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Le Québec accueille chaque jour trois nouveaux informaticiens du Maghreb

par Abou Nabil

Sur les 10 000 Maghrébins qui arrivent chaque année au Qébec, 70% sont formés dans les TIC. Cela ne raccourcit pas pour autant la durée moyenne d'attente, 5 ans, pour entrer sur le marché du travail dans leur filière. Les professionnels se sont organisés en réseau. Il était temps de passer du réseautage numérique au réseautage des ressources pour devenir visible et mieux s'intégrer.

Si la réseautique n'a aucun secret pour les informaticiens formés dans les pays du Maghreb, leurs limites deviennent flagrantes quand il s'agit de réseautage professionnel (terme pour désigner un réseau de contacts). La différence de culture, proportionnelle au nombre de kilomètres séparant le Canada et le Maghreb, fait que tout ce qui risque d'être considéré comme relevant du passe-droit dans les pays d'origine devient naturel et pratiqué à grande échelle au pays de l'érable. C'est même une des conditions de la réussite professionnelle. Et de l'intégration pour ceux qui débarquent fraichement au Canada. A compétence égale, deux personnes n'auront pas les mêmes chances de trouver du travail. Celle qui réussit à former un réseau de contacts et de relations dans le milieu qu'elle cible aura plus de facilité à trouver un travail.

C'est ce constat dressé par les membres du Congrès maghrébin du Québec qui les a poussés à lancer un réseau dans les technologies de l'information. En 2009, quand le Québécois d'origine marocaine Mosef Derraji et son complice d'origine algérienne Lamine Foura ont lancé avec d'autres amis le Congrès maghrébin du Québec (CMQ), beaucoup ne donnaient pas cher de la peau de ce regroupement. Il est vrai que les organismes communautaires, à l'efficacité discutable, pullulent dans cette province francophone du Canada. Deux années après, voilà qu'ils donnent le coup d'envoi à un projet qu'ils avaient préparé avec un autre Marocain, Slimane Bah, qui est retourné au Maroc, depuis. C'est dire que le Québec fait face à un problème de rétention de ses immigrants. Car, parfois, les bonnes opportunités ne sont pas toujours au rendez-vous.

Cinq années d'attente avant de travailler avec son métier

Monsef Derraji, président du CMQ, estime qu'«un nouvel arrivant attend en moyenne 5 ans avant d'intégrer le marché du travail [en dehors des petits boulots, NDLR]. Notre réseau permettra à travers le mentorat de diminuer ce délai d'attente qui est préjudiciable et à la société d'accueil et à l'immigrant maghrébin». Une quinzaine de mentors ont pu être enregistrés le jour du lancement du réseau, mercredi dernier. Avec une moyenne de 10 ans d'expérience dans le domaine de l'informatique, ils vont accompagner des nouveaux arrivants. L'un des parrains de ce réseau, le Marocain Mohamed El Khayat, PDG et fondateur du fournisseur québécois de services et de produits informatiques, EBR, estime que sur les 10 000 Maghrébins qui arrivent au Québec chaque année «70 % sont formés dans les TIC». Selon les chiffres du ministère québécois de l'Immigration, chaque jour, le Québec accueille 3 nouveaux informaticiens originaires du Maghreb. Ce qui fait dire au PDG d'EBR et partenaire d'IBM que «Si l'immigration italienne dans la province est connue pour sa cuisine et la française par sa gastronomie, l'immigration maghrébine sera connue par les technologies de l'information». «Je demande aux Maghrébins de sortir de Côte-des-Neiges [quartier où se concentre une forte communauté multiethnique, NDLR] et d'investir le centre-ville de Montréal», a martelé ce partenaire d'IBM qui a profité de la soirée de lancement, en bon homme d'affaires, pour présenter le Cloud Computing d'IBM et proposé par sa compagnie.

Frédéric Castel, chercheur à la Chaire en immigration, ethnicité et citoyenneté à l'Universit du Québec à Montréal (UQAM) estime que «Les membres de la CMQ témoignent d'une réflexion interne profonde et complexe. On propose un message global exemplaire - un modèle à mon avis - où on prend à bras-le-corps toutes les problématiques entourant ce qui gêne l'insertion sociétale des Maghrébins et ce sans tomber dans la posture victimaire où l'on accuse sans se poser de questions sur soi-même.» Il conclut qu'«autant du point de vue de la forme que du fond le CMQ s'engage dans une stratégie intelligente, moderne et pertinente».