C'est là l'histoire de Chalachou qui a vécu sa vie de
gredin insouciant en passant le temps à regarder la vie s'offrir à lui par la
vitre translucide d'un aquarium à poissons rouges. Jusqu'à l'âge de déraison,
où le prit à la gorge l'envie de boire la tasse ; sans jamais étancher sa soif
de (sur) vivre. Coincé entre un jour sans pain et une nuit sans grabat,
Chalachou, le benoît, regarde la vie lui filer entre les doigts. Jusqu'au jour
où il embarqua sur une grande voile fripée, la toison aux quatre vents. Pour se
pourlécher la peau de caresses urticantes, Chalachou fera connaissance avec une
méduse au cri de sirène. Son premier divorce d'avec la vie, Chalachou le fera
avec la prodigalité liquide dans laquelle il ne s'est jamais mouillé ni les
doigts de la main gauche, ni le petit doigt du pied-droit, ni même un traître
cheveu sur sa tête de Turc. À la surface de l'eau, Chalachou observe, songeur,
la houle qui ne joue pas à divertir les vagues. Derrière le dos rond de
Chalachou, se cache un requin omnivore. Ce dernier, se glissant sous une
salopette en bois vermoulu d'un cheval de Troie, offre à Chalachou, le looser,
un aller sans retour à destination du pays de cocagne. Et en voulant escalader
ce qu'il croyait être un mât de cocagne, Chalachou se retrouva perché sur les
cimes envenimées d'un gibet de potence, au sommet duquel il sera scalpé vif.
Coincé dans l'œsophage de l'homme-squale, Chalachou est traîné loin au large de
toutes les causes perdues à la rencontre de l'île promise. Solitaire comme
Moïse face à la mer Rouge, Chalachou monte sur le creux des vagues pour crier
son amour à sa famille laissée de l'autre côté de la vie d'ici-bas. Dans un
face-à-face fatal avec l'homme-squale, Chalachou, dans son épique traversée
vers le pays de cocagne, est soumis à l'épreuve terrible de la roulette russe.
Ratant d'un cil de se faire arracher le bourrichon par une murène affamée,
Chalachou est vite tiré hors de l'eau par l'homme-squale qui le cacha aussitôt
dans l'estomac d'un orque en colère. Happé ensuite par un cétacé friand de
chair tendre, Chalachou est tiré par la langue avec deux bras et une jambe
sectionnés. Et l'homme-squale tira d'affaire Chalachou pour le faire marcher
sur l'eau sans jamais laisser de traces ni échapper une traitre bulle. Arrivé à
mille lieues du rivage de tous les pièges, Chalachou fit la rencontre
impromptue avec une pieuvre qui l'enlaça jusqu'à l'étouffement, avant de lui
seriner à l'oreille que les voies de la mer sont inviolables. Au sommet d'une
vague ellipsoïdale, l'homme-squale, charogne à ses heures «extrapénitentaires»,
surgit pour réclamer encore et toujours des sous mouillés à Chalachou,
transformé en homme-tronc. Buvant l'océan par rasades entières, seule la tête
de Chalachou sera retrouvée, la bouche obstruée avec un bâillon en plastique,
dans le ventre creux d'un requin repu, rôdant près du marigot des caïmans. Dans
un dernier râle avant de couler droit vers les profondeurs abyssales de la mer
traîtresse, Chalachou, le naufragé, ne manqua pas de braquer son œil embué à
l'adresse de l'homme-squale venu embrasser très fort la gueule béante du requin
en col blanc, converti plus tard en un passeur aux mâchoires en béton. Toute
ressemblance avec des personnages vivants n'est que pure coïncidence...