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Comment Al-Qaïda est devenu l'acteur principal dans la guerre en Syrie : Dollars, fatwas et «djihad de femmes»!

par Salem Ferdi

Pour de nombreux médias occidentaux en guerre contre « Bachar», Al-Qaïda dans ses différentes dénominations, front de Nosra et l'Etat Islamique d'Iran et du Levant, sont des «épiphénomènes» que Damas grossit et amplifie pour se justifier. L'argument est devenu un élément du bréviaire de base de la propagande anti-Bachar alors que la réalité du terrain le démentait constamment. Les djiahdistes qui affluent de toutes parts - y compris pour le «djihad du sexe» (Al Nikah) pour des femmes comme vient de le confirmer très officiellement le ministre tunisien de l'Intérieur - avec le soutien des pays du Golfe, la complaisance de la Turquie d'Erdogan et des Occidentaux, ont leur propre objectif. Ils ne s'en sont jamais cachés mais c'est la propagande anti-Assad des médias arabes et occidentaux qui s'est attelée à le masquer. Ce refus de voir se poursuit malgré la prise de la ville d'Azaz, près de la frontière avec la Turquie, par le groupe de l'Etat Islamique d'Irak et du Levant (EIIL) qui l'a arrachée mercredi, au cours d'une opération-éclair à l'Armée Syrienne Libre (ASL). Mais une fois n'est pas coutume, la coalition de l'opposition syrienne, entretenue par les Occidentaux et les régimes du Golfe, et qui minimisait le risque posé par l'EIIL et le Front Al-Nosra s'est élevée contre les « agressions de l'EIIL contre les forces de la révolution (...) et son mépris pour la vie des Syriens».

LE REVELATEUR D'AZAZ

La coalition accuse, comme si c'était une découverte subite, l'EIIL de servir des «projets extérieurs» et d'appeler «à instaurer un Etat (islamique) dans les contours de l'Etat syrien, en violation de la souveraineté nationale syrienne. Pour l'heure, Azaz est aux mains des djihadistes et la Turquie a décidé de fermer sa frontière. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) une «trêve» a été conclue entre l'ALS et l'EIIL. L'ALS a envoyé l'une de ses unités, la puissante Brigade Tawhid, s'interposer dans la ville entre jihadistes et son bataillon local, «Tempête du nord», en attendant de trouver une issue à la crise. Mais ce qui s'est passé à Azaz ne fait que refléter une réalité, non propagandiste, de ce qui se passe sur le théâtre syrien avec une prééminence de plus en plus avérée des deux groupes djihadistes actifs, le Front Al-Nosra et l'EIIL. L'Onu qui a dressé une cartographie de la rébellion syrienne confirme que sur les six cents groupes armés actifs en Syrie, la moitié est clairement djihadiste.

La cartographie onusienne met en relief d'autres groupes moins célèbres mais tout aussi actifs comme Ahrar al-Sham et de Liwa al-Islam. Les financements venant «directement» du Golfe, ces groupes sont souvent mieux armés. Avec des recrues venues de partout en quête de «martyre». En matière de «commodités» pour les djihadistes, les émirs du Golfe ne lésinent ni sur l'argent ni sur les fatwas.

A l'image de la fatwa sur le «djihad Al-Nikah» (le djihad du sexe), dont la réalité a été confirmée par le ministre tunisien de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, jeudi 19 septembre à la tribune de l'Assemblée nationale constituante. Des Tunisiennes sont en effet parties en Syrie pour assurer le «repos des guerriers» pour les djihadistes. Elles ont été soumises à un véritable travail «d'abattage» sexuel. «Elles ont des relations sexuelles avec vingt, trente, cent» djihadistes au nom du «Djihad Al-Nikah» («la guerre sainte du sexe»), puis «reviennent enceintes», a déclaré le ministre tunisien. Ben Jeddou a révélé que depuis sa prise de fonction en mars, ce sont « 6.000 de nos jeunes qui ont été empêchés d'aller là-bas». Un chiffre impressionnant qui est significatif de l'importance des flux et des fonds nécessaires à la mise en place de la logistique des réseaux. Le flux concerne l'ensemble des pays arabes mais aussi de nombreux «djihadistes» venus d'Europe. Et aussi de Russie ! Le premier vice-directeur du Service fédéral de sécurité (FSB) Sergueï Smirnov a déclaré que «300 à 400 personnes ont quitté le territoire de notre pays pour s'y rendre (en Syrie) et elles finiront par rentrer. Cela représente, naturellement, un grand danger», a indiqué le responsable. Selon lui, le problème ne concernait pas que la Russie, mais aussi les autres pays membres de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui regroupe la Russie, le Kazakhstan, la Chine, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. « Nous n'avons pas évoqué ce problème lors de la réunion. Mais en comité réduit, lors d'un échange de vues sur l'évolution de la situation, nous avons constaté que tous les pays de l'OSC faisaient face à ce problème. Le recrutement de mercenaires est une réalité».

ENTRETENIR LA GUERRE D'USURE

Pendant longtemps, ceux qui mettaient en garde contre une rébellion dominée par les djihadistes étaient accusés de «défendre Damas» et sa propagande. Sur le terrain, ce sont ces groupes qui sont agissants alors que l'Armée Syrienne Libre, présentée par défaut comme «nationaliste», joue les seconds couteaux. Mais cette complaisance des Occidentaux à l'égard des djihadistes était directement liée à leur stratégie commune avec les pays du Golfe d'obstruction à une solution politique. Les appels d'un opposant comme Haytham Manaa à une action internationale pour expulser les «combattants étrangers» de Syrie n'ont pas reçu d'écho. Tout ce qui pouvait contribuer à une solution politique était rejeté avec l'objectif, réussi, d'entretenir une guerre d'usure pour détruire systématiquement le pays. Le vice-Premier ministre syrien Qadri Jamil, l'illustre dans un entretien publié en ligne par le quotidien britannique The Guardian. Il a estimé que le conflit se trouvait dans une impasse et qu'aucune des deux parties n'a les moyens de l'emporter: «Ni l'opposition armée ni le régime ne sont capables de vaincre le camp adverse. Ce rapport de force ne changera pas avant un moment» alors que la guerre a coûté dans les 100 milliards de dollars à l'économie syrienne.