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à propos des agences de notation

par Akram Belkaid, Paris

Coupables ou simples boucs émissaires ? Depuis plusieurs jours, de nombreuses personnalités politiques du Vieux Continent accusent les agences de notation d’avoir semé la panique sur les marchés en dégradant la note de la Grèce -sans tenir compte du plan de sauvetage européen- puis celles du Portugal et de l’Espagne. Des responsables, de droite comme de gauche, réclament même une plus forte régulation alors qu’un texte d’encadrement de ces organismes a été adopté par l’Europe, à la mi-septembre 2009.

Des émetteurs d’avis

Quand on évoque les agences de notation, il est utile de bien clarifier le rôle de ces acteurs incontournables sur le marché de la dette. Qu’il s’agisse de Standard & Poor’s (S&P), de Moody’s ou de Fitch Ratings, une agence émet un avis -ou une opinion- sur la capacité d’un emprunteur, qu’il s’agisse d’un Etat, d’une entreprise ou d’une collectivité locale, à rembourser sa dette. Cette notation, dont le plus haut niveau est le fameux triple A (AAA), ne se décide pas à l’emporte-pièce. Contrairement à une idée reçue, c’est l’entité qui émet de la dette (créance ou obligation) qui demande à être notée. Plus important encore, elle paie l’agence pour cela. Prétendre donc qu’un pays a gagné en influence parce qu’il est noté par une agence est une bêtise car c’est ce pays qui sollicite et paye sa notation. De même, se lamenter sur le fait que l’Algérie n’est pas notée par telle ou telle agence et en faire un élément supplémentaire pour déplorer l’état d’arriération de l’économie algérienne est un faux argument. Si elle le souhaite, l’Algérie peut être notée par l’une des trois agences. Il lui suffit juste d’ouvrir son porte-monnaie.

 Dès lors, apparaît l’une des contradictions majeures des agences de notation, puisque ces dernières jugent finalement la capacité de remboursement de leurs propres clients. Le risque de conflit d’intérêt est évident et certains acteurs de poids ne se privent pas de faire pression sur elles. A l’inverse, un (petit) pays comme la Grèce n’a aucun levier d’autant que la notation d’une agence est nécessaire dès lors que l’on émet de la dette sur les marchés financiers (c’est cette notation qui détermine les taux d’intérêts exigés). Par ailleurs, il arrive parfois qu’un émetteur décide de ne plus être noté mais cela reste très rare car l’agence de notation le fait immédiatement savoir et l’effet sur les marchés peut être catastrophique (les taux d’intérêts exigés augmentent).

 Pour autant, le véritable problème de ces agences n’est pas la relation avec leur client. C’est surtout leur transparence qui pose problème. En effet, on ne connaît pas de manière parfaite, le processus qu’elles suivent, non pas seulement pour noter un Etat (ou une entreprise) mais surtout comment et quand elles décident de dégrader sa note. C’est d’autant plus regrettable qu’une telle décision a de grosses conséquences pour le financement de l’émetteur lequel, comme le montre l’exemple grec, devra par la suite emprunter à des taux plus élevés. Pour se défendre, les agences de notation expliquent qu’elles ont des procédures strictes et que leurs décisions sont toujours prises par un Comité de notation. Ces explications ne sont pas totalement convaincantes d’autant que ces organismes ont déjà été épinglés par le passé, pour avoir attribué des notes élevées à des entreprises (Enron) ou des titres (les fameuses subprimes) qui se sont avérés, par la suite, absolument pas solvables.

Une régulation impossible ?

Mais le problème de la surveillance des agences de notation est compliqué car il est difficile de leur imposer une régulation plus stricte. En effet, ces dernières ne font qu’émettre une opinion et ne peuvent être attaquées pour cela. Aux Etats-Unis, cette opinion est même protégée par le premier amendement de la Constitution ! L’idée d’une agence de notation publique n’est pas non plus la solution car comment être sûr que cette dernière sera imperméable aux pressions politiques. Un organisme multilatéral pourrait bien se charger des notations mais cette piste paraît totalement improbable. Bref, malgré les critiques actuelles, les agences de notation ont encore de beaux jours devant elles.