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Si «ce n'est pas la fin du monde !», c'est quoi alors ?

par El Yazid Dib

On n'a pas gagné, on est qualifié. Le passage aux quarts de tour n'était qu'une tactique de très bon jeu au début, mêlée à un score venu d'ailleurs en fin de partie. L'équipe nationale a finalement et profusément bien tourné.

L'on aurait entendu de Luanda se dire « ce n'est pas la fin du monde ! ». D'abord de quelle fin du monde s'agit-il ? Sans doute pas celle du sien. Du monde de celui qui a proféré cette sentence la croyant capable de l'absoudre de tout reproche. Certes, ce ne sera la fin de quiconque sauf d'une chevauchée africaine longuement entretenue à coup de milliards, à coups de rêveries et à tue-tête. La presse, le citoyen, les pouvoirs, chacun à sa manière continueront même après le mondial à analyser et commenter ; l'équipe nationale, ses dirigeants, joueurs, et environnement. Dans le sport comme dans la politique ou la culture, le commentaire est comme un contrepoids, un contre pouvoir. Tout doit se dire. D'un coté ou de l'autre. En fait, il n'y avait aucune méchanceté dans le fait de dire et décrire les avatars ou les couacs d'une sélection. L'effet de démobilisation présumée n'arrive que devant un mutisme qui serait à son tour considéré comme un agrément. Une fatalité indiscutable, ou une amère réalité à ne pas discuter. Si critique ou commérage n'y étaient pas à la suite de la défaite au premier match, la victoire en second match et la gestion du nul qualifiant en ultime match ne seraient pas obtenues. La colère populaire a fait que le représentant du pays en Angola sorte ses trippes et tout son cœur pour se dévouer à un seul et exclusif objectif : gagner ! Enfin?se qualifier. Ce qui est fait. Merci et bravo ! La présente chronique se veut modestement d'être une brève rétrospective d'une échappée africaine à regarder à juste titre comme une phase supérieure et préparatoire au rendez-vous mondial. Il est tout à fait vrai que nous ne rêvions pas, à un temps donné ,de telles avancées. Nous n'avions qu'un conglomérat de joueurs. Pas d'équipe du tout. Apres l'Égypte, nous découvrons nos potentialités à aller de l'avant. On s'était mis déjà dans la peau d'un vainqueur, d'un invincible. L'aventure continue et se termine à Khartoum après avoir tenu en haleine et en coupe de souffle tout un pays. De son président à son peuple. De ses ministres à leurs opposants. De son élite à ses indifférents. De ses cadres à ses chômeurs. De son histoire à ses martyrs. Tout était sans campagne ni sensibilisation, mobilisé comme en temps de guerre pour que l'Algérie, gagne, prospère et se hisse dans le concert des grandes nations. C'était fait. On a vécu d'intenses moments pleins de solidarité, de fraternité et surtout de récupération des symboles nationaux de l'emblème au chant patriotique. Quand l'enthousiasme s'évapore, il ne vous reste que cette réalité dure et tangible qui vous tend le score réel comme un critère authentique d'une évaluation. La tenue en échec en premier match face à un Malawi, que l'on devait oublier, devait quand bien même être prise au sérieux. Nos joueurs ont été trop pris, après Khartoum, par une sorte d'enivrement. Le score subi face au Malawi n'était pas adaptable à une hégémonie qui s'apprête à disputer, très prochainement des joutes avec les meilleures équipes du monde. Les trois buts encaissés iront droitement dans la responsabilité d'une machine défensive défaillante et qui avait besoin d'une grande cohésion. Cette cohésion on l'aurait par contre vue en face du Mali. Elle était contre l'Angola, comme un mur quasi infranchissable. Un gardien de bois, paradoxal d'une rencontre à une autre et qui en tout accord avait fait un exploit dans la présence de l'équipe déjà en Angola puis en Afrique du sud, aurait pu garder sa tête sur les épaules et ne point s'émerveiller ou croire en l'apothéose interminable.

 Un match ne dure qu'une partie. Chaouchi qui avait clairement failli techniquement à sa mission contre le Malawi, s'est vaillamment ressaisi contre le Mali et l'Angola. Le sourire brandi sur ses lèvres ne lui aurait certainement rien couté. Par contre la mimique nerveuse, la visibilité de son arrogance faciale et le crachat contre un équipier du Terradji tunisien avec l'entente de Sétif ont été tels des éléments disqualificatifs éthiquement et réducteurs de performance, s'agissant d'un sportif de niveau international

 Avant ce déclic salutaire, nos joueurs ne voyaient déjà que la tangente radieuse d'un avenir trop prometteur. Reçus en héros par tout un peuple, honorés plus que des héros par le président de la république, ils auraient, faudrait-il le dire, consommé à satiété et à l'avance le nectar encore immature d'une gloire qui ne s'arracherait que par buts et bon résultat. Il ne fallait pas trop afficher que le tournoi qui se passe en Angola n'est qu'une vitrine d'exposition des individualités de chacun. Le terrain n'est pas uniquement un espace d'exposition, où l'on doit se distinguer pour un éventuel contrat dans un club prestigieux. Certains de nos joueurs l'auraient transformé en un marché sportif de haut niveau. Si cela est vrai pour toutes les formations, il n'est pas par ailleurs permis de faire l'artiste quand on a besoin d'un buteur.

 A voir déjà l'insubordination caractérisée de Lemouchia, lors de son remplacement dans le match aller contre le stade malien au sein de l'effectif setifien; l'on dirait que l'insulte gestuelle lancée au visage de son coach était proférée à l'égard de tout un peuple supporter de ses prouesses. Sa désinvolture a fait réagir plus d'un. Saadane devait en prendre cause, mais ne l'a pas fait. Car le onze national pouvait et peut évoluer en toute aisance sans ce joueur, suffisant et enivré par l'exploit du Soudan, le contraire n'est pas juste. Saadane a l'embarras du choix avec l'apport des professionnels. Lemouchia ; sans ce onze miraculeux vaudrait ce qu'il valait avant son incorporation dans les verts. C'est des rangs de l'entente que son statut d'international s'est profilé, grâce aussi aux dons bienveillants de négociateur redoutable de son parrain Serrar. A Sétif, tout le monde sportif sait comment est venu à l'entente, cet enfant de Givors. Le bonhomme ne s'est point arrêté là. Il continuera dans son offense jusqu'à ce qu'il claque la porte à la veille d'un match aussi important pour se confondre après, dans des motifs de famille. L'Algérie n'a pas besoin d'un « guerrier » en guerre et qui a la tête dans une superette ou dans un coin amical de quartier. Le patriotisme dépasse ainsi la passion familiale et surpasse la réaction juvénile, voire puérile. La victoire sur le Mali qui faisait afficher un bon moral national et le nul concédé à l'Angola n'ont pas fait démériter le onze national. Ils se sont battus comme des nègres. De véritables guerriers du désert. La sueur qui se mêlait à l'effort laissait apparaitre le rêve de partir encore loin.

 C'est pour ces raisons, que la fin du monde pourrait bien arriver d'un stade. Du moins la fin de la coupe du monde. Que faire alors ? Gagner la Cote d'ivoire et on verra.