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Vadym Blazhei, conseiller à l'ambassade d'Ukraine au « Le Quotidien d'Oran » : «L'Algérie est notre principal partenaire dans la région»

par Zahir Mehdaoui

Coopération économique et militaire avec l'Algérie, perspectives d'avenir, activités des « rebelles » en Ukraine, avion malaisien abattu dans l'espace aérien ukrainien, Vadym Blazhei revient dans cet entretien sur l'un des épisodes les plus difficiles que traverse ce pays qui est tourné, selon le conseiller de l'ambassade, résolument vers l'Europe.

Le Quotidien d'Oran : Dans les années 2000, l'Algérie était pour l'Ukraine le principal partenaire commercial dans toute l'Afrique. Depuis, les choses ont considérablement régressé. Pourquoi et à combien s'élèvent aujourd'hui les échanges commerciaux entre les deux pays ?

Vadym Blazhei : Premièrement je voudrai vous dire que l'Algérie est notre principal partenaire dans toute la région, en particulier en Afrique et dans le sud de la Méditerranée. C'est vrai aussi que le bilan commercial entre nos deux pays change. Il y'a des années ou ça monte et d'autres ou ça diminue. Ces fluctuations de notre chiffre d'affaires sont dues à la situation générale dans le monde. Ceci étant, il existe des choses très positives dans le domaine économique et financier. En fait, cela dépend principalement de la conjoncture économique mondiale.

Selon le Comité national des Statistiques d'Ukraine, les échanges commerciaux entre l'Ukraine et la République Algérienne Démocratique et Populaire ont atteint durant les 5 premiers mois de l'année 2014, 111 ,6 millions USD. Toutefois, l'exportation vers l'Algérie a connu une hausse de 152.4%, ce qui représente 108,4 millions USD, alors que l'importation depuis la République Algérienne Démocratique et Populaire représente 3,1 million USD (-2,9%), soit une balance de commerce extérieur positive de 105,3 millions USD.

 Pour les produits exportés d'Ukraine vers l'Algérie de janvier à mai, mais aussi durant les années précédentes, il y a une prédominance des groupes de produits tels que les graisses et huiles d'origine animale ou végétale (38,7% du total des exportations ukrainiennes vers l'Algérie, soit 41,9 millions USD - une augmentation de 50,5% par rapport à la période correspondante en 2013), ainsi que des cultures céréalières dont le maïs et l'orge (22,9% du total, soit 24,8 millions US - augmentation de 295%).

Il est important de noter que la nomenclature des produits ukrainiens exportés vers l'Algérie s'élargit continuellement. Les parts habituelles, comme celles des huiles et des céréales sont en constante réduction, au profit d'autres produits tel que:

- les combustibles minéraux et produits issus du raffinage du pétrole (+7 851,4%) ? 16 ,4 millions USD (15,2% du total des exportations de l'Ukraine vers l'Algérie);

- produits ferreux (export vers l'Algérie non réalisé en 2013) ? 11.3 millions USD (10,4%) pour l'année 2014;

- le lait et les produits laitiers, œufs, miel (+995,3%) - 2 ,5 millions USD (2,3% du total des exportations d'Ukraine vers l'Algérie).

Vu l'intérêt de l'Algérie dans l'obtention de la technologie de pointe, il est prioritaire pour l'Ukraine d'augmenter la part d'exportation de ses produits de haute technologie et la coopération dans les domaines prometteurs tels que l'espace, l'aviation, l'énergie, pétrole et gaz, construction immobilière, industrielle et infrastructures.

Il est urgent également pour l'Ukraine de diversifier la coopération avec l'Algérie dans le secteur agricole - transformation des aliments, production alimentaire. Malgré une concurrence féroce sur le marché intérieur, les domaines tels que la construction métallique, la construction automobile et les transports restent aussi des domaines très prometteurs.

Q. O.: Les entreprises ukrainiennes ne sont pas vraiment présentes en Algérie. Pourquoi à votre avis cette « frilosité » ?

V. B.: Il y a d'abord le problème de la distance et il n'existe pas pour l'heure un vol direct entre les deux pays. Il y a des possibilités de faire des affaires entre les entreprises des deux pays mais il existe aussi un manque d'informations entre les deux parties. Ceci étant, les opportunités de partenariat sont là, il suffit juste de les exploiter. Je tiens à vous rappeler que nous sommes intéressés par tous les secteurs.

Q. O.: L'Ukraine est un important fournisseur de toute sortes d'armes à l'Algérie. Est-ce que vous pensez que l'Algérie est un pays crédible et est-ce que cette coopération militaire est en hausse ces dernières années.

V. B.: Pour ce qui est de la coopération militaire, pour le moment c'est un peu difficile de le dire parce que c'est un secteur un peu spécifique. Mais pourquoi pas ? Cette coopération peut se développer davantage.

Q. O.: La situation aux frontières avec la Russie est préoccupante. Qu'est ce qui se passe exactement entre les rebelles « pro-russes » et l'armée régulière d'Ukraine ?

