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Après moi le litige!

par El-Houari Dilmi

Parce que toute sa vie durant, Chalachou a, de tout et de tous, usé, abusé, (dés) abusé, taxé, (re) taxé, ponctionné, embobiné, embobeliné, embaboutiné, emberlificoté?, il décida, avant le grand départ pour le monde des Allongés, de léguer au monde des Debout (s), laissé derrière son dos arqué, un message crypto testamentaire, peu accessible à l'esprit trop carré des bipèdes. Quelques instants infinis avant sa mise en bière, dans le jardin caché de sa (dernière) demeure trop cousue, Chalachou, voulut battre publiquement sa coulpe, en reconnaissant, dans un fou rire agonisant, que si l'argent n'a jamais fait le bonheur de personne, alors pourquoi lui, l'ultra-argenté, il ne l'a jamais rendu à ceux qu'il a, toute sa vie durant, volé sans jamais compter? Acte fondateur de tout pouvoir dit «positif», pour Chalachou, après l'argent, il y le flouze, puis l'oseille, vient juste après de l'argent encore, puis encore le pognon et ensuite le blé, la galette fraîche, puis encore et toujours la thune et enfin le trésor? Parce qu'après l'argent, il y a la mort, le néant au-delà, puis plus rien du tout. A l'article non écrit de la faucheuse, Chalachou se regarda, pour la dernière fois de sa vie, dans un miroir en or massif pour déclamer d'une voix d'orfraie que beaucoup de blé nuit au blé. Un peu comme celui qui clamse d'une overdose? de bonheur après une vie délavée de grand malheur?

Alors en quittant son monde à lui, Chalachou se souvint que celui qui a de l'argent met dans ses deux poches, celles de devant et celles de derrière, tous ceux qui n'en ont pas. Démarrant de ce vrai faux postulat, Chalachou, avant de passer, avec un sourire mi-jaune mi-blasé, vers l'autre monde, se rendit compte que l'argent, c'est bien tout ce qui lui reste lorsqu'il aura tout perdu.

Il décida alors de léguer un message écrit sur du papier précieux à tous ses congénères du douar qui passeront toute leur vie en noir et blanc, à essayer de le décoder sans jamais arriver à déflorer le sens réel de la lettre cabalistique de Chalachou. Et Chalachou écrivît: «Moi Chalachou, en picorant toute ma vie dans la main calleuse des sans-le-sou, je compris pourquoi mes terres aussi vastes que mon appétence monstrueuse, ne donnèrent jamais du bon blé et brûlèrent toutes, écrasées sous les pas trop lourds de vos vies de loosers enguenillés. C'est pourquoi avant de fermer les yeux à jamais, j'ai décidé de cacher dans mon estomac sans fond, tout votre pain noir avant de vous crever vos yeux avec ma baguette en blé empoisonné. Parce que de ma mort à moi Chalachou, naîtra un litige sans fin, ensuite adviendra le grand déluge qui vous noiera tous dans la paume creuse de vos mains trop souillées pour prétendre à un traître sou?»