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Il faut un compromis pour Hong Kong !

par Chris Patten *

LONDRES – Le mouvement pro-démocratique de Hongkong suscite l’admiration à travers le monde. Les principes, la décence et le comportement de sa jeune avant-garde inspirent confiance dans les qualités de cette génération qui un jour gouvernera cette magnifique ville. Ceci dit, il est temps que le conflit évolue vers une conclusion acceptable.

Le plus longtemps le face à face entre le chef de l’exécutif de Hong Kong et les manifestants se prolonge, plus grande est la probabilité que les citoyens de Hong Kong et la ville elle-même en subissent les conséquences. Le gouvernement de Hong Kong devrait faire preuve d’une certaine hauteur de vue, à laquelle répondront sûrement les manifestants de la Révolution des parapluies qui tiennent le haut du pavé sur le plan moral et ne veulent pas risquer de perdre le soutien de l’opinion publique. Un dialogue réussi avec le gouvernement ne nécessite pas qu’ils mettent fin à leur action en faveur de la démocratie, cela ne ferait que mettre fin à la phase actuelle d’un mouvement qui va finalement l’emporter.

Bien qu’ils disent le contraire, le chef de l’exécutif de Hong Kong, C. Y. Leung, et son gouvernement disposent d’une large marge de manœuvre. Ainsi que beaucoup de citoyens de Hong Kong le soulignent, la position actuelle des autorités chinoises se base sur un rapport que leur a présenté le gouvernement de Leung. Selon ce dernier, il était le reflet d’une consultation publique réalisée à Hong Kong sur l’évolution institutionnelle du territoire.

Mais il sous-estimait de toute évidence le désir de changement de l’opinion publique. Au vu de ce qui s’est passé ces dernières semaines, Leung aurait toutes les raisons de faire un nouveau rapport portant sur deux questions auxquelles la «Basic Law», la mini-constitution de Hong Kong n’apporte pas de réponse.

La première question est immédiate, elle concerne non seulement la manière dont le chef de l’exécutif va être élu en 2017, mais aussi celle dont le Conseil législatif va être élu à partir de 2016. Or c’est en grande partie le gouvernement de Hong Kong qui va en décider.

Il est surprenant que 17 ans après le Royaume-Uni ait cédé sa souveraineté sur Hong Kong à la Chine, le territoire ne dispose toujours pas d’un parlement élu directement par les citoyens. En décembre 1992, lors d’un discours devant la Chambre des Lords, Margaret Thatcher avait suggéré que le suffrage universel pourrait être appliqué dès 2007.

Malheureusement cela ne s’est pas passé ainsi. Une partie des députés est directement élue, et une autre désignée par des collèges professionnels. Des voix s’élèvent dans la société civile pour demander à ce qu’un plus grand nombre de parlementaires soient élus directement et que les membres désignés représentent un électorat plus large. Il faudrait également que les décisions soient prises à la majorité simple pour éviter que tel ou tel groupe d’intérêt puisse bloquer un projet. Cette évolution pourrait s’accompagner d’un engagement à ce que l’élection de tous les députés se fasse au suffrage universel à partir de 2020.

La deuxième question concerne la composition et le fonctionnement de la commission électorale de 1200 membres désignés qui choisira le chef de l’exécutif dans l’avenir. Selon les dispositions prévues, le gouvernement chinois pourra mettre son veto à toute candidature qui lui déplait, c’est pourquoi on parle d’élection à l’iranienne : «Vous pouvez voter en toute liberté pour les candidats que nous avons choisis».

Le gouvernement de Hong Kong pourrait appeler à des réformes en faveur d’un processus de désignation du chef de l’exécutif qui soit plus équitable et plus ouvert, sans renoncer au suffrage universel. Selon la «Basic Law», la commission électorale doit être «largement représentative» - une disposition que la composition actuelle de la commission ne respecte pas. Ses membres ne sont choisis que par 7% du corps électoral de Hong Kong et la procédure de vote est telle qu’un candidat qui affiche un penchant démocratique a peu de chances d’être choisi.

Depuis 1977, entre 55% et 61% des électeurs se sont prononcés en faveur de candidats pro-démocratie lors des élections du Conseil législatif. La dernière fois qu’une commission électorale légèrement plus petite s’est réunie (pour choisir Leung), les limitations étaient moins sévères quant à la sélection des candidats et le dirigeant du parti démocrate a été choisi (bien qu’il n’ait obtenu que moins de 7% des voix).

Aussi Leung et son équipe devraient-ils faire des propositions destinées à élargir la composition de la commission électorale et à élargir le processus de sélection des candidats. Des groupes au sein de la société civile ont émis de nombreuses recommandations pour parvenir à ces objectifs. Les deux cotés devront faire quelques concessions pour éviter que la confrontation ne dégénère et que le recours à la police ne remplace une politique raisonnable.

Le gouvernement britannique a déclaré qu’il est important que «la population de Hong Kong ait un véritable choix». Leung et ses collègues peuvent faire qu’il en soit ainsi. Cela ne répondrait pas à toutes les demandes de la Révolution des parapluies, mais encouragerait les manifestants à accepter un compromis sans renoncer à leur objectif à long terme.

Leung devrait s’engager dans un véritable dialogue pour aboutir à un compromis. Même un dirigeant qui tient son mandat du ciel devrait prêter attention à ce que disait Mencius, un sage proche de Confucius : «Le ciel voit et entend avec les yeux et les oreilles de son peuple».

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

* Il a été le dernier gouverneur britannique de Hong Kong. Il est aujourd’hui chancelier de l’université d’Oxford.