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Sommet européen : Duel franco-allemand

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Le Sommet européen de jeudi et vendredi coïncide avec l'entrée en fonction (2 novembre) de la nouvelle Commission européenne. Quel choix pour l'Europe ? Austérité ou détente pour relancer la croissance ? France et Allemagne s'opposent sur «la recette».

Hantée par les effets de la crise financière et économique dans laquelle elle est plongée depuis 2007-2008 l'Union européenne tergiverse sur le choix du modèle économique pour redonner du souffle à sa construction et du sens à son avenir. Ainsi, la réunion des chefs d'Etats et de gouvernements tenue jeudi et vendredi à Bruxelles a posé, une nouvelle fois, la question de ce choix sans y répondre d'une manière tranchée : faut-il relativiser la sacralité du niveau du déficit public fixé par le Traité de Lisbonne à 3 % du PIB pour relancer l'investissement et la croissance, ou au contraire, faut-il s'y tenir quelles qu'en soient les conséquences sociales et politiques risquées qu'il engendre ? Ce débat de la «méthode» est conduit par deux «leaders «européens : l'Allemagne et la France. Avec un déficit public de 4,3 et une dette de plus de 2.000 milliards d'euros, la France risque une explosion sociale et politique en cas de plus d'austérité qui remettrait en cause son modèle social. Sa situation est telle que le gouvernement français n'a pas trouvé mieux que demander la semaine dernière à l'Allemagne d'investir 50 milliards d'euros dans l'UE pour relancer la croissance. Elle justifie cette demande par la décision du gouvernement français d'économiser, chez lui, 50 milliards d'euros sur les 3 ans à venir. Ce à quoi le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schaüble, a répondu «qu'on ne peut faire de l'investissement à crédit». Du coup, à l'heure de la présentation des budgets nationaux de 2015 à la Commission européenne pour approbation, la France risque de voir rejeter son budget. Côté allemand, Angela Merkel demeure inflexible sur le respect de la rigueur budgétaire et incite la France à plus de réformes structurelles pour assainir ses comptes publics. Derrière ces deux pays «locomotive» de l'UE, les autres pays de l'Union veulent un traitement égal quant à la question des déficits. Des pays comme la Grèce, l'Espagne et le Portugal ont sacrifié d'énormes acquis sociaux pour assainir leurs économies et ils voient mal le traitement de préférence que souhaite la France au nom de «sa conjoncture» spécifique. Cette rentrée sociale et politique de l'Europe coïncide avec l'entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne formée par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, connu pour son expérience des affaires européennes et son penchant pour une Europe plus politique et collégiale dans la prise des décisions. Identifiée comme une Commission de centre-droit, elle est composée de 19 commissaires de centre-droit et 9 commissaires de gauche. Si elle ne diffère pas tellement au plan politique de la précédente Commission Barroso (21 commissaires de droite et centre-droit et 7 issus de la gauche), elle dispose néanmoins d'un avantage, outre celui de ne pas vivre le premier choc de la crise financière de 2008, celui d'un fléchissement des tenant de l'austérité absolue et d'une détente du marché mondial de l'énergie (prix du pétrole à la baisse notamment). Sans doute, ce dernier point a été parmi les argument qui ont convaincu dès jeudi les chefs d'Etats et de gouvernements à adopter le paquet énergie-climat sans trop de difficultés et de fixer à l'orée de 2030 la diminution des gaz à effet de serre à 40 % du niveau de 1990. Par ailleurs, la nouvelle Commission européenne s'est fixée un plan d'investissement de 300 milliards d'euros pour les cinq prochaines années pour relancer la croissance et l'emploi.

Si l'on ajoute le taux de crédit historiquement bas autant chez les banques privées que la Banque centrale européenne (0,05 % - taux pratiquement négatifs), il semble bien que les conditions d'une reprise de la croissance sont favorables sur le moyen terme. Reste aux Etats membres de trouver la bonne recette pour le choix des secteurs d'investissement porteurs de plus-value sociale et économique. Cela relève de politique souveraine interne à chaque Etat membre. C'est ce que semble dire l'Allemande Angela Merkel au Français François Hollande.