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UN DEBAT GLAUQUE

par K. Selim



La majorité des Français ne sont pas satisfaits de la manière dont se déroule le débat sur l'identité nationale. Le président Sarkozy et ses conseillers, qui ont constamment les yeux rivés sur les sondages, peuvent constater que le «coup», lancé à l'approche d'une échéance électorale, se transforme en fort mauvaise affaire.

 En confiant à Eric Besson, socialiste renégat, ministre de l'Immigration et surtout aventurier de la politique dans le sens - le moins élégant du terme - le soin d'orchestrer cette opération, le président français a, de manière qu'on ne peut qualifier de sibylline, d'emblée fixé le cadre du débat. L'identité nationale de la France serait en question en raison de la présence sur son territoire «d'étrangers» irréductibles, arabes, noirs et musulmans.

 Le débat, orchestré dans les préfectures, n'a rien de philosophique. Le consensus est à l'invective du «pas vraiment français», in-intégrable par définition... C'est bien le vieux fonds de commerce de la «droite nationale» pétainiste et lepéniste, intellectuellement aux antipodes de la droite gaulliste, qu'on a décidé de ressortir dans un contexte de crise économique et sociale. Les «spin doctors» de Sarkozy prétendent ouvrir un débat «populaire» afin de ne pas laisser libre le terrain à Le Pen.

 En réalité, ils ont provoqué une crispation générale au sein de la société française et rouvert aux lepénistes un formidable boulevard. Ces derniers ne boudent pas leur plaisir. Et la droite néoconservatrice et atlantiste, incarnée par Nicolas Sarkozy, ne fait que surenchérir. Même une casquette mise à l'envers - attitude que l'on retrouve chez les jeunes du monde entier - est devenue le stigmate du banlieusard arabe qui ne sait pas être un bon Français...

 De nombreux intellectuels de gauche se sont insurgés contre un débat qui donne une image dégradée de la France. Sarkozy a cru bon, en osant une malheureuse référence à la votation suisse contre les minarets, opposer le bon peuple aux élites. Vieille ficelle de la droite extrême.

 Mais le refus de ce débat va au-delà des intellectuels de gauche. Au sein même de la droite républicaine, on est effaré de la tournure dangereuse de ces glauques débats où des Français «purs» viennent déverser leurs haines et leurs idées reçues sur les «impurs». C'est un député UMP, François Baroin, qui constate que le débat, voulu par Sarkozy et orchestré par le très doriotiste Eric Besson, prend une direction peu honorable. «On a ouvert la boîte de Pandore, l'ensemble des bas instincts s'est développé et a couru dans la société».

 C'est aussi un ancien Premier ministre gaulliste, Alain Juppé, qui constate que «tout ce qui peut dresser les communautés les unes contre les autres, et en particulier les musulmans contre les autres, est détestable». Or, il faut bien le constater, le débat préfectoral de MM. Sarkozy et Besson banalise la parole xénophobe et raciste. Il ne dit pas ce que c'est qu'être français, il désigne des «ennemis», ces Français qui ne le «seraient pas vraiment». Que des hommes politiques de droite, De Villepin, Baroin ou Juppé, s'opposent à ce défoulement de xénophobie est un signe qu'il existe un socle solide de valeurs démocratiques face aux manipulations néoconservatrices.