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Education : Révélations sur un massacre

par M. Aziza

Les membres de la commission nationale des programmes ont avoué que la réforme engagée en 2003 a été faite dans la précipitation. «205 programmes ont été réalisés en cinq ans », ont-ils indiqué. Aujourd'hui, ils se disent conscients qu'il faut aller doucement pour la mise en application des programmes de deuxième génération, déjà élaborés, mais qui ont besoin d'être enrichis et validés par la ministre.

Les assises nationales de l'éducation ont pris fin lundi au lycée des mathématiques à Kouba avec une série de recommandations qui peuvent être appliquées à court, moyen et long terme ( graduellement jusqu'en 2024).

L'une des mesures qui sera appliquée dès cette rentrée scolaire est la suppression des livres d'activités pour les élèves de 1er et 2 année primaire et, du coup, leur cartable sera allégé de 30 % réduisant ainsi le poids et incitant l'élève à écrire sur le cahier de classe. Les membres de la commission nationale des programmes qui ont organisé une conférence de presse après la clôture des assises, ont énuméré les priorités en favorisant l'équité de l'enseignement entre les élevés à travers le territoire national. L'enjeu est d'éliminer les écarts entre les régions. La commission a relevé que «les wilayas du Sud sont bien installées dans l'échec » d'où la nécessité de mettre tous les moyens possibles pour remédier à cette situation. Il est question également de généraliser le préscolaire à travers le territoire national, pour permettre l'égalité des chances à tous les enfants de ce pays.

L'autre recommandation phare dont l'application est prévue rapidement est la formation des formateurs « une formation transversale qui touchera l'ensemble des intervenants que ce soit en matière de pédagogie au profit des enseignants ou en matière de management au profit des directeurs et des inspecteurs, une façon de leur permettre une certaine autonomie ».

A moyen terme et à long terme, la commission prévoit l'introduction des programmes de deuxième génération qui sont déjà élaborés, mais qui doivent être enrichis par les différents acteurs de l'éducation et qui attendent une éventuelle validation de la part de la ministre de l'Education, Nouria Benghbrit. Farid Benramdane, un des membres de la commission a insisté sur le fait que l'application des programmes de deuxième génération ne se fera pas sans formation préalable, avant la phase opérationnelle. « Il faut d'abord former les acteurs chargés d'appliquer ces programmes, pour éviter de tomber dans les erreurs du passé », a-t-il soutenu.

M. Benramdane a précisé que les programmes de deuxième génération ont été élaborés sur des fondements favorisant l'algérianité, l'autonomie, et le développement de l'esprit critique chez l'élève.

Il explique que les programmes de deuxième génération visent, conformément à la loi d'orientation sur l'Education nationale adoptée en 2008, l'unification des repères identitaires (l'islam, l'arabité et l'amazighité). Il a précisé que les programmes précédents ont été conçus de manière centralisatrice et n'ont pas laissé l'initiative à la base. Mais, rassure-t-il, ces nouveaux programmes réécrits vont donner plus d'autonomie, une décentralisation pour que l'élève algérien soit plus proche de son milieu, autrement dit « un recentrage sur l'algérianité». Il est question d'assurer en outre, à travers cette reforme des programmes de deuxième génération, le développement de l'esprit critique chez l'élève. C'est-à-dire, lui apprendre l'analyse, la déduction, l'induction, la schématisation « des principes intellectuels si nécessaires pour la personnalité de l'élève qui sera l'homme de demain » ; ce n'est pas le cas aujourd'hui où nos élèves sont toujours au stade de la mémorisation et la restitution, précise M. Benramdane.

«LES INTERFERENCES» QUI ONT ENTRAVE LE TRAVAIL DE LA COMMISSION

Le président de la commission nationale des programmes, Adel Farid, est revenu sur les conditions de l'élaboration des programmes de première génération qui n'étaient pas du tout idéales, ce qui a entraîné des dysfonctionnements notamment dans l'application de la réforme engagée depuis 2003. Il a précisé que la commission était dans l'obligation de produire des programmes année par année. «Nous sommes entrés dans un engrenage ou nous étions obligés de produire des programmes d'une année à l'autre pour le primaire et pour le moyen : 8 programmes du primaire, 14 programmes du moyen et plus le programme du préscolaire», a-t-il indiqué en précisant que la commission avait réalisé 205 programmes en un temps record, de 2002 à 2007.    Il a également évoqué les interférences qui ont beaucoup gêné la commission, telle que la restructuration de l'enseignement primaire de 5 ans, moyens de 4 ans et le secondaire de 3 ans. «On a eu des instructions à grandes échelles qui nous demandaient à travailler sur 5 ans au cycle primaire, sachant que cela devait être précédé par une vision globale, c'est-à-dire préparer un programme de cinq années du primaire, idem pour le moyen», soutient le président de la commission. Le conférencier a cité d'autres interférences qui ont beaucoup gêné la commission parce qu'elles n'ont pas permis de voir la mise en œuvre des ces programmes dans une démarche logique. Il cite les décisions incitant la commission à faire reculer l'enseignement de la langue française de la deuxième année à la troisième année. Et de rajouter à la troisième année l'histoire et la géographie «sachant que pour des enfants de troisième année primaire il est impossible de commencer à comprendre l'histoire». A cela s'ajoutent les instructions qui exigeaient l'augmentation des horaires de certaines disciplines, «de revoir le contenu à mettre dans un programme, par exemple pour l'éducation islamique à laquelle on a augmenté l'horaire et réduit les horaires de l'éducation artistique, musicale et sport».

Le président de la commission a tout de même défendu les programmes sur le plan méthodologique. «Ce sont des programmes qui se tiennent bien, mais on s'est précipité dans l'opérationnel en négligeant la formation du personnel qui devait appliquer cette réforme», a-t-il reconnu. Autrement dit, «le problème n'est pas le contenu disciplinaire mais le curriculum». Farid Adel s'est dit pourtant optimiste pour l'avenir, notamment pour l'application des programmes de deuxième génération car les membres de la commission ont acquis une certaine expérience où le courant de pensée a bien avancé».

«LA SURCHARGE DES PROGRAMMES EST UNE SUPERCHERIE PEDAGOGIQUE»

Farid Benramadane a défendu le contenu pédagogique du programme de la première génération en affirmant que «les programmes algériens ne sont pas surchargés» et «qu'il s'agit là de la plus grande supercherie pédagogique nationale. Les programmes algériens sont les mêmes que dans d'autres pays». Il précise que c'est l'année scolaire qui est courte. «Les programmes ont été établis sur un volume horaire de 32 semaines qui est une des normes internationales et non pas sur 26 semaines, sachant que le Qatar fait 44 semaines d'enseignement», a-t-il souligné en s'interrogeant «depuis quand les élèves déterminent le niveau du savoir ?»