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Gel de l'activité complémentaire : La mise en garde du ministre de la Santé

par El-Houari Dilmi

Dans une instruction datée du 21 avril 2014, adressée aux directeurs de willaya de la Santé, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Abdelmalek Boudiaf, met un terme définitif à l'activité complémentaire pratiquée par les médecins du secteur public au sein des cliniques privées. Abdelmalek Boudiaf avait déjà annoncé la couleur en mars dernier en marge des travaux d'une rencontre organisée avec les responsables des cliniques privées à l'Institut national de Santé publique (INSP) à Alger où il avait déclaré que « des instructions ont été données aux directeurs de santé de wilaya (DSP) afin de veiller au respect de cette interdiction, en attendant le règlement définitif de cette question».

A l'issue d'un diagnostic exhaustif mené depuis son installation à la tête du secteur, le constat a été fait que « tous les dysfonctionnements enregistrés au sein des structures de santé publique sont en partie dus à cette activité complémentaire ». L'activité complémentaire des praticiens hospitaliers du secteur public dans les cliniques privées est, donc, gelée jusqu'à la révision de la loi. A travers cette décision, le ministre de la Santé veut siffler la fin de l'anarchie qui prévaut depuis plusieurs années dans les établissements publics hospitaliers à cause de l'absentéisme du personnel et le détournement des médicaments et du matériel chirurgical. « J'ai décidé de ne plus permettre aux médecins du secteur public de travailler en parallèle dans les hôpitaux privés. J'ai instruit les DSP de mettre un terme à cette pratique », a-t-il affirmé. Le ministère de la Santé et de la Réforme hospitalière a été alerté par plusieurs professeurs de médecine sur le désordre et les répercussions négatives que génère cette pratique sur le bon fonctionnement du service public. La décision de ne plus permettre aux médecins exerçant dans les structures publiques de collaborer avec les cliniques privées a été différemment appréciée dans les rangs du corps médical. Pour certains médecins, cette mesure devait être prise il y a longtemps. « J'ai saisi à plusieurs occasions les différents ministres qui se sont succédés pour ne plus permettre aux praticiens hospitaliers de travailler dans le secteur public et privé au même temps. Le médecin doit faire un choix. La double appartenance doit être interdite», selon le professeur Abdenour Kessal. Cette double appartenance est depuis longtemps à l'origine de plusieurs dysfonctionnements dans les établissements sanitaires publics. « Les médecins s'absentent pour aller exercer dans le secteur privé pour bénéficier d'une double rémunération, laissant ainsi des malades sans prise en charge », témoigne un autre praticien spécialiste exerçant à Tixeraïne. « Auparavant, en vertu d'une autorisation spéciale, les praticiens justifiant de dix ans d'ancienneté dans le secteur public étaient autorisés à travailler deux demi-journées par semaine au sein des structures privées. Aujourd'hui cela n'est plus possible, y compris pour les praticiens justifiant de plus de dix ans d'ancienneté dans le secteur public », explique le directeur de la Santé de la wilaya de Tiaret interrogé par le Quotidien d'Oran. Pour le non-respect des instructions du ministre, un DSP a été dernièrement suspendu de ses fonctions, selon le même responsable. Reconnaissant l'existence de certains dépassements, le Pr. Nacer Djidjeli, président du Syndicat national des professeurs et docents en sciences médicales (SNPDSM), estime que l'activité complémentaire doit être maintenue et soumise à une réglementation stricte comme cela est normalement admis dans tous les pays du monde, citant l'exemple du Pr. Laurent Lantieri, une sommité mondiale et une grande figure de la chirurgie, qui a réussi la greffe totale du visage en France et qui vient d'être suspendu de l'exercice privé pour non-respect de la loi. «Dans ce pays, l'activité complémentaire est réglementée et l'administration compétente fait convenablement son travail, contrairement à ce qui se passe chez nous», a-t-il souligné.