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Le clan Sarkozy menacé par l'affaire Karachi : Panique à l'Elysée

par Salem Ferdi

Les affaires éclatent l'une après l'autre dans ce qu'un journal suisse appelle la «République des coups tordus». Dans l'une d'elles, l'affaire Karachi, c'est le président français Nicholas Sarkozy qui est dans la ligne de mire. Les signes de nervosité voire de panique se multiplient au palais de l'Elysée.

L'affaire Karachi, c'est une histoire de commissions et de rétro-commissions avec à la clé un attentat-représailles en 2002 qui fait 14 morts dont 11 français travaillant à l'assemblage de trois sous-marins au Pakistan. Désormais, c'est bien un Karachi-gate français avec de jour en jour de nouvelles révélations qui projettent le clan Sarkozy dans la tourmente. La justice s'attelle à reconstituer un circuit de corruption présumé ayant accompagné la vente de submersibles au Pakistan et qui étaient montés à Karachi. Outre les classiques commissions versées à des décideurs pakistanais et qui étaient légales pour obtenir des marchés, un système de «rétro-commissions» a été également mis en place pour des politiciens français. Ce qui confère une dimension tragique à l'affaire Karachi est qu'il y a eu mort d'hommes. Jacques Chirac, élu en 1995, a décidé de bloquer le versement des commissions. Il soupçonnait, pour de bonnes raisons, un dispositif de financement occulte de la campagne de son adversaire Balladur dont Nicolas Sarkozy était ministre du Budget et porte-parole. L'attentat aurait été une riposte sanglante à l'arrêt des versements des commissions.

Al Qaïda comme paravent

Pourtant pendant longtemps, les juges «antiterroristes», Jean-Louis Bruguière et Jean-François Ricard, privilégieront la thèse d'un attentat d'Al Qaïda. Comme s'il s'agissait de créer un barrage de protection pour le pouvoir français. L'ex juge Bruguière devenu homme politique (à droite comme il se doit) persistait en 2010, malgré l'accumulation d'éléments qui ont poussé les familles à déposer plainte, à désigner des «terroristes appartenant au deuxième cercle de la nébuleuse d'Oussama ben Laden». Contre les faits. Dès 2007, les juges qui avaient repris l'affaire, en l'occurrence Marc Trévidic et Yves Jannier, doutaient clairement de la thèse d'Al Qaïda. En 2009, ces magistrats déclarent aux familles que la piste politico-financière est « cruellement logique ». Edouard Balladur dément tandis que Nicolas Sarkozy qualifie cette version de «grotesque». Depuis 2010, l'instruction est confiée au juge Renaud Van Ruymbeke à la suite d'une nouvelle plainte des familles des victimes. Le juge est entrain de semer l'effroi au sein du clan de Sarkozy. Les événements s'accélèrent depuis l'inculpation de l'intermédiaire franco-libanais, Ziad Takieddine. Une série de documents appuyant des articles à la tonalité incisive de Mediapart ont levé le voile sur un homme-clé pour les opérations occultes du groupe Sarkozy. De plus, pour ajouter une touche bien parisienne de vaudeville, milliardaire ou non, Takieddine a été trop pingre à l'égard de son ex-épouse, Nicola Johnson, divorcée en 2009 après 30 ans de vie commune. Mal lui en a pris, Nicola Johnson s'est mis à table sur le volet financier de l'affaire Karachi et elle fait s'emballer l'affaire.

Des proches de Sarkozy mis en examen

Un proche de Sarkozy, un «intime» qui a été son témoin lors de son mariage avec Carla Bruni, Nicolas Bazire, 54 ans, a été mis en examen jeudi dans le cadre de cette enquête. Bazire dirigeant de la multinationale du luxe LVMH était le directeur de campagne d'Edouard Balladur en 1994. La veille, un autre membre de la même garde rapprochée, Thierry Gaubert, ami de trente ans et directeur adjoint du cabinet de Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier était ministre du budget, a également été inculpé. Il devait s'expliquer sur les liens avec l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine, l'homme par qui passaient les rétro-commissions versées à Balladur et ses amis. Non seulement, Thierry Gaubert est interrogé sur son rôle dans ces affaires mais il est aussi soupçonné d'avoir essayé d'influencer le témoignage de son épouse. Cela est apparu au grand jour à la suite d'un appel téléphonique, digne d'un film policier, de Brice Hortefeux, ex-ministre et actuellement conseiller de Sarkozy, à Gaubert dont la ligne était sous surveillance. Hortefeux déplorait que l'épouse de Gaubert, avait « balancé beaucoup » lors d'une première audition chez les policiers, le 8 septembre. Des écoutes téléphoniques ordonnées par le juge Renaud Van Ruymbeke, révélées par Le Monde, montrent Brice Hortefeux s'exprimant dans un langage très coloré, pour l'informer que son épouse faisait preuve d'une trop grande loquacité. En instance de séparation avec Gaubert, l'épouse trop bavarde, la princesse Hélène de Yougoslavie, a raconté par le menu aux enquêteurs les voyages suisses de son époux pour rapatrier des fonds en liquide qu'il remettait dans des mallettes à Nicolas Bazire, directeur de la campagne de M.Balladur. L'appel montre que M. Hortefeux a eu un accès illégal au dossier du juge. Hortefeux récidive le 20 septembre en appelant Gaubert alors qu'il est en garde à vue.

Violation du secret de l'instruction

Alors que les éléments à charge s'accumulent et que les proches de Sarkozy multiplient les gaffes et les signes d'affolement, l'Elysée a publié un communiqué dénonçant une manipulation politicienne. Dans le communiqué, l'Elysée affirme que le «nom du chef de l'Etat n'apparaît dans aucun des éléments du dossier», «n'a été cité par aucun témoin ou acteur de ce dossier?». C'est le détail de trop. Des syndicats de magistrats y ont vu la démonstration que la présidence française est informée dans le détail de la procédure en cours en dépit des dispositions légales qui protègent le secret de l'instruction. «C'est clairement une violation du secret de l'instruction», a déclaré Le président de l'Union syndicale des magistrats (syndicat majoritaire), Christophe Regnard. «C'est assez incroyable que l'Elysée reconnaisse aussi benoîtement qu'il a eu accès à des pièces. On sait que les informations remontent. Mais d'habitude cela demeurait caché. Objectivement, ça sent la panique à bord».

Tous dans la m?.

L'affaire Karachi à quelques mois d'élections présidentielles que Nicolas Sarkozy n'affronte pas en position de favori risque d'emporter une partie de l'Etat-major du parti présidentiel. Une conversation téléphonique de la fille de Thierry Gaubert interceptée le 19 juillet dernier par la police et reproduite par la presse française résume de manière, plutôt gauloise, l'état d'esprit de certains membres du premier cercle de Nicoals Sarkozy : «?Copé est trop dans la merde. Hortefeux est trop dans la merde. Et si euh... Sarko ne... ne passe pas au deuxième tour, euh... lui aussi est (inaudible) dans la merde et personne ne l'aide. Il a dit... Mon père, il a dit à ma mère : personne m'aidera. Parce que tout le monde est dans la merde (...). Sarko, il veut même pas l'aider. Enfin là, ça va encore, mais si... si Sarko il Passe Pas En 2012 Euh..., Vraiment, Ils Sont Tous Dans La Merde.». Un Vent De Panique Souffle Sur La Sarkozie.