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Des experts algériens craignent que le gaz de schiste ne fasse de l'ombre au soleil

par Hamid Belarbi

Une option affirmée vers l'exploitation du gaz de schiste laissera-t-elle encore une place sérieuse au développement des énergies renouvelables ? La question fait débat même si pour certains l'Etat algérien a définitivement tranché pour le gaz de schiste au détriment du soleil et des énergies vertes en général.

Le programme national de développement des énergies renouvelables a-t-il encore un avenir ? Oui, répondent les officiels qui défendent une démarche de diversification des sources d'énergies où cohabitent les hydrocarbures conventionnels et non-conventionnels ainsi que les énergies renouvelables notamment solaire. Les aménagements fiscaux prévus par la révision de la loi sur les hydrocarbures fait-on valoir ne visent pas à encourager les investissements uniquement dans le gaz de schiste. En dépit de ces assurances et de la promesse de mettre des «garde-fous» en matière de préservation de l'environnement, la question de la place des énergies renouvelables qui semblait «évidentes» se pose en raison de l'option du gaz de schiste et des investissements lourds qu'elle implique. La politique «volontariste» que l'Etat projetait d'appliquer dans le renouvelable, dont fait partie le projet Desertec, reste-t-elle de mise ? Salah Mouhoubi, politologue et économiste, se dit persuadé que la décision d'aller vers les gaz de schiste, prise par le gouvernement, l'a été «sous pression», à moins, ajoute-t-il, «que l'on nous cache des choses sur le niveau de nos réserves d'hydrocarbures». Pour lui, consacrer des investissements colossaux pour le gaz de schiste est inapproprié alors qu'il y a des gisements à exploiter dans le conventionnel. Il relève que l'exploitation du gaz de schiste ne fait pas l'objet d'un vrai débat. «Mis à part quelques cercles, il n'y a pas de débats autour de ce sujet et cela n'est pas normal». Pour lui, il est évident que l'Algérie doit nécessairement diversifier son économie et promouvoir les énergies renouvelables. Il craint surtout que cette stratégie fondée sur l'exploitation du gaz de schiste se fasse au détriment des énergies vertes.

DIFFICILE D'INVESTIR DANS LES DEUX DOMAINES

Au plan théorique, les hydrocarbures non conventionnels et l'économie verte sont deux secteurs différents et que l'un n'exclut pas l'autre. Dans la pratique, il est difficile d'engager de gros investissements dans deux secteurs dont l'exploitation est onéreuse. Le coût élevé des investissements dans le schiste est un des arguments mis en avant par de nombreux experts. AhcèneMoussi, en fait partie. Il souligne, entre autres, que les difficultés techniques et la durée, plus longue, du forage horizontal ou de la fracturation hydraulique expliquent le «coût élevé» du procédé utilisé dans l'extraction du schiste. «Un puits de gaz de schiste horizontal coûte entre huit à douze millions de dollars», révèle-t-il. Les partisans de l'exploration des «roches mères» de schiste en Algérie estiment, eux, que le coût est un «mal nécessaire», un «choix douloureux», pour faire face au déclin des réserves de gaz conventionnel.

DES COUACS A DESERTEC

Pendant ce temps, les débats sur Desertec, un projet qui concerne l'Algérie et toute la région maghrébine, se poursuivent, à la faveur de la conférence de Berlin, tenue la semaine dernière, et consacrée à ce méga projet. L'Algérie s'y fait représenter par le Pdg de Sonelgaz, Noureddine Boutarfa qui a parlé de la politique dans le domaine du renouvelable prônée par l'Algérie. Mais les nouvelles ne sont pas bonnes: les groupes industriels allemands, Bosch et Siemens, ont annoncé leur retrait de Desertec. Bosch a invoqué des difficultés économiques pour justifier cette défection, Siemens un recentrage d'activités. Interrogé sur ce sujet, Salah Mouhoubiestime que ce retrait n'est pas lié à des difficultés économiques mais au manque de volonté politique de la part du gouvernement allemand qui, à ses yeux, ne semble pas intéressé par ce projet. Selon lui, l'Algérie qui pourrait tirer profit de Desertec, perdrait énormément, en matière de renouvelable, si ce projet était mis en veilleuse.