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Les pays voisins dénoncent l'ingérence étrangère, Emirats et Egypte épinglés : La Libye face à ses divisions

par Yazid Alilat

La démilitarisation des milices et groupes armés, en Libye, ainsi que le retour au dialogue politique, pour ouvrir la voie vers le rétablissement des institutions légitimes du pays, ont constitué l'essentiel des recommandations dégagées, lundi, au Caire, par la réunion des pays voisins de la Libye. Si les recommandations sont plutôt vagues et n'ont aucun caractère coercitif, elles ont, surtout, valeur pour avoir pointé du doigt les interventions étrangères armées en Libye. Les chefs de la diplomatie d'Algérie, de Tunisie, d'Egypte, du Soudan, du Tchad et de Libye ont, globalement, appelé à l' « arrêt immédiat » de toutes les opérations armées, au soutien de l'action politique et à la consolidation du dialogue avec les parties, bannissant la violence. Ils ont, également, appelé « à l'arrêt immédiat de toutes les opérations armées, en faveur d'une action politique, à même de consolider le dialogue avec les parties bannissant la violence, dans la perspective d'aboutir à un consensus national, à la Réconciliation et à l'élaboration d'une nouvelle constitution », selon un communiqué, sanctionnant les travaux des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye. La réunion s'est tenue dans un contexte stressant, avec une aggravation de la crise politique, en Libye, où deux gouvernements et deux parlements, l'un basé à Tobrouk et l'autre à Tripoli, s'affrontent. Le chef du gouvernement provisoire libyen, Abdallah al-Theni, a qualifié, lundi, d' « illégale la réunion et les décisions » de l'Assemblée sortante, le Conseil général national (CGN), qui a chargé une personnalité pro-islamiste de former un gouvernement concurrent. « La réunion est illégale, ses décisions sont illégales et le seul corps législatif légal est le Parlement », élu le 25 juin, a déclaré M. Theni, lors d'une conférence de presse conjointe avec le chef du Parlement, à Tobrouk, retransmise par une télévision locale. De son côté, l'Assemblée libyenne sortante, réunie à Tripoli, a chargé, lundi, un pro-islamiste de former un « gouvernement de salut national », défiant, ainsi, le gouvernement provisoire, installé à Tobrouk, et qui semble incapable de reprendre la main, face aux milices surarmées par des pays du Golfe, dont le Qatar, qui sèment le chaos dans le pays. La réunion de Tripoli a été convoquée par les islamistes qui dominent l'assemblée sortante et contestent, toute légitimité, au nouveau Parlement, où ils sont minoritaires. Sur le terrain, les combats font rage entre les forces, encore restées loyales au gouvernement élu le 25 juin dernier, notamment à Benghazi où elles ferraillent dur contre les milices islamistes d'Ansar Charia. A Tripoli, par contre, les milices islamistes de Misrata ont réussi à déloger celles de Zenten, proches du pouvoir, et occupent l'aéroport international de Tripoli. Mais, ces milices islamistes, Fadjr Libya, qui ont rejeté l'appel d'Ansar Charia de les rejoindre, prônent, pour le moment, la réconciliation nationale et un gouvernement provisoire de salut national. Les groupes armés de Fajr Libya ont, ainsi, pris leur distance avec le groupe Ansar Charia, qui rejette la démocratie comme modèle de gouvernement et souhaite appliquer la loi islamique, dans le pays. Dans un communiqué, les milices de Fajr Libya ont affirmé « respecter la Constitution et l'alternance pacifique au pouvoir ». Mieux, ils ont proposé de collaborer, avec les forces de sécurité, pour sécuriser Tripoli et protéger les ressortissants étrangers.

Lundi, au Caire, les ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye ont, par ailleurs, dénoncé l'intervention de pays tiers, dans le conflit, notamment les pays responsables de raids aériens « mystérieux » contre des positions des milices islamistes, à Tripoli. Les pays voisins de la Libye appellent les « parties étrangères de s'abstenir de toute action visant à armer des parties activant, illégalement en Libye et d'imposer un contrôle rigoureux de toutes les issues marines, aériennes et terrestres, menant à ce pays », précisant qu' « aucune arme ne doit être importée en Libye, sauf à la demande de l'Etat libyen lui-même ».

En fait, selon la presse américaine, dont le ?New York Times', ce sont l'Egypte et les Emirats arabes unis qui sont derrière les mystérieux raids aériens contre des positions des milices, à Tripoli. Des responsables américains ont accusé les Emirats d'avoir mené, secrètement, ces frappes aériennes, l'Egypte ayant servi de base pour ces raids. Les déclarations américaines sont intervenues au moment où le pouvoir en place en Libye, reconnu internationalement (le Parlement élu et l'exécutif provisoire) était, directement, défié par les islamistes qui veulent former un gouvernement de transition. «Les Emirats arabes unis ont mené ces raids», ont indiqué deux responsables américains, après une information du ?New York Times' qui recoupait les accusations de miliciens islamistes. Ces derniers ont pointé du doigt, dès samedi, les Emirats arabes unis et l'Egypte, les accusant d'avoir voulu, par ces frappes, alléger la pression militaire qu'ils exerçaient sur les miliciens nationalistes qui tenaient l'aéroport. L'Egypte a démenti, le lendemain, toute implication dans ces deux séries de raids. Les Emirats arabes unis n'ont pas réagi sur le moment et continuaient, hier, d'observer un mutisme total sur cette question. Enfin, les Etats-Unis et leurs alliés européens se sont alarmés d'une «escalade» du conflit en Libye, condamnant les « interférences extérieures en Libye qui exacerbent les divisions ».