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La commissaire européenne au Commerce extérieur écrit à Djaâboub: L'UE demande l'annulation des mesures Ouyahia

par M. Saâdoune

L'Accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne n'a pas bonne presse en Algérie, où l'on fait un bilan critique : peu d'exportations hors hydrocarbures et peu d'investissements directs productifs contre un gonflement vertigineux des importations. Les mesures d'encadrement de l'investissement étranger prises par le gouvernement algérien ainsi que la décision d'imposer aux sociétés commerciales étrangères d'ouvrir leur capital d'au moins 30% aux Algériens n'ont pas bonne presse parmi les Européens. Les critiques des opérateurs européens sont restées «off the record» et ont été rarement exprimées de manière publique. Désormais, l'Union européenne en a fait officiellement son affaire.

Catherine Ashton, commissaire européenne au Commerce extérieur, a officiellement saisi par lettre le ministre algérien du Commerce extérieur, El-Hachemi Djaâboub, pour exprimer son «inquiétude» au sujet des mesures prises sur les investissements étrangers et les sociétés commerciales étrangères. La lettre, datée du 12 juin dernier, soit quatre jours avant la tenue du Conseil d'association entre l'UE et l'Algérie, énumère les mesures prises par l'Algérie qu'elle considère contestables. Il s'agit de l'imposition d'un actionnariat algérien majoritaire dans tous les projets d'investissements étrangers, du fait que la mobilisation du capital doit se faire sur le marché financier local, de l'obligation de dégager une balance en devises excédentaire au profit de l'Algérie durant toute la vie du projet et enfin des 30% de participation algérienne obligatoire dans le capital de toute société étrangère d'importation. En clair, ce qui est contesté, ce sont les circulaires d'Ahmed Ouyahia destinées à mettre en application le «nouveau cours» de la politique économique algérienne après le discours critique du président de la République en juillet 2008.



«En désaccord avec l'Accord d'association»



Pour la commissaire européenne au Commerce extérieur, «ces mesures annoncées semblent être en désaccord avec l'Accord d'association et l'Union européenne». Elle cite notamment «l'article 37.1 qui contient une «clause de stabilité», l'article 32.1(b) qui engage l'Algérie à accorder le traitement national aux prestataires de services de l'UE et l'article 39 qui impose la libre circulation des capitaux entre les deux parties». La commissaire européenne estime sur un plan plus général que ces meures contribuent à «l'incertitude» et se «mettent contre l'objectif de facilitation d'un climat favorable pour l'investissement comme les parties s'y engagent dans l'article 54». Mme Catherine Ashton estime «particulièrement inquiétant» que les mesures concernant les sociétés étrangères d'importation s'appliquent non seulement aux «futures sociétés mais aussi à celles qui existent déjà». Cette «obligation rétroactive sape la certitude juridique», estime la commissaire européenne, en appelant le gouvernement algérien «à reconsidérer les mesures annoncées et à explorer la possibilité de suspendre leur application».

Après la tenue du Conseil d'association, le 16 juin dernier au Luxembourg, le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a loué «l'esprit positif» dans lequel s'est tenue la réunion.



Côté algérien, le bilan est globalement négatif



Les questions soulevées dans la lettre de Mme Ashton n'ont pas été évoquées directement dans sa déclaration. Il est cependant improbable que le sujet n'ait pas été abordé au cours de cette rencontre. M. Medelci avait évoqué des «préoccupations» algériennes qui semblent liées à ce qu'il faut bien désormais considérer comme un différend : la faiblesse de l'investissement européen et le gonflement des importations algériennes, alors que les exportations hors hydrocarbures restent négligeables. Le ministre algérien avait annoncé qu'un «forum des investisseurs européens» serait organisé en Algérie. Cela peut constituer un élément de réponse.

Pour l'instant, il est improbable de voir le gouvernement algérien revenir sur les décisions prises, y compris celle concernant la «rétroactivité» des mesures concernant les sociétés commerciales. Le bilan, plutôt négatif, de l'application de l'Accord d'association, qui a été dressé par des officiels algériens, n'y incite guère. Même ceux qui ne sont pas forcément d'accord avec les politiques du gouvernement ne peuvent que constater que l'objectif principal d'attirer les investissements directs attendu par l'Algérie est très loin d'être atteint.

Ce contentieux pourrait être l'occasion d'une remise à plat des relations économiques entre les deux parties...