
Le jeune public
qui s'est rendu dans la soirée du jeudi au théâtre de verdure a fait
connaissance avec une nouvelle sonorité musicale authentiquement algérienne :
le targui. Cette découverte on la doit à l'Office Communal de la Culture et à
l'ingéniosité de son responsable. En effet, la troupe de l'association « Sauver
l'Imzed » s'est produite devant un public, totalement étonné au départ, mais vite
charmé par le spectacle et la prestation musicale de la troupe venue des fins
fonds du sud algérien. Et pour cause, la troupe, composée de plus de vingt
artistes, disposée en demi-cercle mais occupant pratiquement tout l'espace de
la scène, a allié savamment musique, chant, danse et spectacle. Un vrai
patchwork que ce soit sur le plan des instruments de musique ou de
l'accoutrement des musiciens et artistes ou encore de la composition humaine de
la troupe. Ainsi, les notes de la guitare électrique ont donné la réplique à
l'Imzed, un instrument monocorde dont la datation exacte reste à déterminer. La
vedette du chant chaoui Hassan Dadi s'est relayé avec Bouziane, l'ex-vedette du
groupe kabyle Izoran et ont cédé le micro aux chanteurs targuis?. Le burnous des
hauts plateaux s'est frôlé sur scène avec la tunique majestueuse des Touareg.
Le public a eu droit à d'autres mélanges, comme celle des postures. La doyenne
de l'Imzed en tant que genre musical, une grande dame sortie directement d'une
carte postale, assise à même le sol, tenant son instrument entre les bras, a vu
des jeunes se donner à cœur à des danses locales, pendant que d'autres
évoluaient librement sur scène. Y compris sur le plan des langues, on a chanté
en targui, en chaoui, en arabe et même en français. Bref, la scène s'est
transformée, l'espace d'un spectacle, en un lieu d'expression artistique libre.
La composition musicale, très savante, le travail chorégraphique, les
enchaînements et la place accordée aux improvisations porte l'empreinte d'un
des grands musiciens de l'Algérie indépendante : Saffy Boutella.
Le spectacle, haut
en couleurs, qui aurait pu durer encore une heure ou deux sans ennuyer un
public pourtant novice, a mixé plusieurs styles musicaux, locaux et étrangers.
On a eu droit à des plages musicales de la guitare électrique dignes des
concerts rock. Dadi, grâce à sa voix envoûtante, n'a pas manqué de nous
emporter dans les hauts plateaux. Un autre, en usant lui aussi de sa voix, nous
a transposés dans l'immensité désertique. Après ces envols, un quatrième nous a
rappelé notre réalité de vivants dans un monde globalisé en enchaînant avec un
style relevant du rap. Mais durant le spectacle, le rappel de l'Imzed était
récurrent. Plusieurs morceaux ont débuté par des notes arrachées par des
vieilles femmes targuies à cet instrument chargé d'une histoire et d'une
culture ancestrale. D'ailleurs, la troupe, qui effectue une tournée à travers
le territoire national, se fixe comme objectif entre autres la sauvegarde de
cet instrument et de cette musique, en le faisant connaître au large public. «
Imzed, Imzed. Il faut sauver l'Imzed. Qui fait partie de notre patrimoine » ont
chanté en chœur les membres de cette troupe, avant de se retirer. Probablement
le message a été bien reçu par une partie du public qui n'a pas manqué
d'entonner longuement ces phrases. Ce concert spectacle a été le prélude au
coup d'envoi de la cinquième édition du festival de la chanson oranaise. Selon
nos informations, cette manifestation, programmée initialement pour le mois de
ramadhan, a été avancée par la directrice de la Culture pour cette semaine du
mois de juin. L'insistance de la directrice de la Culture de tenir « son
festival » durant cette période a créé un chevauchement par rapport au
programme spécial arrêté par la mairie d'Oran pour célébrer le cinquantième
anniversaire de l'indépendance où de grosses vedettes sont invitées comme les
Gypsis King, Khaled, Kadem Essaher? Les organisateurs, pour éviter tout
quiproquo, envisagent de déserter le théâtre de verdure pour le stade
municipal. Mais pour le moment on est encore au stade des éventualités. Ce qui
est certain, c'est que l'été oranais s'annonce en musique pour les deux
semaines à venir?