V. B.: C'est une question très compliquée. Il existe un conflit sur le territoire ukrainien. C'est un conflit qui tourne autour de notre lutte contre des terroristes. Ces derniers malheureusement disposent de l'appui de la Russie. Sans ce soutien logistique, financier et militaire il serait certain que ce conflit serait réglé très vite. Ces terroristes véhiculent malheureusement des idées séparatistes ce que l'Ukraine n'accepte pas.

En fait, ces terroristes sont des mercenaires à la solde de la Russie et n'ont en réalité aucun projet politique contrairement à ce qui est galvaudé.

Q. O.: Le conflit gazier entre l'Ukraine et la Russie revient cycliquement. Comment vous faites pour gérer cette crise ?

V. B.: Malheureusement la Fédération de Russie lie toute la question de notre coopération à ce gaz qu'elle utilise comme instrument de pression à des fins politiques alors que cela relève du domaine commercial. En réalité, pour ce qui est de ce problème de gaz, il n'existe pas réellement de problème entre les parties contractantes. La Russie nous vend du gaz et nous le payons, mais les autorités russes exercent de la pression et même du chantage pour résoudre ses équations politiques.

Q. O.: En ce sens, tout le monde sait que l'Ukraine est partagée entre pro-russes et pro-occidentaux. Comment faites-vous pour « concilier » votre population et rétablir la paix dans votre pays ?

V. B.: Il faut comprendre qu'il n'existe pas en Ukraine une division de la population. Ca n'existe pas les partisans de l'Est et d'autres de l'Ouest en dépit des sensibilités politiques qui existent dans notre pays. La population d'Ukraine soutient un pays uni. Ceci étant, il existe des ethnies qui sont financées par la Russie. Vous remarquerez à chaque fois que notre pays procède à l'élection d'un président ou d'un Premier ministre, la Russie nous sort ce type de problème pour déstabiliser le sud de l'Ukraine dont les populations parlent russe. Certains groupes épaulés par la Russie dans cette région utilisent cette situation pour essayer de déstabiliser l'Ukraine.

Q. O.: Est-ce que la perspective d'adhésion de votre pays à l'Union européenne est irrévocable et surtout est-ce que vous pensez sincèrement que le rapprochement avec l'Europe va apporter le développement et la paix en Ukraine ?

V. B.: Aujourd'hui et dans l'avenir la question de notre adhésion à l'UE est indiscutable. Pour le moment nous avons signé un accord d'association, comme l'Algérie l'a fait il y'a une dizaine d'années. Nous voulons pour l'instant créer une zone de libre-échange entre l'Ukraine et l'UE. Il s'agit pour nous d'une étape importante pour améliorer notre vie sociale et développer nos affaires, notre économie et notre système financier. Après tout cela, dans quelques mois ou dans quelques années nous nous poserons cette question de notre adhésion à l'UE. Mais, en fait, il ne s'agit pas seulement de faire des affaires avec l'UE mais rétablir aussi les faits historiques. Car historiquement l'Ukraine fait partie de l'Europe.

Q. O.: Une dernière question. Qu'en est-il de l'avion malaisien qui a été abattu dans l'espace aérien de l'Ukraine ?

V. B.: Je voudrai d'abord vous dire que c'est une grande tragédie pour l'Ukraine et tous les Ukrainiens. Ceci dit, il y'a une commission internationale qui enquête sur ce drame. L'Australie, à ce sujet, doit envoyer une quarantaine d'experts pour enquêter sur ce drame. Plusieurs experts d'autres pays sont déjà sur le terrain et ont commencé leur travail d'investigation. Ceci dit, des mercenaires russes affirment clairement dans une vidéo diffusé sur internet que ce sont des terroristes proches de la Russie qui ont abattu l'avion.

Il y a beaucoup de preuves accablantes que ce sont les terroristes (comprendre par là les séparatistes et rebelles pro-russes) qui ont abattu l'appareil à l'aide d'un matériel russes ultra-sophistiqué.

Les Russes affirment que les « séparatistes » ne disposent pas de batteries antiaériennes. C'est faux ! Car les rebelles disposent du système « bouc » ramené de Russie pour abattre des avions. Des vidéos et des preuves existent.

Je tiens à rappeler que la liste complète des avions et hélicoptères (publiée par Wall Street Journal) abattus par des terroristes russes activant en Ukraine ainsi que par l'armée russe depuis le début de l'opération anti-terroriste est comme suit : 8 hélicoptères, 6 avions de combat et 5 avions de transport militaires ukrainiens. La tragédie de l'avion malaisien MH17 n'est qu'un autre triste épisode dans cette longue liste. Les deux derniers avions de combat (SU-25) ont été abattus depuis le territoire russe, selon les autorités ukrainiennes.

On voit clairement l'amélioration progressive des moyens utilisés par des bandes terroristes auxquelles la Russie livre des armes de plus en plus sophistiquées.