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Des chiffres à l'épreuve du vécu : Les Algériens sont-ils vraiment heureux ?

par Salem Ferdi



Heureux ! Les Algériens sont heureux ou presque, c'est écrit? dans le rapport mondial sur le bonheur 2013 réalisé par des experts pour le compte de l'Onu, sans nécessairement l'engager. Pourquoi les Algériens râlent-ils alors ?

La tendance nationale ? et médiatique ? à râler et à se plaindre de tout serait parfaitement exagérée à la lecture de ce rapport qui classe l'Algérie à la 73ème place du bonheur mondial comprenant 156 pays. Certes, les Algériens ne baignent pas dans le bonheur des Scandinaves, le Danemark étant premier avec 7.693 points suivi de la Suède (7.655), ou des Suisses (7.650), des Néerlandais (7.512), des Canadiens (7.477) ou des Saoudiens qui se classent à la 33ème place avec 6.480. Mais avec 5.422 points les Algériens font mieux que les Libyens (78ème avec 5.340 points) et les Marocains classés à la 99ème place avec 4.885 points. Ils précèdent de loin les Tunisiens 104ème avec 4.826 points et les Egyptiens qui sombrent à la 130ème place avec 4.273 points.

Les Egyptiens sont même précédés par les Mauritaniens qui se classent à la 112ème place avec 4.758 points. Les Algériens râleurs et insatisfaits seraient surpris qu'ils sont mieux que les Turcs qui font partie des «émergents» et se classent 77ème avec 5.345 points. C'est sans doute le premier des classements mondiaux «relativement» positif pour l'Algérie.

L'un des derniers étant le méchant classement de The Economist qui classe la capitale algérienne dans le Top 10 des villes les plus invivables du monde ! Alger était sixième entre Harare et Karachi sur la base de cinq critères : stabilité, soins de santé, culture et environnement, éducation et infrastructures. Avec le rapport mondial sur le bonheur, l'Algérie ? et pas seulement Alger ? devient plus «vivable» que 83 pays. A défaut de baigner dans le bonheur danois ou suédois, les Algériens peuvent en effet découvrir à la lecture du rapport qu'ils ne sont pas à plaindre dans l'échelle du bonheur puisqu'ils font partie de la première moitié de la liste.

DU COTE LE MOINS TRISTE DU TABLEAU

Pourquoi les Algériens ont-ils un «sentiment» différent que ce que suggère le rapport qui donne un classement des pays où il fait le mieux vivre ? Peut-être en raison des critères retenus où le PIB par tête est le premier des six critères retenus mais qui inclut « espérance de vie, la générosité, l'absence de corruption, la possibilité de pouvoir compter sur quelqu'un et le sentiment d'être libre de ses choix». Un mélange de données statistiques «objectives» comme le PIB et l'espérance de vie et des éléments plus subjectifs comme la «générosité» et la «possibilité de pouvoir compter sur quelqu'un». Ce sont probablement ces critères qui mettent l'Algérie du côté le moins triste du classement. Le PIB par tête est automatiquement boosté par les revenus pétroliers... Quant à la «générosité» ou la «possibilité de pouvoir compter sur quelqu'un», elle est probablement liée à la persistance - même s'ils ont tendance à s'étioler - des liens familiaux. Auquel il faut ajouter une politique «sociale» faite de soutiens aux prix et marquée par des transferts sociaux importants.

LA CORRUPTION ET LE LIBRE CHOIX

De manière empirique et si l'on tient compte des récriminations régulières dans la presse et d'autres rapports (Transparency, Doing Business, Droits de l'homme), les deux autres critères, «absence de corruption» et le «sentiment d'être libre de ses choix» ne sont pas le fort de l'Algérie.

Ces deux critères paraissent entrer très largement dans le fort sentiment d'insatisfaction des Algériens? De quoi se poser la question, «politique» : si l'Algérie connaît moins de corruption et permet aux Algériens de «choisir librement», on pourrait peut-être se rapprocher du bonheur suédois. Mais, justement, la question est «politique» ! Le bonheur n'est peut-être pas dans les chiffres !