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Un seul cahier des charges retiré : A quand la première université privée ?

par Abdelkrim Zerzouri

Verra-t-on bientôt naître des universités privées en Algérie ? En débat depuis le lancement de la réforme de l'enseignement supérieur et la recherche scientifique, et constituant même l'un des axes les plus importants de cette réforme, la création des universités privées en Algérie n'a pas encore donné de résultats concrets.

On apprend dans ce contexte que « le premier cahier des charges pour l'ouverture d'établissements universitaires privés a été retiré depuis un mois, seulement » comme l'a indiqué hier le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Mohamed Mebarki, qui a démenti tous les propos qui circulent sur le rejet par le ministère des demandes déposées à cet effet. Il affirme encore que le ministère « n'a reçu à ce jour aucune demande pour la création d'un établissement privé » dans le cadre de l'ouverture du secteur aux privés. Peut-être à cause des exigences formulées par les pouvoirs publics, dont un cahier de charges très difficile à respecter, les privés n'ont pas manifesté une volonté réelle pour l'ouverture d'universités. «Toutes les conditions matérielles, scientifiques et pédagogiques visant la protection de l'étudiant », imposées par les termes du cahier de charges, ont vraisemblablement fait fuir par le passé tous ceux qui nourrissaient l'idée de créer une université privée.

En tout cas, ce dossier ayant été l'une des préoccupations posées par le patronat au cours de la dernière tripartite, les autorités ont consenti à ouvrir les portes devant ce genre d'initiative privée, et le ministre confirme cette tendance en soulignant qu'un travail est en cours actuellement pour achever le dispositif d'encadrement de ce genre d'initiative à travers la création d'une commission qui sera chargée d'étudier et d'ouvrir les dossiers qui seront présentés à la tutelle. Le ministère de l'Enseignement supérieur « ne voit aucun inconvénient à l'ouverture d'instituts privés, à condition qu'une telle entreprise soit conforme au cahier des charges arrêté à cet effet ». Au passage, le ministre écorchera les établissements privés, « qui se prétendent des établissements de formation supérieure, sans qu'ils soient agréés pour ce mode de formation », signifiera-t-il. Cela mène à dire que leurs diplômes ne sont pas « reconnus par l'Etat », indiquera-t-il dans la lancée, au risque de décevoir beaucoup d'étudiants qui suivent des formations dans ces établissements, payées rubis sur l'ongle. Dans ce sillage, M. Mebarki laisse entendre qu'il y a arnaque sur la marchandise, « car, dira-t-il, plusieurs établissements privés prétendant offrir une formation supérieure ont, en réalité, reçu l'agrément du ministère de la Formation professionnelle, selon un cahier des charges qui définit leur champs d'action et qui n'a rien a voir avec le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique ». Ce sont des établissements «hors la loi», a-t-il martelé. Le mot est lâché, et il faut s'attendre à une révision des prétentions de ces établissements, peut-être même que des sanctions vont tomber.

D'ailleurs, ajoute M. Mébarki, « le ministère de l'Enseignement supérieur effectue des contacts avec le ministère de la Formation professionnelle afin de mener des campagnes d'inspection dans les instituts concernés ». Concernant certains instituts étrangers qui décernent des diplômes non reconnus par le ministère, M. Mebarki a souligné l'importance de ce dossier pour son secteur, au regard de sa relation directe avec la crédibilité de l'Université algérienne. Dans ce cadre, le ministre a souligné «le souci» de la tutelle de protéger la nomenclature des diplômes nationaux notamment avec la prolifération d'établissements d'enseignement supérieur dont le seul souci est de s'enrichir en offrant des formations à distance sanctionnées par des diplômes qui ne prennent pas en considération les exigences académiques ainsi que d'autres formations non résidentielles dispensées par des universités étrangères en dehors de leurs pays d'origine. « Les diplômes décernés par les établissements universitaires étrangers qui ne répondent pas aux critères pédagogiques et scientifiques définis par la tutelle ne sont ni reconnus ni homologués », relèvera-t-il encore. M. Mebarki, apparemment pressé d'ouvrir le champ de l'enseignement supérieur aux acteurs privés, veut mener préalablement un profond ménage pour prémunir son secteur contre tout parasitage.

Sur un autre plan, le ministre de l'Enseignement supérieur annonce un élargissement de la carte des filières à inscription nationale, portant à 41 le nombre des filières d'excellence outre la réorganisation du secteur de l'enseignement supérieur lors de cette rentrée universitaire. Sans faire l'impasse sur le renforcement des infrastructures pédagogiques, M. Mebarki relèvera qu' « après la réception de 62.500 nouvelles places pédagogiques portant la capacité d'accueil à 1.250.000 places pédagogiques et que « le nombre d'étudiants inscrits durant l'année universitaire en cours a atteint 1.330.000, soit une augmentation de 5,13% par rapport à l'année précédente ». Concernant les critiques faites sur le système LMD, M. Mebarki estime qu'il « est prématuré de faire une évaluation objective définitive » d'autant plus que le secteur fonctionne toujours avec ce système et le système classique. Engagé en 2009, le système LMD fait l'objet d'une évaluation périodique par des équipes pédagogiques qui formulent les propositions et apportent les améliorations à même de réaliser l'objectif escompté, indiquera à ce propos M. Mebarki. Selon une vision du ministère de tutelle, et un avis largement partagé par les spécialistes, le système LMD est inévitable. Il s'agit seulement de le tenir dans une forme actualisée et améliorée. Une réforme continue, en quelque sorte.