Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le lycéen d'Oran brûlé au deuxième degré: L'histoire d'une détresse

par K. Assia

Au lendemain de l'incident qui a ébranlé le lycée Souiyah El Houari sur l'avenue Chakib Arslane, à Oran, l'émotion est toujours à son comble. Parents d'élèves, lycéens et tout le personnel sont encore sous le choc, après que l'élève S. Mohamed, âgé de 19 ans, ait tenté, lundi, de mettre un terme à sa vie en s'immolant par le feu, à l'intérieur de son établissement. Hier, c'est au pavillon 2 des grands brûlés, au CHU d'Oran que nous avons rencontré son père, un agent de nettoiement à l'APC d'Oran. Ce père de huit enfants était entouré de tous les camarades de Mohamed qui sont venus s'enquérir de son état de santé. Abattu par ce qui venait de se passer, le père s'exprimait en larmes pour décrire le mal qui le ronge de l'intérieur. Mon fils a toujours été sage et n'a jamais eu d'histoires avec personne. « Je revenais du travail quand j'ai appris la mauvaise nouvelle », dit-il en larmes. « Le choc était tellement fort que je ne ressentais plus mes jambes. Rien ne pressentait que mon fils allait passer à l'acte. Il est vrai qu'il a tout entrepris pour qu'il réintègre son lycée après son échec au baccalauréat, au point de descendre à l'académie où il a rencontré un responsable mais n'a jamais montré une quelconque inquiétude», ajoute-t-il. Si le père ne voyait rien venir de la part de son fils, à l'exception de sa déception, ses anciens camarades de classe, au contraire, étaient au courant du malaise qui hantait Mohamed. Ce jeune issu d'une famille très pauvre rêvait d'une vie meilleure, il voulait décrocher son bac, au même titre que son frère aîné et rejoindre les bancs de l'université afin d'améliorer les conditions de vie de toute sa famille qui, malheureusement, vit dans une seule pièce, au fond du quartier populaire de « Kouchet El Djir ». Des conditions extrêmes que partageaient tous les proches de la victime. Mohamed travaillait chez un mandataire pendant les vacances et les jours fériés pour aider son père et sa sœur, un bébé en mauvaise santé. Il a été garde malade pendant des mois lorsque sa petite sœur a été hospitalisée pour des problèmes de vue, ajoute un proche. A la pression quotidienne s'ajoutaient le manque d'argent et le besoin de réussir pour mieux vivre. Des facteurs qui auraient poussé ce jeune à l'extrême, voire à tenter l'irréparable expliquent ses camarades qui sont venus en force le consoler et lui exprimer leur soutien. Dans la chambre où est gardé en observation le jeune Mohamed, l'équipe médicale était à son chevet pour suivre de près l'amélioration de son état de santé. Mohamed a été atteint au dos et aux membres supérieurs et ses blessures sont du 2ème degré, ce qui explique qu'il a au moins un mois devant lui pour se rétablir. En l'approchant il parlait à peine, mais on avait compris que son geste a été un signe de désespoir, car les professeurs avaient refusé sa demande de recours, au même titre que ses15 autres camarades. Du côté des lycéens, justice doit être faite, alors que pour le père de famille, le rétablissement de son fils est son seul souhait. Certains représentants de la direction de l'Education se sont déplacés sur les lieux, apprend-on. Rappelons que S. Mohamed avait escaladé le mur du lycée, lundi à 10h. Se plaçant face à la salle des professeurs, il s'est aspergé d'essence avant d'allumer le feu à l'aide d'un briquet.

Un acte qui a plongé les autres élèves dans la consternation car nombreux d'entre eux se sont évanouis. Ce geste n'a pas été sans conséquences car il a déchaîné les lycéens qui se sont vite révoltés en cassant vitres, chaises et autres mobiliers. Fort heureusement, l'intervention des policiers a permis d'éviter le pire. Hier, au lycée Souiyah El Houari, les cours n'avaient pas repris.