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Election presidentielle au Brésil: Lula parraine la «dame de fer» de la gauche

par Notre Correspondant A Buenos Aires: Mohammed Benamar

200 millions de Brésiliens se préparent à vivre, le 03 octobre prochain, des élections présidentielles marquées par l´héritage socio-économique exceptionnel accumulé au cours de deux mandats par le président sortant Luiz Inacio «Lula» da Silva. Sans hésitation celui-ci a désigné comme candidate à la succession une femme, Dilma Rousseff, une militante de gauche sortie des rangs de la guerilla qui avait combattu la dictature militaire dans les années 60 et 70.

 Au cours de ses deux mandats Lula eut tout loisir d´observer et de tester les capacités de son entourage politique issu d´une coalition de partis qui ont contribué à la stabilité du pays, à son développement socio-économique ainsi qu´à son prestige sur le plan international. Bien entendu le principal moteur reste le Parti des Travailleurs (P.T.) qui avait balisé le parcours de Lula da Silva resté fidèle à ses origines d´ouvrier métallurgiste et de leader syndical. Par delà ses alliés naturels Lula sera plébiscité par la grande majorité de la société brésilienne avec tout ce qu´elle compte de décideurs économiques. Au terme de sa carrière présidentielle, il est crédité d´environ 80% d´avis favorables. Nombreux sont les Brésiliens qui auraient souhaité un troisième mandat de Lula. Mais la constitution ne le permet pas. Le chef de l´Etat sortant a préféré respecter cette limitation constitutionnelle et mettre son énergie à la préparation de sa succession. Une gestion sans faute au sein du gouvernement permit à Dilma Rousseff d´apparaître comme une alternative fiable à la tête de l´Etat fédéral. Cette option semble avoir la faveur de la majorité des Brésiliens. En effet selon tous les instituts de sondage, très qualifiés, la candidate Dilma Rousseff du PT pourrait être élue dès le premier tour le 03 octobre prochain face principalement à deux candidats de poids: José Serra, l´ex-gouverneur de l´Etat de Sao Paulo, du PSDB (Parti socio-démocrate brésilien) et Marina Silva, une écologiste du Parti des Verts.

 Qui est Dilma Rousseff? Née le 14 décembre 1947 à Belo Horizonte, elle est la fille de Pedro Rousseff, un avocat communiste bulgare qui avait émigré d´abord en France en1929 avant de s´installer en Argentine, puis finalement au Brésil où il épouse une enseignante, Dilma Koimbia Silva. De cette union naîtra celle qui accapare toutes les attentions en cette période électorale. Dès sa prime jeunesse elle eut entre les mains des livres de Zola, Dostoievsky... grâce à son pére - des lectures qui lui font prendre conscience du monde des plus défavorisés. Le coup d´Etat militaire de 1964 la surprend au cours de ses études. Elle avait à peine 16 ans lorsqu´elle commence à militer au sein de «l´Avant-garde armée révolutionnaire PAMARES» qui l´oblige à passer à la clandestinité et à quitter son premier mari? Arrétée en 1970 elle subit des tortures, ses tortionnaires l´ayant surnommée la « Jeanne d´Arc de la guerilla». Elle passera trois années en prison avant d´être libérée en 1973.

 Tournant le dos à ses années de plomb, Dilma reprend ses études d´économie. Avec son second mari Carlos Araujo, elle contribue á la fondation du «Partido democratico laborista». Au retour de la démocratie en 1985, elle fit ses premiers pas politiques comme secrétaire de l´ Economie de la municipalité de Porto Alegre. Sans avoir appartenu au cercle fondateur du Parti des Travailleurs, elle attire l´attention par sa gestion à la tête du secrétariat provincial des Mines et de l´Energie. Ses sensibilités sociales la rapprochent de Lula qui voit en elle une héritière idéale. En janvier 2003, il lui confie le ministère fédéral de l´Energie, avant de la propulser au poste de chef de cabinet civil, une sorte de Premier ministre qui ne dit pas son nom en charge de la coordination des activités ministérielles. En avril 2009 une nouvelle, révélée sans détours, émeut le pays: Dilma souffre d´un cancer lymphatique qu´on réussit à neutraliser par chimiothérapie.

