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Trois jours de bombardements US annoncés contre la Syrie : Le pape contre la guerre, les rois arabes pour

par Salem Ferdi

Le contraste est éloquent : alors que des rois et émirs du pétrole du Golfe se réunissent pour lancer un appel vibrant en faveur des frappes américaines contre la Syrie, le pape François s'est à nouveau positionné avec fermeté contre la guerre.

Les mots du pape que les médias, déjà en guerre, ont cherché à minimiser voire à étouffer, sont très forts. Il dénonce en effet des « «guerres commerciales pour vendre des armes» et «la prolifération» de celles-ci, appelant les responsables à «une juste solution au conflit fratricide». Le prélat exprime ouvertement ses doutes sur les justifications et les finalités des appels à la guerre contre la Syrie. Le doute demeure, a-t-il déclaré, « sont-elles vraiment des guerres pour des problèmes ou des guerres commerciales pour vendre des armes dans le commerce illégal ?». Allant à l'encontre du travail de conditionnement des esprits - il est vrai, inefficace cette fois-ci - le pape a réaffirmé que «l'engagement continue» pour la paix en Syrie. Un engagement moral qui contraste avec le bellicisme des monarchies du Golfe qui ont largement utilisé leurs moyens financiers pour entretenir la guerre en Syrie et qui se disent disposés à payer le «prix» des frappes américaines. A défaut d'avoir obtenu de la Ligue arabe un soutien franc à l'intervention militaire, les monarchies pétrolières ont incité, dans le cadre du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à une «intervention immédiate de la communauté internationale».

MANIPULATION AU NOM DE LA LIGUE

Cet appel à la guerre survient à la veille du débat au Congrès sur l'intervention militaire « limitée » demandée par le président américain, Barack Obama. Mais les pays du Golfe continuent à faire de la manipulation en parlant au nom de la Ligue arabe. C'est ce qui s'est passé hier à la suite d'une rencontre du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, avec des ministres arabes. Ainsi, les Etats-Unis et la Ligue arabe sont-ils présentés comme étant « tous d'accord » pour dire que Bachar al-Assad avait utilisé des armes chimiques contre des civils en banlieue de Damas, que le régime syrien a de fait franchi une « ligne rouge » et la communauté internationale se doit d'agir, a fait savoir M. Kerry. Les Etats-Unis, qui peinent à obtenir une « coalition internationale » pour l'intervention, utilisent quelques ministres de pays arabes pour faire de la Ligue arabe un alibi. Il n'y a pas eu de communiqué à l'issue de la réunion entre John Kerry, le SG de la Ligue arabe. On est loin de l'appel vibrant du pape à »travailler pour la paix et la réconciliation» et à mettre fin à la guerre, qui est «toujours une défaite de l'humanité». Un appel qui a eu un écho populaire profond parmi la communauté chrétienne d'Orient inquiète après la prise par des rebelles islamistes syriens de la ville chrétienne de Maaloula au nord de Damas suite à de violents combats nocturnes avec l'armée qui s'en est ensuite retirée. Cela ne semble pas entraver l'action des va-t-en-guerre qui affirment, contre toute évidence, que leur projet rencontre de plus en plus de soutien.

TROIS JOURS DE BOMBARDEMENTS

En réalité, ce sont les dénonciations qui s'amplifient, y compris dans un Occident matraqué par les médias embedded, contre la guerre. Les neuf pays membres de l'Alba, conseil de l'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (Alba), ont «condamné catégoriquement toute action ou intention d'intervenir militairement en Syrie». L'Alba demande aux Etats-Unis de «s'abstenir de toute agression militaire ou menace d'usage de la force contre le peuple et le gouvernement» syriens, accusant Washington d'employer la même stratégie contre le régime syrien qu'en Libye, Irak et Egypte. En France où François Hollande joue à la compensation extérieure d'une gouvernance intérieure particulièrement fade, l'ancien Premier ministre, François Fillon a estimé qu'une intervention ferait courir de grands risques pour le Liban voisin et les intérêts français dans ce pays. Le Congrès américain doit approuver ou non les frappes contre la Syrie. Selon les médias, l'issue du vote est incertaine, notamment à la Chambre des représentants. Le président américain fait le forcing, il donne une interview aux grandes chaines de télévision lundi et fera une déclaration à la nation le mardi, avant le débat au Congrès. Selon des « indiscrétions » au Pentagone, les frappes contre la Syrie dureraient trois jours avec des tirs massifs de missiles, suivis rapidement par d'autres attaques. Les cibles seraient plus larges, au-delà des cinquantes cibles prévues initialement.

Les opérations verraient aussi une participation des bombardiers de l'armée de l'air et des cinq destroyers lance-missiles américains qui patrouillent actuellement en Méditerranée orientale. Barack Obama avait affirmé que ce ne « sera pas un autre Irak ou un autre Afghanistan». De quoi décevoir peut-être les monarques du naphte?