Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Gaz de schiste : Tension à In Salah

par Yazid Alilat

Les anti-gaz de schiste de In Salah maintiennent la pression, et, plus de deux mois, après avoir entamé leur mouvement, ils enregistrent leur premier succès: l'évacuation, du site d'Ahnet, du matériel de forage et de «fracking» (fracturation) des compagnies américaine Halliburton, et françaises Shlumberger et Total.

Pour autant, la tension était très vive, hier, dans la ville où de nouvelles échauffourées, après celle de samedi avec la Gendarmerie nationale, ont été enregistrées.

Les militants anti-gaz de schiste de In Salah ont, en fait, encerclé la daïra et forcé le barrage de sécurité, mis en place par les forces anti-émeutes de la Gendarmerie nationale. Des affrontements ont été signalés, avec l'utilisation de gaz lacrymogène, selon des manifestants. Dans la journée de samedi, plusieurs personnes avaient été arrêtées et d'autres blessées, durant les échauffourées entre manifestants et gendarmes, envoyés sur place.

Si la pression reste forte, côté militants anti-gaz de schiste, il semblerait que le mouvement soit, maintenant, en train de s'internationaliser avec l'intervention de plusieurs militants écologistes étrangers, alors qu'un appel pressant des citoyens de In Salah, demande le soutien de la société civile internationale, pour empêcher tout projet d'exploitation du gaz de schiste, dans la région. Dans un communiqué rendu public samedi, le collectif des habitants de In Salah, opposés au gaz de schiste, a stigmatisé «le jusqu'au-boutisme de Sonatrach et les agissements des multinationales», dont Halliburton, Schlumberger et Total. Le collectif dénonce que pour «respecter les contrats signés avec les multinationales étrangères et de manière à satisfaire ses exigences premières, Sonatrach a décidé d'opérer le «fracking» en soutenant, par un renfort sécuritaire extraordinaire, l'entreprise Halliburton, en charge des hydro-fracturations assassines. Ni les risques avérés d'affecter la population d'un point de vue sanitaire, ni les conséquences environnementales néfastes et malheureusement définitives, sur l'eau et l'environnement, ni les photos et vidéos prises sur le site du forage et qui montrent à quel point l'inconscience, le laxisme et la gabegie règnent sur ses chantiers, ne fera reculer Sonatrach», ajoute le communiqué. Par ailleurs, les habitants de In Salah, mobilisés au sein de ce collectif, annoncent que «nous, citoyens algériens de In Salah, avons décidé d'empêcher l'entreprise de fracturer, en construisant un barrage humain sur le site du forage et en barrant la route à Halliburton». Le communiqué ajoute, également, que «les renforts de gendarmes ne nous arrêteront pas, et nous n'utiliserons aucune violence. Nous sommes, depuis le premier jour, pacifiques, mais déterminés, même face aux forces sécuritaires qui, nous le savons, ne font qu'appliquer les ordres et qui sont déroutées, ayant conscience qu'il n'y a que des Algériens en face d'elles». Et puis, plus pratique, le collectif appelle la société civile française à se mobiliser pour dénoncer les agissements irresponsables de Total et Shlumberger, en Algérie. «Sachant que le commanditaire de ces projets est le gouvernement français, représenté sur place, par Total et Schlumberger, nous lançons un appel à la société civile française, afin qu'elle fasse pression sur son gouvernement et qu'il renonce à ses expérimentations sur notre population et notre environnement».

Dans un entretien, vendredi, à Médiapart, José Bové, euro-parlementaire français et célèbre altermondialiste défenseur de l'Agriculture ?'bio'', a estimé que les manifestants contre l'exploration du gaz de schiste, en Algérie «doivent être soutenus par l'ensemble des habitants de la planète et en particulier nous [Français], qui habitons, de l'autre côté de la Méditerranée, et qui sommes leurs voisins». De son côté, la Ligue algérienne pour la défense des Droits de l'homme (LADDH) a condamné, hier, dimanche, l'intervention de la Gendarmerie contre les manifestants anti-gaz de schiste et a demandé la libération des personnes arrêtées.

SONATRACH, HALLIBURTON ET TOTAL PLIENT BAGAGES ?

Vendredi dernier, des militants anti-gaz de schiste de In Salah ont signalé l'évacuation du matériel et des équipements de fracturation du site d'Ahnet, plus précisément à ?Gour Mahmoud', le puits test pour l'extraction de gaz de schiste, à une trentaine de kilomètres de la ville d'In Salah. Selon des militants d'In Salah, qui ont signalé la présence du directeur Environnement à Sonatrach, l'Entreprise nationale de travaux aux puits (ENTP) et le groupe US Halliburton ont fait évacuer du site de ?Gour Mahmoud' un important matériel de forage à l'aide de camions gros porteurs, alors que des employés du groupe d'engineering français Shlumberger ont, également, quitté les lieux. Victoire des anti-gaz de schiste ou simple fin de mission pour l'équipe chargée d'évaluer le potentiel du site d'Ahnet ?

Le déroulé des événements donne, en fait, une déclaration importante du «patron» par intérim de Sonatrach, Said Sahnoun qui avait, au début du mois de février, indiqué que son groupe évacuera le site d'Ahnet dès la fin des travaux d'évaluation du site. Mais, toujours selon ce dernier, le matériel sera ensuite déplacé vers un autre site pour exploration.

 Pour autant, devant la montée en puissance des anti-gaz de schiste, il avait, également, déclaré, à la presse, qu'aucune décision d'exploitation du gaz de schiste n'a été prise par Sonatrach, alors que «la faisabilité technique et commerciale du projet n'a pas encore été confirmée». Il a ajouté que les deux puits forés sur le bassin d'Ahnet ne l'ont été qu'à titre de tests d'évaluation de leur potentiel, et Sonatrach «ne va pas lésiner sur les mesures de protection de l'environnement, notamment pour les nappes d'eau». Vrai ou faux ? Le débat, en fait, ne fait que commencer, même si la société civile algérienne reste, pour le moment, peu active sur ce thème.