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La Tunisie à la croisée des chemins

par Kharroubi Habib

Nos voisins tunisiens se rendent ce dimanche aux urnes pour élire le nouveau parlement du pays appelé à succéder à l'Assemblée constituante ayant conduit la phase transitionnelle amorcée au lendemain de la chute en janvier 2011 du régime de l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali.

Deux camps politiques sollicitent le vote des électeurs tunisiens. Celui des islamistes dont la composante dominante est le parti Ennahda qui ambitionne de rééditer et de façon encore plus franche si possible le succès électoral de l'année 2011 lui ayant ouvert l'accès au pouvoir, qu'il n'a pu toutefois exercer qu'au prix d'un partage avec deux autres formations de l'autre camp que sont le Congrès pour la République (CPR) et Ettakatol. Contre Ennahda et les islamistes, une kyrielle de partis laïco-démocrates est en lice, dans laquelle figure Nidaa Tounes dirigé par une figure du bourguibisme, l'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi crédité de la capacité de pouvoir barrer la route à la formation islamiste de Rached Ghannouchi. Les électeurs tunisiens devront donc trancher entre deux courants politiques dont les antagonismes irréductibles sur presque tout ont failli faire basculer la Tunisie dans le chaos.

Ennahda a fait le pari que les électeurs tunisiens lui seront reconnaissants d'avoir contrairement à des formations de même nature dans les pays ayant été balayés par le « printemps arabe » fait montre d'esprit consensuel et de modération dans l'exercice du pouvoir. En réalité, la formation de Ghannouchi qui dispose d'un bloc stable d'électeurs escompte gagner le scrutin en tablant sur une moindre participation électorale que celle qui a été enregistrée aux élections de 2011 et sera donc pénalisante pour ses adversaires. Lesquels en revanche ont appelé à la plus large participation possible pour ne soit pas réédité le résultat qui a permis à Ennahda d'accéder aux commandes du pays.

Ghannouchi et son parti ont quelques raisons de croire qu'il y aura une abstention massive dans le scrutin et qu'elle sera le fait essentiellement d'électeurs potentiellement favorables au camp laïco-démocrate. Pour des observateurs, c'est ce camp qui a rendu possible cette abstention sur laquelle Ennahda compte pour assurer son hégémonie dans la prochaine assemblée. Il va en effet au scrutin en ordre dispersé atomisé en une multitude de chapelles dont le lamentable choc des égo offert par elles aux citoyens tunisiens a détourné nombre d'entre eux de la participation au scrutin.

A la veille de ce scrutin, le leader de Nidaa Tounes a tenté de les remobiliser en les appelant à voter « utile » en leur faisant valoir que « maintenant avec toutes les évolutions connues par le pays, les Tunisiens n'ont plus l'excuse de l'ignorance. L'avenir de la Tunisie est entre leurs mains. Ils en sont responsables et comptables ». L'ont-ils entendu et feront-ils barrage au parti islamiste dont le projet politique et de société ne leur convient pas ? La communauté internationale scrute attentivement ce que va être leur comportement dans ce scrutin véritablement déterminant pour le pays.