 N´ayant jamais occupé un poste électif, relativement peu connue du grand public, Dilma Rousseff se soumet à un processus dicté par les exigences de la médiatisation et élaboré par des conseillers soucieux de «vendre» son image à l´électorat. Le Brésil reste un pays où l´audio-visuel, notamment la télévision, joue un grand rôle de dissémination. Dilma accepte la règle du jeu en confiant tout d´abord son visage à un chirurgien esthétique qui lui permit d´obtenir un rajeunissement facial bien accueilli par les medias. Abandonnant de sévères lunettes traditionnelles au profit de lentilles de contact tout en optant pour une coiffure dans le vent, elle fait sensation lors de ses apparitions publiques. Ses discours, ses analyses très lucides font le reste car, petit à petit, elle finit, selon les sondages, à convaincre un électorat qui souhaiterait la continuité de la politique de Lula da Silva qui a, non seulement conquis les coeurs des plus démunis mais également la sympathie de la classe moyenne et le respect du monde des entrepreneurs. Les derniers sondages effectués par l´institut «Vox populi» révèlent que Dilma Rousseff atteint 51% de points favorables alors que son principal adversaire José Serra du PSDB n´obtient que 25%. En troisième position se maintient avec 9% Marina Silva du Parti des Verts, celle-ci étant en réalité une transfuge du PT. Même dans l´Etat de Sao Paulo, gouverné récemment par Serra et bastion traditionnel des socio - démocrates, la candidate du PT dépasse de 8% son rival immédiat. Sur le plan national Dilma pourrait obtenir plus de 60 millions de voix, dépassant ainsi le score de Lula, lors de sa réélection en 2006.C´est dire qu´elle a réussi à bénéficier des 80% d´indice de popularité de l´actuel chef d´Etat. Participant à la campagne électorale malgré le devoir de réserve pour son investiture, Lula a rappelé les mesures prises par son gouvernement en faveur des plus déshérités telles que l´augmentation substantielle du salaire minimum, l´amélioration du quotidien de millions de Brésiliens arrachés à l´extrême pauvreté, les programmes sociaux comme la «bolsa de familia», une sorte de couffin de la ménagère, distribuée aux plus nécessiteux...

 Que proposent les candidats à l´électorat ? La démarche de Dilma Rousseff s´inscrit tout naturellement dans la continuité de son mentor dont le gouvernement a réussi à contrôler l´inflation tout en valorisant la monnaie nationale.. Elle est partisane d´un Etat fort dans les domaines du pétrole, de l´énergie en général, et dans le secteur bancaire tout en encourageant les initiatives privées sur ces terrains stratégiques. Elle souhaite un superavit budgétaqire de 3,3% du produit intérieur brut afin de réduire la dette publique à 30% de celui-ci pour l´horizon 2014.Dans cette perspective, elle est favorable à une réforme des impôts et des taxes pour mieux financer tout déficit. Par ailleurs elle compte poursuivre la politique d´intégration régionale initiée par Lula, promouvoir une plus grande présence des pays en développement dans les institutions internationales et obtenir un plus grand rôle du Brésil dans le Conseil de sécurité des Nations unies.

 L´approche de José Serra est très similaire par son contenu socio-démocrate. Ses expériences de gestionnaire gouvernemental n´ont pas réussi à porter ombrage à l´irrésistible ascension de Dilma Rousseff, celle qui est surnommée par la presse locale « la Dame de fer» de la gauche brésilienne pour la rigueur et la clairvoyance dans ses contributions aux objectifs atteints par Lula. Rendez-vous au soir du 03 octobre.