Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Pékin veut se faire une place en Afrique: Dix milliards de dollars dans la valise chinoise

par Mahrez Ilias

L'Empire du Milieu s'investit de plus en plus en Afrique, devenue en moins d'une décennie une des plus formidables plateformes des investissements directs chinois.

Le 4è forum sur la coopération Chine-Afrique, ouvert dimanche dans la station balnéaire égyptienne de Charm Echeikh, confirmera, à l'issue de ses travaux, cette forte relation de coopération entre les deux parties. L'élan économique, mais également politique, de Pékin pour l'Afrique est sans commune mesure ni avec les Etats-Unis, la France ou le G7+ la Russie : les investissements directs chinois dans le continent sont passés de 491 millions de dollars en 2003 à 7,8 milliards de dollars en 2008. Les échanges extérieurs sont passés, quant à eux, à 106,8 milliards de dollars en 2008, soit une hausse de 45 PC. C'est phénoménal, si l'on considère les engagements de Pékin dans la majeure partie du continent. La rencontre de Charm Echeikh, dont la déclaration finale devrait renforcer cette coopération que certains milieux en Occident assimilent au ?'néocolonialisme'', intervient à un moment où l'Afrique fait face aux effets pervers de la crise financière mondiale. La Chine, dont la propre croissance économique est tirée à la hausse par ses marchés en Afrique, va ainsi débloquer, selon le Premier ministre Wen Jiabao, 10 milliards de dollars sous forme de nouveaux prêts aux pays africains au cours des trois prochaines années. Encore plus concret dans cette relation de coopération, le chef du gouvernement chinois a promis l'annulation de la dette de certains pays, les plus pauvres du continent. Mieux que les promesses du G7 pour les pays les plus endettés d'Afrique, et plus directe, la Chine semble être en phase avec l'Afrique où elle compte investir énormément. ?'La Chine va augmenter ses investissements et son aide au développement en direction de l'Afrique'', selon le projet d'accord qui devait être signé dimanche au terme du forum sino-africain de Charm el-Cheikh. «Malgré ses propres difficultés liées à l'impact de la crise financière mondiale, la Chine s'est engagée à augmenter à nouveau son aide à l'Afrique», souligne ce projet d'accord. La Chine n'a pas précisément formulé le montant de son aide future, mais Pékin souhaite montrer que son intérêt pour le continent africain ne se limite pas à l'extraction de ressources naturelles. «Au cours des trois prochaines années, la Chine continuera à fournir des prêts à taux préférentiel aux pays africains, qui serviront principalement à soutenir le développement des infrastructures et des projet sociaux.» «La Chine poursuivra sa coopération avec l'Afrique et tentera d'accroître la valeur ajoutée des ressources naturelles des pays africains et leur capacité de traitement intensif de ces ressources», poursuivent les auteurs du texte. Et les entreprises et les grands groupes industriels chinois, mais également ceux du BTP et de l'énergie sont aujourd'hui très présents en Afrique.

 Plusieurs observateurs relèvent ainsi que Pékin a opéré un sérieux toilettage de sa politique extérieure, donnant plus de mordant à sa coopération avec l'Afrique, un continent victime des enjeux géostratégiques entre les anciennes puissances coloniales et les Etats-Unis. Mais, ni la France qui domine au centre, ni les Etats-Unis, encore moins les promesses (politiques) du G7+la Russie ne sont parvenus à donner un réel essor économique à l'Afrique et lutté efficacement contre la pauvreté chronique de plusieurs pays du continent. Mieux que tous les discours, Pékin a réussi à concrétiser sa coopération en s'implantant durablement dans plusieurs pays africains à travers des projets de développement ambitieux.

 Pétrole et énergie au Soudan, BTP et infrastructures routières en Algérie, industries et mines dans plusieurs autres pays du continent illustrent une prédominance de plus en plus importante des entreprises chinoises par rapport à celles d'Europe et des Etats-Unis. En Algérie, Pékin est très présente, avec plusieurs milliers de chinois travaillant dans les différents chantiers de l'autoroute Est-Ouest et des projets d'habitat : depuis 2000, les entreprises chinoises ont investi plus de 15 milliards de dollars, alors que ses exportations vers l'Algérie ont atteint 2,7 milliards de dollars. Et, avec une croissance économique de presque 10 Pc par an même en période de crise financière mondiale, Pékin reste, pour les pays africains, ce ?'grand frère'' d'Orient capable de subvenir aux besoins économiques de l'Afrique. Et, dans la foulée, l'Empire aura grillé les Etats-Unis, et l'Europe qui font des droits de l'Homme un préalable politique parfois anachronique lorsque des milliers de personnes meurent chaque jour de faim.