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Violence contre les femmes: Médecine légale, statistiques et droit pénal

par J. Boukraâ

Sous le signe «la lutte contre les violences faites aux femmes, une question des droits humains de la personne» et l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la femme, l'association «FARD», femmes algériennes revendiquant leurs droits a organisé, jeudi, une table ronde. Cette rencontre, qui a eu pour cadre le siège de l'association, a été animée par le docteur Boumeslout Salim, du service de médecine médico-légale du centre hospitalo-universitaire d'Oran, et Maîtres Chakour Mohamed et Benahmed Tata, qui ont abordé les approches de la médecine légale et du droit pénal. La présidente de l'Association FARD, Mme Fatma Boufenik, avait indiqué la semaine dernière à l'occasion de la célébration de la Journée de la femme, que pas moins de 621 femmes ont été victimes de violence en 2009 dans la wilaya d'Oran et recensées par le service de médecine légale du CHUO. «80 % des cas de violence sont d'ordre conjugal. Ils affectent des femmes de 18 à 78 ans», a-t-elle souligné. «La violence touche toutes les catégories socioprofessionnelles, de la femme au foyer aux femmes médecins, journalistes, enseignantes, y compris des mineures», a-t-elle regretté.

 Le directeur de l'Action sociale de la wilaya d'Oran avait indiqué dernièrement que sur la base d'un recensement, l'année écoulée, 900 femmes ont été victimes de violences au niveau de la wilaya. Le service de médecine légale du centre hospitalo-universitaire d'Oran reçoit, chaque mois, entre 50 et 60 femmes victimes de violence domestique qui viennent se faire délivrer des certificats médicaux.          La moitié des lésions constatées sont des ecchymoses, mais il y a également des hématomes, des fractures et des brûlures. En général, 82% des cas nécessitent des soins légers, alors que 11% nécessitent des sutures, entre autres. Les trois quarts des femmes venant se soigner ne sont pas à leur première expérience. Leurs «agresseurs» n'ont jamais été condamnés, bien que la plupart d'entre eux sont «récidivistes» en matière de coups et blessures. Nombreuses sont les femmes qui se rapprochent de la police pour déposer plainte et ne reviennent pas pour déposer le certificat médical exigé dans ce genre de cas. De son côté, le président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), M. Farouk Ksentini, avait estimé l'année dernière que pour lutter «de manière efficace» contre la violence dont est victime la femme, «il est impératif d'instaurer des dispositions légales, pénales strictes suivies d'une application rigoureuse». Pour lui, «porter la main contre une femme doit être assorti d'une circonstance aggravante comme c'est le cas chez nos voisins en Tunisie», estimant que «tout acte de violence contre les femmes est une violation de leurs droits fondamentaux à la vie, à la sécurité et à la dignité et constitue un délit intolérable et déshonorant». «La violation de ces droits ne peut être excusée par un quelconque motif et la violence contre les femmes est un obstacle à la réalisation de l'égalité, du développement, de la paix et de la sécurité, et il faut donc lutter contre toute cette violence avec rigueur et détermination», a-t-il insisté. Même si l'Algérie a amendé ses textes, et les coups et blessures sont considérés comme un délit assorti d'une peine qui peut aller jusqu'à 10 années de prison quand il y a préméditation ou port d'armes (article 266 du code pénal), pour M. Ksentini cela «reste insuffisant» pour «enrayer» la violence à l'égard des femmes, surtout que les victimes, par peur du divorce, d'une vengeance, hésitent souvent à porter plainte.        Notons par ailleurs qu'une banque de données et de collecte de statistiques sur le phénomène de la violence contre les femmes vient d'être créée à Oran. Cette banque pilote au niveau national a pour rôle de collecter des informations et des données sur ce phénomène au niveau des services de la Sûreté, de gendarmerie, des établissements hospitaliers et des associations à caractères sociales.

 Le but est d'uniformiser les données statistiques avancées par les services concernés sur des cas de violence sur les femmes, ce qui permettra d'avoir une vision globale sur les cellules d'écoute encadrées par des psychologues et des sociologues.