix pétroliers et, par extension, les matières premières à leur valeur réelle, c'est que cela était nécessaire et inscrit dans l'ordre des choses. De même, si les pays européens ont répondu par duplication monétaire puisque les monnaies européennes étaient arrimées au dollar, et lui-même en inflation et que ne corrigeaient que les contreparties physiques dues à la hausse des cours pétroliers et matières premières, c'est que cette inflation monétaire de part et d'autre, i.e. américaine et européenne, était nécessaire à l'époque. Elle devait, en dépassant les crises monétaires et pétrolières, « prolonger globalement la croissance économique mondiale ». Et toutes les parties ont trouvé leur compte dans cette inflation mondiale.

L'inflation mondiale relevait donc d'une étape de l'histoire de l'humanité et concourait à préserver les pays avancés d'une destruction massive de l'emploi, et donc assurer à des millions d'Européens et d'Américains un niveau de vie décent, comme pour les pays du reste du monde à consolider leurs économies et leurs États.

Beaucoup disent que l'inflation parasite les économies, détruit le capital en augmentant les prix. Ce qui est vrai, mais cette inflation n'est pas venue d'elle-même, elle s'est imposée par des forces historiques comme solution pour perpétuer une croissance. Et le pétrole n'a été qu'un catalyseur nécessaire pour réenclencher la croissance économique mondiale. Ce n'est pas parce que les pays arabes exportateurs de pétrole se sont enrichis comme du reste les autres pays, exportateurs de matières premières, que cela pose problème. Mais s'ils ne se sont pas enrichis qui auraient posé problème à l'Occident. Car cela se serait traduit par une grave crise économique mondiale et une dépression du type des années 1930.

Aussi peut-on dire que, nonobstant l'inflation qui a été provoquée par des forces précisément pour octroyer aux pays du reste du monde, via la hausse des prix du pétrole, un pouvoir d'achat, comme ce qui s'est passé pour le plan Marshall en Europe pour permettre de préserver les industries occidentales, et donc l'emploi, « le pétrole est un véritable catalyseur anti-crise ». Donc au « pouvoir exorbitant du dollar » correspondait un « pouvoir exorbitant du pétrole » nécessaire, au même titre que le dollar, à l'économie mondiale.

4. L' «ARGENT», AU CENTRE DE LA «CHIMIE HUMAINE»

Quant au réajustement des prix de pétrole à leur vraie valeur, tout compte fait ce surplus de richesses n'aura pas fait que des heureux dans les pays du tiers monde, puisqu'il va se créer toutes sortes de maux (corruption, détournements, prévarication, crimes, etc.) au sein de ces Etats. Cet enrichissement soudain va changer malheureusement les mentalités et révéler au niveau de la classe politique au pouvoir des dents crochues prêtes à mordre sur les richesses des peuples. Car il s'agissait d'un enrichissement national des Etats. Mais, sans contrepoids véritable, des inégalités flagrantes vont s'engendrer par cette corruption généralisée et miner les systèmes politiques de ces pays nouvellement indépendants dans les années 1970. C'est le début de la descente aux enfers pour de nombreux pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine. Tout compte fait, les pays du tiers monde vont passer par une étape que les pays d'Europe avaient déjà passée au XVIIIème, XIXème et XXème , par des guerres internes, des crises et des révolutions sociales extrêmement sanglantes. Durant trois siècles voire plus si on compte les guerres de religions.

Ce qui veut dire que la démocratie ne tombe pas du ciel, elle est historique et doit faire l'objet d'une longue lutte sur tous les fronts : civilisationnels, culturels, cultuels, technologiques, industriels, moraux, etc. Et cette lutte et les crises et conflits armés au sein de ces nouveaux pays ne sont qu'à leur commencement. Il reste cependant qu'ils vont, comme ceux des guerres des siècles passés, concourir aux avancées de l'humanité.

Il y a comme «une loi de la conservation humaine», à l'instar de la loi de Lavoisier et de Proust sur les corps. L'histoire humaine fait ressortir que rien ne se crée rien ne se perd en son sein, tout se transforme en s'élevant, en s'harmonisant. La science, par exemple, ne fait que se transformer, par s'élever par des découvertes de phénomènes qui existent déjà dans la Nature. Toute action humaine bonne ou mauvaise est comptabilisée dans le développement de l'humanité. Tout concourt au développement du monde.

C'est étrange que, dans cette «chimie humaine», l'argent qui est véhicule de richesse occupe réellement une place centrale dans le devenir du monde. Il est le «moteur» même de la dynamique humaine. Sans l'«argent», sans le «salaire à chacun», l'existence n'a pas de sens. L'homme est sans but. Cependant l'argent n'est pas tout, il n'achète pas l'intégrité humaine, l'intégrité morale, l'harmonie de l'existence.

L'argent seul détenu ne remplit pas l'existence. C'est parce qu'il ne remplit pas entièrement l'existence qu'il laisse le monde ouvert à tous les possibles.

*Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,Relations internationales et Prospective.

Note :

1. «Déséquilibres Macro-économiques Mondiaux, pierre d'achoppement entre les Puissances», (5ème Partie), le 2 mars 2015, www.sens-du-monde.com, www.lequotidien-oran.com, www.agoravox.fr

2. «Le Rôle de l'Or dans les Crises Financières Internationales. Le «Bancor » de John Maynard Keynes»,» (6ème partie), par Medjdoub Hamed, le 7 mars 2015. www.sens-du-monde.com, www.agoravox.fr

3. «La question de l'or, presque «insoluble» qui fâche les puissances. Les forces historiques en marche » (7ème partie), par Medjdoub Hamed, le 12 mars 2015. www.sens-du-monde.com, www.agoravox.fr

4. «L'or, un enjeu mondial. Pourquoi l'Algérie, pour sa sécurité, doit augmenter ses réserves d'or ?» (8ème partie), par Medjdoub Hamed, le 12 mars 2015. www.sens-du-monde.com, www.lequotidien-oran.com, www.agoravox.fr