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Mohamed Benmeradi explique la stratégie touristique et révèle: «Golden Tulip veut s'impliquer en Algérie»

par Farouk Djouadi

Le secteur du tourisme en Algérie connaît un début de frémissement et se cherche une stratégie. Mohamed Benmeradi, ministre du Tourisme et de l'Artisanat, fait un état des lieux et des actions menées pour relancer le secteur. Golden Tulip souhaite s'impliquer dans le management des hôtels réalisés et investir dans la réalisation de nouveaux.

Le programme de 700 nouveaux hôtels avance lentement, certains projets sont à l'arrêt. Comment l'expliquer ?

Près de 730 projets, privés surtout, ont été recensés. Près de 600 ont obtenu les autorisations et ont engagés les travaux. 60 % ont bien avancé. 15 %, soit 120 projets, sont à l'arrêt. 130 projets n'ont pas été engagés pour desproblèmes de foncier liés à la réglementation régissant les zones d'extension touristiques. On compte régler ce problème dans les prochains mois en simplifiant les procédures. Le plus grand souci, ce sont les projets engagés et qui sont à l'arrêt pour des raisons liées essentiellement à des problèmes de financement. Ces projets ont été soit sous-évalués, soitengagés sur fonds propres le système bancaire ne les estimant pas bancables. Pour régler ce problème, le gouvernement a prévu, en plus du régime général de l'ANDI, des avantages particuliers portant des abattements de 90 % sur les prix des terrains publics au nord, au sud les terrains sont cédés au dinar symbolique. Des conventions ont été signées avec les principales banques publiques pour aller à des délais de remboursement plus étalés où l'Etat supporte toute la différence du taux d'intérêt. Sur les 7% du taux d'intérêt appliqués par les banques publiques, le trésor supporte 4.5 %. Dans la plupart des cas, le Trésor paye la totalité des intérêts et l'operateur ne rembourse que le principal.

Que fait le gouvernement pour les agences de voyages du Sud se trouvent dans une situation alarmante en raison du contexte actuel ?

Nous avons reçu à plusieurs reprises l'association regroupant les agences de voyage du sud et on a discuté très franchement. Je leur ai dit que les agences de voyages ne doivent pas cibler uniquement le touriste étranger. Nous avons prévu d'organiser une manifestation pour les mettre en contact avec des clients potentiels nationaux tels les œuvres sociales des grandes administrations des secteurs de l'Education et de la santé. En outre, j'ai écrit au ministre des Finances pour les soulager des dettes fiscales et il a donné son accord de principe pour examiner tous les cas des agences endettées afin que les commissions de wilayas puissent effacer les pénalités de retard et faire un moratoire pour rééchelonner la dette principale. Mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'ils vont avoir encore, pour quelques temps, des difficultés à attirer les touristes étrangers.

Des tour-opérateurs européens se plaignent souvent de difficultés à obtenir des visas pour les touristes. La question a été soulevée lors de la visite du président français dernièrement?

Certains pays voisins n'exigent pas de visas et même pas de passeport pour les touristes. Mais l'Algérie comme la plupart des Etats du monde, applique le principe de réciprocité. Cela on n'y peut rien. Nous avons cependant intérêt à trouver des formules pour assouplir les modalités de délivrance de visas. Les Français ont fait des progrès au profit des ressortissants algériens, nous avons fait des progrès nous aussi. Nous tenons depuis quelques mois, des réunions avec les Affaires étrangères et l'Intérieur dans le cadre d'un comité intersectoriel pour trouver des solutions intermédiaires. Des assouplissements qui vont être apportées. Jusque-là, tout étranger qui veut venir en Algérie devait se présenter lui-même au niveau du consulat. Désormais le dossier de demande de visas peut être déposé par l'agence de voyage. Le ministère des Affaires étrangères a accepté de raccourcir les délais de délivrance des visas et d'allonger la durée des visas touristiques. Pour le sud, il y a des procédures particulières liées au contexte sécuritaire. Les services de sécurité au niveau local sont informés avant la délivrance des visas pour les touristes. L'agence de voyage est obligée de déposer la liste des touristes au niveau de la commission de wilayas qui l'envoie au ministère du Tourisme, lequel la transmet au ministère des AE avant d'arriver au consulat. Pour faciliter la procédure, nous avons dit que nous n'avons pas besoin au niveau de notre ministère de voir la liste des touristes. Nous souhaitons au contraire que la liste passe directement de la commission de wilaya au consulat. Pour le moment, les listes transitent par le ministère des AE mais nous avons gagné beaucoup de temps. Le problème reste posé et il y a encore des améliorations à faire.

