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Une manœuvre royale cousue de fil blanc

par Kharroubi Habib

Le lourd contentieux créé, du point de vue du Front Polisario et des amis du peuple sahraoui, par la féroce répression qu'exerce le Makhzen marocain sur la population d'El-Ayoun et les militants des droits de l'homme n'augurait nullement la possibilité d'une quatrième réunion informelle entre le premier cité et les représentants de Rabat.

La réunion aura pourtant lieu du 16 au 18 décembre, ainsi que l'a annoncé vendredi le porte-parole du secrétaire général des Nations unies. En se rendant à Manhasset (New-York), lieu de la rencontre, le Front Polisario manifeste sa bonne volonté de ne pas entraver la recherche d'une solution pacifique au conflit sahraoui. Il déjoue, ce faisant, le piège de la chaise vide auquel les autorités marocaines ont voulu l'acculer en déclenchant une répression sanglante à grande échelle à El-Ayoune et d'autres localités en territoire sahraoui occupé contre les militants des droits de l'homme et la population civile.

Cette opération a finalement tourné à la confusion de ceux qui l'ont ordonnée, le Trône et le Makhzen, qui sont mis au ban des accusés par la communauté internationale, indignée par la tuerie qui en a résulté.

Dans ce contexte, le plan de large autonomie que les négociateurs marocains voudront encore une fois mettre sur la table des négociations subira une fin de non-recevoir de la part du Polisario encore plus catégoriquement tranchée. Car pour lui, la question concernant ce plan a trouvé sa réponse avec «l'intifada» populaire qui a éclaté en territoire sahraoui occupé. Laquelle a fait apparaître sans appel le refus de la population sahraouie de toute solution au conflit avec le Maroc que celle de son indépendance exprimée par un référendum d'autodétermination organisé sous l'égide des Nations unies. Cette évidence, la propagande du Royaume s'est échinée à la nier, en lui substituant la fiction d'une population sahraouie attachée à sa «marocanité» et fidèle au Trône. Les évènements d'El-Ayoun ont démontré la fausseté et l'inanité d'une telle présentation.

L'on peut par conséquent avancer sans risque de se tromper que la quatrième réunion informelle de Manhasset entre le Polisario et le Maroc ne contribuera en rien à la sortie de l'impasse dans laquelle sont leurs négociations. Les Marocains, qui se savent être les responsables de cette impasse par leur entêtement à vouloir faire prévaloir leur plan d'autonomie sur celui des Nations unies qu'accepte le Polisario, ont déjà anticipé l'échec de ce quatrième round en mettant celui-ci sur le compte «d'un plan hostile des ennemis de l'intégrité territoriale du Royaume»'. Ces ennemis auxquels fait référence la propagande marocaine sont bien entendu le Front Polisario et l'Algérie, auxquels s'ajoute maintenant l'Espagne, dont le Parlement a récemment dénoncé la répression à l'œuvre au Sahara Occidental. Une initiative dont le trône a cerné le caractère contre-productif pour la thèse du Royaume sur le Sahara Occidental. Qu'il cherche à contrecarrer par la diversion consistant à remettre au goût du jour les dossiers des enclaves de Ceuta et Melilla.

Mohammed VI et le Makhzen veulent en somme effacer l'image de pays colonisateur qui colle au Maroc dans l'opinion internationale en lui substituant celle de l'Etat marocain victime de la spoliation colonialiste d'une partie de son territoire par «l'Espagne donneuse de leçons».

Rabat a absolument raison au plan du principe sur sa revendication du retour de Ceuta et Melilla dans le giron de la mère partie, le Maroc. Elle ne pourra pour autant faire taire celle des Sahraouis à l'indépendance de leur territoire. La manœuvre royale est de ce fait cousue de fil blanc. Personne n'est dupe de la soudaine sollicitude royale à l'égard des «fidèles sujets» de Ceuta et Melilla, «opprimés et réprimés» par l'occupant espagnol.