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La loi de finances 2012: Le dérapage des dépenses de fonctionnement de l'Etat entériné

par Yazid Taleb

Le projet loi de finances 2012 présente deux caractéristiques principales. La première est la réduction pour la première fois depuis de très nombreuses années du niveau des dépenses de l'Etat. La seconde est constituée par l'accentuation du déséquilibre entre des dépenses d'équipement en chute sensible et des dépenses de fonctionnement qui continuent d'augmenter et représentent désormais près de 60% des dépenses de l'Etat.

La note de présentation du projet de loi qui émane du ministère des Finances insiste sur la réduction des dépenses contenue dans la mouture 2012. Les dépenses de l'Etat devraient s'élever l'année prochaine à un peu plus de 7400 milliards de dinars. C'est en effet une diminution de 10% par rapport au 8200 milliards de dinars de la LFC 2011. Il faut noter néanmoins que cela reste une augmentation sensible par rapport aux 6600 milliards du projet de loi de finances initiale pour 2011.Cette réduction des dépenses s'inscrit selon les rédacteurs du projet de loi dans une perspective plus large qui vise à assurer la «soutenabilité à moyen terme» des finances publiques. En termes clairs, il s'agit de ramener d'ici 2014-2015 les dépenses de l'Etat à un niveau plus compatible avec ses recettes.

Pour justifier cet effort de rigueur budgétaire, la note de présentation mentionne «une conjoncture économique mondiale en 2011 globalement caractérisée par une situation financière chaotique avec la crise de l'endettement public dans les pays de la zone euro, la hausse du chômage, l'instabilité des marchés des matières premières, sur fond de fluctuation des cours du pétrole et la difficile lisibilité du marché des changes».

Bien que le ministère des Finances s'empresse de préciser que «les fondamentaux de l'économie nationale ne sont pas, pour l'instant, affectés ni par la crise de la dette souveraine qui frappe l'Europe et les Etats-Unis, ni par la dégradation de la note de la dette de long terme» il relève que des craintes pourraient provenir «de l'effet de la récession qui pourrait rattraper les économies européenne et américaine, et de son impact sur la croissance mondiale et les cours du marché pétrolier».

Sabrage dans les dépenses d'équipement

Pour l'heure, la rationalisation des dépenses évoquée par les services de M.Karim Djoudi va se traduire en priorité par un sabrage des dépenses d'équipement de l'Etat. Leur montant total, légèrement supérieur à 2.800 milliards de DA, est en baisse de près de 30% par rapport à la dotation de 2011. Les principaux bénéficiaires des crédits de paiement sont ,dans l'ordre, les secteurs des infrastructures économiques et administratives (47%), de l'agriculture et de l'hydraulique (14%), du soutien à l'habitat (14%), de l'éducation et de la formation (6%), et des infrastructures socioculturelles (4%).Cette évolution qui a de fortes chances de se poursuivre au cours des prochaines années augure donc d'un ralentissement sensible du rythme de programmation et de réalisation des programmes d'investissement publics.

Des dépenses de fonctionnement «incompressibles»

La maîtrise des dépenses n'est en revanche pas au rendez vous en ce qui concerne des dépenses de fonctionnement qui sont explicitement présentées comme «incompressibles» par l'exposé des motifs de la loi de finances 2012. Elles augmentent de 7,4% comparativement à la LFC 2011 et de 10,3% en y incluant les incidences financières de l'application des régimes indemnitaires et des statuts particuliers. D'un montant total supérieur à 4600 milliards de dinars, les dépenses de fonctionnement vont ainsi prendre en charge l'évolution des dépenses liées aux rémunérations des personnels des administrations centrales et de leurs services déconcentrés, dont la dotation va passer de 1.392 milliards de DA en 2011 à 1.664 milliards de DA en 2012, afin de couvrir notamment "l'incidence financière de l'application des régimes indemnitaires et des statuts particuliers». En outre, une dotation de 500 milliards de DA (contre 455 milliards de DA en 2011) est aussi prévue au titre de l'intervention économique de l'Etat, du fait "de l'effet combiné d'une contraction de la subvention au titre du soutien des prix" et "l'accroissement des dotations aux EPIC relevant principalement des secteurs de l'eau, des transports, de la communication, de l'intérieur et des collectivités locales et de la jeunesse et des sports", ajoute-t-on. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit, par ailleurs, une provision de 237 milliards de DA destinés à couvrir "des dépenses liées aux régimes indemnitaires et statuts particuliers non encore finalisés". Au total c'est le document élaboré par le ministère des Finances lui-même qui signale que "les dotations allouées au budget de fonctionnement ont doublé entre 2008 (2.363,2 milliards de DA pour la LFC 2008) et 2012 (4.608,3 milliards de DA pour le projet de loi de finances 2012)". Pour faire bonne mesure, il signale également que "les dépenses courantes ne seront couvertes par la fiscalité non pétrolière qu'à hauteur de 41% en 2012 contre 60% en 2009".