Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L’or est de retour

par Akram Belkaïd, Paris

Il y a moins de dix ans, l’once d’or ne valait guère plus que 200 dollars et les départements de recherche économique et financière des grandes banques et des organismes de courtage ne donnaient pas cher de la fameuse « relique barbare » si décriée en son temps par Keynes. C’était l’époque de la bulle internet et des grandes tirades à propos de la « nouvelle économie ». L’or véritable, expliquait-on alors, était dans les puces et dans les sites internet qui valaient des fortunes en Bourse, sans pour autant avoir gagné le moindre fifrelin. Les choses ont bien changé depuis et le métal jaune est de nouveau la vedette des marchés.

 

Une hausse irrésistible

 

Déjà, les attentats du 11 septembre 2001 puis la guerre en Irak avaient provoqué un net regain d’intérêt pour le lingot qui a retrouvé au cours des années 2000 son statut de valeur refuge. La hausse du pétrole, l’incertitude sur les marchés boursiers et, pour finir, la crise financière ont donné un coup de fouet à la lente progression de ce métal précieux, l’once ayant atteint un record historique à 1030,8 dollars en mars 2008.

Outre les incertitudes géopolitiques et les turbulences financières, d’autres facteurs ont par ailleurs soutenu ce mouvement haussier. Les grèves à répétition dans les mines sud-africaines ont ainsi affecté la production et provoqué des achats de couverture de la part de la joaillerie mais aussi de l’électronique.

De même, et toujours concernant l’Afrique du Sud, la vigueur du rand a limité les exportations des grands groupes miniers sud-africains, ces derniers étant par ailleurs de plus en plus tentés par des opérations de croissance externe (rachat de concurrents notamment australiens) plutôt que par des investissements en faveur de l’exploration et de l’augmentation des capacités de production en Afrique du Sud. Au final, tous ces facteurs ont contribué à soutenir la hausse des prix de l’or et à en faire une valeur très recherchée par les investisseurs mais aussi par les Etats et les Banques centrales.

Au cours du premier trimestre de l’année 2009, plusieurs pays, parmi lesquels la Russie, le Venezuela et l’Equateur, se sont en effet portés acquéreurs d’importantes quantités d’or. La démarche est défensive puisqu’elle anticipe des turbulences sur le front des monnaies avec la dépréciation possible du dollar. Même les Etats-Unis, qui possèdent les plus importantes réserves du monde avec 8.133 tonnes, ont acquis du métal précieux en 2008 et depuis le début de l’année, achats qui, là aussi, ont contribué à soutenir les prix.

 

Le FMI fait planer le doute sur le marché

 

Il reste que cette embellie semble menacée en raison de l’intention du Fonds monétaire international (FMI) de céder 403 tonnes (sur un stock total de 3.217 tonnes) durant une période de deux ou trois ans. Ayant obtenu du G20 le droit de procéder à une telle vente, le FMI entend pouvoir disposer de liquidités pour voler au secours de pays confrontés à des difficultés financières ou à des déséquilibres graves de leurs balances de paiement.

Ces ventes annoncées ont déjà eu un impact négatif sur le marché du métal jaune puisque l’once est revenue autour des 800 dollars. Mais pour les analystes de Goldman Sachs, l’impact des cessions du FMI sur le cours de l’or ne pourra être que limité et ne dépassera pas une baisse de 11% des cours.

Deux raisons expliquent cette prévision : d’abord, ventes du FMI ou pas, les Banques centrales des pays émergents, notamment celle de Chine, vont continuer d’acheter de l’or. Ensuite, les marchés dérivés n’ont pas attendu longtemps pour se consoler de leurs déboires avec l’immobilier. De fait, de nombreux produits permettent d’investir sur le marché de l’or sans pour autant en acquérir réellement sur le marché physique. Et dans ce cas aussi, la tendance, certes spéculative, est clairement orientée à la hausse.