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En représailles, L'Egypte bombarde Daech : 21 Egyptiens décapités en Libye

par Moncef Wafi

Le Caire, en représailles de ses 21 ressortissants exécutés par l'Etat islamique (EI) en Libye, a envoyé hier ses F-16 pour bombarder des positions de Daech à Derna, à 1.300 km à l'est de Tripoli, entre Benghazi et la frontière égyptienne, présentée comme le fief des djihadistes.

Auparavant, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi avait convoqué d'urgence le Conseil national de défense pour prendre la décision de mener des frappes aériennes contre des camps et des lieux de rassemblement ou des dépôts d'armes de Daech en Libye. En janvier dernier, la branche libyenne de Daech avait affirmé avoir kidnappé 21 coptes égyptiens, un rapt confirmé par la suite par Le Caire. Sur la vidéo diffusée sur internet, des hommes portant des combinaisons orange, semblables à celles de Guantanamo, sont alignés sur une plage les mains menottées dans le dos, avant que leurs bourreaux ne les décapitent au couteau. Les réactions ne se sont pas fait attendre puisque d'Al Azhar à Washington en passant par Paris, Amman et Abu Dhabi, la condamnation a été unanime. Les capitales occidentales se disent extrêmement préoccupées par la présence de Daech en Libye « au sud de Rome ». Le ministre français de la Défense, Jean-Yves le Drian, a décrété un surplus de vigilance devant les preuves de la présence des centres d'entraînement et des actions spécifiques de Daech en Libye. «La Libye, c'est de l'autre côté de la Méditerranée, c'est très proche de nous, d'où la nécessité d'être très vigilant et d'être allié avec les pays de la coalition, comme l'est l'Égypte », a conclu le ministre. Le bombardement des positions de l'Egypte présage d'une opération plus importante et de la création d'un front pouvant aboutir à l'engagement des forces terrestres internationales en Libye.

Les Italiens ont rapatrié leurs derniers ressortissants encore présents sur le sol libyen, une centaine entre personnel d'ambassade, expatriés italiens et leurs familles. Le bateau battant pavillon maltais est arrivé dans la nuit de dimanche à lundi dans le port d'Augusta, en Sicile, escorté la Marine de guerre italienne. La suspension des activités de l'ambassade a été décidée après la progression des djihadistes jusqu'à Syrte et divers épisodes hostiles dans les centres urbains, y compris Tripoli, à l'encontre de l'Italie et des ressortissants italiens notamment après les déclarations belliqueuses de Rome. Le bruit des bottes se fait ainsi plus insistant. La diplomatie égyptienne abonde dans le même sens et le déplacement de son chef au sommet antiterroriste qui se tient à Washington du 18 au 20 février aura pour objectif de plaider pour une « intervention ferme » en Libye. De leurs côtés, les Emirats arabes unis ont annoncé hier « mettre tous leurs moyens » au service de l'Egypte dans sa lutte antiterroriste. Abu Dhabi avait déjà mené en 2014, depuis le territoire égyptien, des raids aériens en Libye dans une tentative d'empêcher la chute de Tripoli aux mains de milices islamistes, selon des responsables américains. L'Italie, se sentant directement menacée par l'Etat islamique qui chercherait l'établissement d'un «califat» aux portes de son pays, pourrait donc être la locomotive d'une coalition internationale contre Daech en Libye. La ministre italienne de la Défense, Roberta Pinotti, a affirmé que le pays était prêt à diriger une coalition internationale armée qui serait composée de soldats européens et d'Afrique du Nord.

ROME EXCLUT POUR «LE MOMENT» UNE INTERVENTION MILITAIRE

Hier le chef du gouvernement italien Matteo Renzi a appelé Abdel Fattah al-Sissi et prôné ensuite la prudence en Libye excluant pour le moment toute intervention militaire. Plusieurs ministres italiens avaient clairement manifesté leur inquiétude ce week-end face à l'avancée de Daech en Libye, réclamant une mobilisation internationale forte. « Sur la Libye, il faut de la sagesse, de la prudence et un certain sens de la situation », a déclaré M. Renzi dans une interview à la chaîne de télévision TG5. « La situation échappe à tout contrôle, mais ce n'est pas le moment pour une intervention militaire ». Selon un communiqué officiel italien, M. Renzi s'est entretenu au téléphone avec M. Sissi, pour évoquer notamment « les mesures politiques et diplomatiques dans le cadre du Conseil de sécurité de l'ONU pour restaurer la paix et la sécurité » en Libye. « L'affaire est compliquée, nous la suivons avec une grande préoccupation et attention, mais on ne peut pas passer de l'indifférence totale à l'hystérie et à une réaction déraisonnable », a estimé M. Renzi à TG5. « Il n'y a pas une invasion de l'EI en Libye, mais certaines milices combattant en Libye ont commencé à faire référence à l'Etat islamique », a-t-il expliqué. « Si l'on implique tous les acteurs en jeu, les tribus locales mais aussi les pays de l'Union africaine et naturellement les pays européens, je suis absolument certain que la force de l'ONU est décidément supérieure à celle de ces milices radicales », a-t-il déclaré. « La communauté internationale a tous les instruments à sa disposition si elle souhaite intervenir. La proposition est d'attendre le Conseil de sécurité », a-t-il insisté.