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LA LIBYE, L'ALGERIE, M'CHIRGUI? MEHRI

par K. Selim

Le chef du gouvernement libyen, M. Ali Zidane, a bien choisi ses mots en arrivant à Alger en parlant d'un désir de «gagner le cœur de l'Algérie». Personne ne peut oublier les invectives excessives des dirigeants libyens en gestation avec l'appui de l'Otan contre l'Algérie. Des invectives qui ont dépassé souvent la simple critique de la politique des gouvernants de ce pays pour s'en prendre aux Algériens eux-mêmes. Il faut dire que ces derniers sont passés d'une grande sympathie à l'égard de ceux qui contestaient Mouammar Kadhafi et son régime à une franche antipathie à leur égard après l'implication de l'Otan.

Le cas particulier de la Libye a d'ailleurs brouillé fortement l'image du «printemps arabe» et il est devenu, en Algérie, un véritable repoussoir. Les échanges hargneux qui ont eu lieu au cours des rencontres entre les équipes de football des deux pays portent fortement la marque de cette inimitié «nouvelle». Car, sur le fond, ceux qui ont de la mémoire n'oublient pas que la Libye a été une base arrière de la guerre de libération. La base de Tripoli a été un véritable carrefour pour le transfert des armes vers les combattants algériens. Ce lien profond a été illustré en octobre 2010 quand El Hadi Ibrahim M'chirgui a été enterré, comme il l'a souhaité, en terre algérienne. «Presque centenaire, ce Libyen ajoutera à sa légende de grand militant l'insigne singularité d'avoir fait de sa mort un message? Un homme est venu de loin nous rappeler, au cas où on l'aurait oublié, ce que nous fûmes et ce qu'est notre vocation», avions-nous écrit, ici même (Le Quotidien du 22 octobre 2010).

Feu Abdelhamid Mehri qui avait souhaité, avant même que l'intervention occidentale ait lieu, que l'Etat algérien signifie de manière franche à Kadhafi qu'il ne peut accepter qu'il tire sur la population, a lu tardivement le texte sur M'chirgui. Il a réagi en écrivant ces mots à l'auteur de ces lignes : «J'ai connu, personnellement, Hédi M'chirgui depuis 60 ans à Tunis. Homme d'affaires libyen, il militait pour l'indépendance de son pays dans les rangs du Congrès national de Bachir Saâdaoui. En relation, depuis 1946, ainsi que d'autres patriotes libyens réfugiés en Tunisie, avec des responsables du PPA, il a effectué des voyages en Algérie pour rendre visite à Messali Hadj en résidence surveillée à Bouzaréah. Il a entretenu, depuis cette époque, des relations avec les responsables de l'OS, notamment Ben Bella et Boudiaf. Durant toute la période de la lutte armée, il a apporté une aide désintéressée à la révolution algérienne. Son hôtel El Méhari, à Tripoli, était mis gracieusement à la disposition du CNRA durant toutes ses sessions. Sa dernière volonté d'être enterré en Algérie est une profession de foi dans l'avenir du Maghreb et une marque de fidélité remarquable. Elle prend une signification particulière au moment où certains commencent à perdre confiance en l'avenir». Toute parole devient superflue après la parole d'Abdelhamid Mehri.