Certains pays ont signé des accords de l'Open Sky avec leurs principaux partenaires pour faire baisser les prix des billets d'avion et augmenter les flux touristiques ? Pourquoi l'Algérie ne fait pas de même ?

Je milite pour adopter les formules qui favorisent la venue des charters où les prix sont imbattables. La stratégie du ministère des Transports n'est pas celle du tourisme, mais nous sommes entrain de travailler avec eux au sein du gouvernement. Pour le tourisme domestique, Air Algérie a fait de grands efforts avec des abattements allant jusqu'à 50 % sur les prix des billets. Mais cela reste insuffisant. C'est une bataille à gagner avec le ministère des Transports pour trouver des formules alternatives.

L'organisation d'évènement d'envergure internationale peut drainer des flux touristiques?

La priorité va au tourisme domestique. Pour le tourisme international, nous travaillons dans une première étape sur le tourisme d'affaires qui représente 20 % du tourisme mondial. Les évènements internationaux, les colloques et les manifestations culturelles, politiques et scientifiques ont un très grand potentiel. Toutes les études confirment que les personnes qui viennent dans le cadre du tourisme d'affaires, reviennent très souvent, dans le cadre du tourisme de loisir. C'est une très bonne piste pour faire un bon chiffre d'affaires dans le tourisme car il y a aujourd'hui dans les grandes villes d'importantes capacités d'accueil au niveau des 4 et 5 étoiles.

De l'avis des spécialistes du secteur, l'Etat algérien n'a pas mis suffisamment de moyens pour développer le tourisme. Etes-vous d'accord ?

(Silence) Si on fait une lecture stricte des chiffres, ils ont raison. Dans les programmes 2005/2009 et 2010/2014, le secteur du tourisme n'a obtenu que 0.2 % de l'enveloppe budgétaire globale de l'investissement. Mais le tourisme est une activité liée directement au développement des autres secteurs. Depuis 20 ans, le gouvernement a réglé des problèmes indispensables pour le développement du tourisme à l'exemple de l'eau, le réseau autoroutier, le rail et l'énergie. L'investissement dans le secteur du tourisme de par le monde est porté par le secteur privé. Chez-nous le gouvernement n'a pas réalisé des hôtels depuis la fin des années 70 mais il a dégagé une enveloppe de 70 milliards de dinars pour réhabiliter les 65 hôtels appartenant à l'Etat.

Avez-vous été approché par des enseignes internationales en vue de réaliser des investissements en Algérie ?

La chaine internationale Golden Tulip nous a adressé une demande de la part de son vice-président pour la région Méditerranée pour être reçu. Golden Tulip souhaite s'impliquer dans le management des hôtels réalisés et investir dans la réalisation de nouveaux hôtels. Cela nous intéresse parce que près de 50 % des hôtels en cours de réalisation en Algérie sont de gamme supérieure, de 3 étoiles et plus. Pour le management, on accuse un grand manque. Des écoles forment des cuisiniers, des agents de salle mais souvent les managers font défaut. Nous avons intérêtà ce que ces chaines internationales viennent en Algérie. Aujourd'hui Golden Tulip est associé dans des projets d'investissement à Skikda et dans le management de l'hôtel Sabri à Annaba. Des opérateurs nationaux ont été approchés par des chaines internationales pour le management. Et c'est une excellente chose.

Quels sont les objectifs fixés par votre département en matière de flux touristiques nationaux et étrangers, à moyen terme ?

Nous travaillons dans le cadre du schéma directeur d'aménagement touristique (SDAT), adopté en 2008 qui s'est fixé un objectif de 5 millions de touristes à l'horizon 2025 et un objectif intermédiaire de 2.5 millions de touristes en 2015. Aujourd'hui nous avons atteint cet objectif de 2,5 millions dont 1.5 millions de nationaux. En 2012 nous avons eu 1 million de touristes étrangers dont 250 000 touristes européens. Le nombre de touristes européens était à peine de 50 000, il y a 10 ans. En 1999 il y avait 78 000 étrangers venus en Algérie. Ce sont les statistiques officielles d'entrées aux frontières. 250000 touristes européens, c'est encore très faible mais à mon avis c'est un progrès important.