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Affaire des moines de Tibhirine: Grand déballage en France

par Amine L.

Les preuves irréfutables que c'est bel et bien le GIA qui a assassiné, en 1996, les 7 moines de Tibhirine, tombent en rafale.

La véracité des assertions du général François Buchwalter, attaché de Défense de l'ambassade de France à Alger, actuellement en retraite, devant le juge français antiterroriste chargé de l'enquête sur cette affaire, n'en finissent pas d'êtres mises à mal. L'ancien ministre français des Affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, revient à la charge, persiste et signe : l'ancien chef de la diplomatie française a affirmé que les revendications du GIA d'enlèvement et d'assassinat des 7 moines de Tibhirine (Médéa) avaient été «authentifiées par les services spécialisés français». «Les services spécialisés français ont authentifié les revendications du GIA. C'est-à-dire qu'ils ont affirmé, après étude et examen, que c'est bien le GIA qui a signé ces revendications», a déclaré dans une émission de la chaîne de télévision Canal Algérie M. de Charrette, qui était ministre des Affaires étrangères lors des faits, il y a 13 ans.

M. de Charrette, actuellement député, a indiqué que ces enlèvements et assassinats «avaient été revendiqués par un commando du GIA dirigé par un dénommé Zitouni», relevant que «personne» au sein du GIA n'avait prétendu le contraire. «Je n'impute à aucune autorité algérienne d'avoir trempé dans tout cela et je crois personnellement que c'est bien le GIA qui en est le responsable», a encore affirmé M. de Charrette. L'ancien ministre français, qui a exprimé, par ailleurs, «son attachement à la qualité et à la densité des rapports avec l'Algérie», s'est demandé pourquoi ressortir aujourd'hui «des affaires qui sont de nature à troubler» les rapports algéro-français. «En fait, j'ai du mal à comprendre le sens de l'enquête judiciaire qui vient d'être déclenchée en France sur le sujet, dans la mesure où tous les événements se sont passés en Algérie», s'est-t-il interrogé. «Pourquoi cette affaire revient à la surface, aujourd'hui, 13 ans après, alors qu'en réalité, on ne voit aucune raison particulière de le faire», a-t-il ajouté. Hervé de Charrette a déjà déclaré au journal français L'Express : «Cette affaire me fait penser au suicide de Pierre Bérégovoy. Dans ce genre d'histoires, il y a sans cesse des remontées d'huile pour remettre en question la version officielle. Je n'ai jamais entendu parler, de manière officielle, d'une possible bavure des militaires algériens. La version du général Buchwalter n'est que l'opinion d'un fonctionnaire parmi tant d'autres. Il y a toujours des gens qui ont intérêt à manipuler des informations contradictoires dans ce genre d'affaires d'Etat à Etat.» Autre fait lié à cette affaire : le ministre français de la Défense, Hervé Morin, a indiqué hier mardi, sur radio RTL, qu'« aucune note de l'ex-attaché militaire français en Algérie sur le massacre des moines de Tibéhirine n'a encore été retrouvée par le ministère de la Défense. «J'ai eu une note hier (lundi) disant on n'a toujours pas retrouvé cette note, puisqu'elle date d'une bonne douzaine d'années», a déclaré le ministre de la Défense. «C'est une note qui n'a pas été transmise au ministère français des Affaires étrangères, qui a été transmise à la Direction du renseignement militaire. (...) J'ai demandé aux services d'essayer de retrouver cette note», a-t-il dit. «Il n'y a aucune raison qu'on aille cacher une analyse faite par un attaché de Défense qui était en poste en Algérie», a assuré M. Morin tout en soulignant que cette éventuelle note «fait référence à des gens qui auraient dit que, qui auraient dit eux-mêmes que...».

De son côté, Yves Bonnet, ancien patron de la DST française à l'époque des faits, a déclaré : «on nous ressort régulièrement cette affaire sans l'ombre d'une preuve sans un aveu, uniquement sur la dénonciation d'un certain nombre d'officiers qui sont des traîtres à leur armée et à leur pays». «J'ai la certitude que les choses se sont passées telles qu'on les a décrites au moment de la tragédie et les Algériens ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour libérer les moines». L'ex-patron de la DST a souligné aussi «l'impossibilité de tirer depuis un hélicoptère sans toucher les cranes». «Vous n'avez aucune précision de tir en hélicoptère, que ce soit en coup par coup ou en rafale», a-t-il dit, ajoutant qu'il n'avait jamais entendu dire que l'armée algérienne ait réalisé une opération à partir d'hélicoptère, et en plus, dans un djebel touffu sans une véritable visibilité».

M.Bonnet s'est, par ailleurs, interrogé sur l'absence de l'enregistrement de l'entretien au siège de l'ambassade avec l'émissaire de Zitouni, et le fait qu'il soit sorti de l'ambassade, dissimulé dans un véhicule diplomatique afin d'échapper à une probable filature des services de sécurité algériens». «Ils ont fait en sorte qu'il ne puisse pas y avoir de filature pour que l'émissaire reparte dans le maquis sans avoir aux trousses la DRS algérienne », a-t-il dit, qualifiant cette manière de procéder de «crime». Il s'est demandé aussi pourquoi, lors de la venue de l'émissaire de Zitouni, le commissaire de la DST à l'ambassade de France n'a pas été informé. Autre personne interrogée lors de cette émission de Canal Algérie, Mme Rina Sherman, la campagne du journaliste Didier Contant, mort le 15 février 2004 d'une chute «inexpliquée» du 7ème étage d'un immeuble à Paris alors qu'il enquêtait pour le Figaro Magazine sur l'assassinat des moines. Selon Mme Sherman, le journaliste «menait encore son enquête sur cette affaire par téléphone quelques heures avant sa disparition». «Contant revenait de Médéa en sa possession plusieurs enregistrements de témoins sur l'affaire ainsi que le témoignage du jardinier du monastère qui a affirmé que l'enlèvement des moines avait été perpétré par un groupe du GIA», a-t-elle encore dit.

Par ailleurs, selon le journal français L'Express, lors de l'assassinat des sept moines français à Tibhirine, le ministre de la Défense, Charles Millon, a affirmé n'avoir pas été informé de la piste d'une bavure de l'armée algérienne. Charles Millon, ministre de la Défense de 1995 à 1997, à l'époque de l'assassinat des moines, affirme n'avoir pas eu connaissance de la nouvelle piste suivie par la justice ». Le général Buchwalter a déclaré au juge avoir transmis des notes écrites au ministère de la Défense sur une éventuelle implication de l'armée algérienne dans la mort des sept religieux. «Je n'ai jamais été informé de l'existence d'une note de l'attaché militaire de l'ambassade de France à Alger concernant le sort des moines, affirme à L'Express, Millon. Je ne connais pas le général Buchwalter, dont le nom même m'est inconnu. S'il a fait un rapport, il n'est jamais remonté jusqu'à moi. Pour la France, à cette époque-là, la clef de la tragédie des moines se trouvait en Algérie. Si mes souvenirs sont exacts, elle n'a d'ailleurs pas été examinée en conseil de Défense. On ne m'a jamais parlé d'une ?bavure' de l'armée algérienne et je ne comprends pas bien pourquoi cette affaire ressort maintenant».