Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Boussad Ouadi (Inas): «Cette loi est complètement à côté de la plaque»

par Nejma Rondeleux

Pour le fondateur et directeur de la maison d'édition INAS, Boussad Ouadi, le «projet de loi relatif aux activités et au marché du livre» adopté le 29 septembre dernier est un échec, voire une régression, car, elle ne résout rien des véritables entraves à l'essor du marché du livre.

«Cette loi est complètement à côté de la plaque car 90 % des problèmes du marché du livre sont de nature économique et industrielle et non réglementaire», s'exclame Boussad Ouadi, directeur de la maison d'édition INAS. Or sur les 62 articles que comporte le texte aucun ne répond à cette triste réalité de terrain d'absence totale d'industrie du livre. «Comment peut-on parler d'exportation, d'amélioration de la production nationale, de promotion des librairies, d'ouverture de bibliothèques, etc., quand il nous manque déjà l'essentiel à savoir la création», s'emporte l'éditeur. L'article 26 stipulant que «l'Etat encourage l'exportation du livre édité en Algérie, lequel bénéficie de mesures incitatives» est une «aberration» aux yeux de Boussad Ouadi. «Nous ne sommes même pas capables d'alimenter les librairies du monde et lors des foires internationales, si nous arrivons à vendre 10 % de notre stock, c'est presqu'un exploit». Dans ces conditions, parler de flux d'exportation industriels est une «honte» juge le directeur de la maison INAS qui rappelle que l'Algérie a déjà dû mal à assurer correctement la filière d'importation qui représente 80% des livres vendus. «Sur 10 clients, je n'arrive à satisfaire, généralement, que trois demandes», témoigne le directeur de la maison INAS.

METTRE FIN A L'ECONOMIE ADMINISTREE

Quant au marché local, le constat est tout aussi «désolant» affirme notre interlocuteur pour lequel ni l'obligation des institutions publiques à acquérir leurs livres dans les librairies de leur wilaya (article 27), ni l'instauration d'un prix unique du livre (article 29) ne sont en mesure d'améliorer la situation. «Si on veut que nos librairies fournissent nos institutions, il faudrait déjà qu'elles soient pleines», ironise Boussad Ouadi. «Pour cela, il faudrait produire», poursuit-il en pointant, à nouveau le manque de dynamisme de création en Algérie. «Dire que cette mesure va permettre la création d'emplois et de librairies sur tout le territoire national est donc un mensonge éhonté», dénonce Boussad Ouadi. Autre «mesure gadget» selon l'éditeur : le principe de prix unique de vente du livre. «Cette disposition a été conçue en copiant la loi française instaurée par l'ex-ministre de l'Education, Jacques Lang, pour garantir la chaîne de distribution des livres qui concerne près de 300.000 livres par an produits en France», explique Boussad Ouadi. Mais en Algérie, le tableau est tout autre, poursuit-il. «Chez nous, il y a prétendument 400 éditeurs pour 30 librairies ce qui rend toute concurrence impossible». Et le fondateur de la maison INAS ne s'arrête pas là. D'après lui, huit articles du projet de loi sont des «intrusions inopportunes dans les flux de distribution et de commercialisation du livre qui risquent d'aliéner durablement l'économie du livre pour la transformer en machine bureaucratique». Car, tout le «mal» est là pour Boussad Ouadi : «le système de contrôle étatique tue toute dynamique, en matière d'édition locale, de circulation, etc.» Et de citer la tentative de mise en place d'un réseau d'impression et de distribution entre Maghrébins, dans les années 70, avant que l'Etat n'accapare ces activités. «Le livre est un produit comme les autres qui doit répondre aux lois du marché de liberté de produire, de vendre, de concurrence, etc.», conclut l'éditeur.